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Le mouvement Black Lives Matter a imposé depuis 2020 dans toutes les anciennes puissances esclavagistes et colonialistes européennes la problématique de la reconnaissance des crimes commis et celle des excuses et des réparations. Les réactions des Etats sont variables, les résistances souvent fortes. « Je ne demanderai pas pardon », a par exemple déclaré récemment le président français à propos de la colonisation de l’Algérie. En Belgique, le travail en ce sens d’une commission officielle qui permettait d’espérer une avancée majeure, déjà évoqué sur notre site, vient d’échouer, comme le raconte un article ci-dessous. Un dossier du site Justiceinfo.net et une série de vidéos diffusée par Arte permettent de faire un tour d’horizon européen. Nous renvoyons également à un article de fond du sociologue Renaud Hourcade sur « la politique des excuses » et ses ambiguïtés.
Passé colonial belge : pourquoi la commission a dû ravaler ses excuses
par Gaëlle Ponselet, publié par Justiceinfo.net le 19 janvier 2023. Source
Cet article fait partie d’un riche dossier intitulé « L’humanité à l’heure du crime colonial »
Deux ans et demi à interroger les mémoires, mais pas moyen de trouver un consensus politique pour des excuses aux victimes. Alors qu’elle faisait figure de pionnière en Europe, la commission sur le passé colonial belge s’est effondrée sur la ligne d’arrivée, fin décembre, dépossédée de toutes ses recommandations savamment formulées.
L’affaire a fait couler beaucoup d’encre en Belgique. Fin décembre, le président de la commission parlementaire chargée de faire la lumière sur le passé colonial belge, l’écologiste flamand Wouter De Vriendt, annonce que les excuses officielles aux victimes du colonialisme ne sont pas approuvées. Il s’agissait pourtant de la recommandation la plus forte ressortant des travaux de cette commission parlementaire pionnière en Europe, installée en juin 2020, dont l’ambition était de faire face au passé colonial belge, de réparer et d’indemniser.
Durant plus de deux ans, les parlementaires ont auditionné près de 300 personnes (principalement des experts en histoire, en droit et en socio-politique mais aussi des représentants des diasporas) et se sont rendus en République démocratique du Congo, au Rwanda et au Burundi. Ils ont tenté d’éclaircir les dernières zones d’ombre de la période coloniale, afin de parvenir, in fine, à formuler des recommandations destinées à réparer et à réconcilier.
Difficile d’imaginer le début d’une réparation sans que soient formulées des excuses officielles. C’est pourtant là que la commission a buté, ne parvenant pas à réunir une majorité de votes, plusieurs commissaires ayant quitté la session. L’échec résonne au moins autant que l’annonce des grandes ambitions qui étaient visées par cette enquête éprouvante, dont les travaux ont permis d’arriver à la conclusion que, sans conteste, de nombreux crimes et d’importantes spoliations ont été commis durant la colonisation. La Belgique est apparue d’autant plus médiocre qu’au même moment le gouvernement des Pays-Bas reconnaissait sa responsabilité pour son passé esclavagiste, présentant des excuses et annonçant la création d’un fonds de réparation.
Rétropédalage des partis libéraux
Que s’est-il passé ? Tout a basculé le 19 décembre quand, au moment de voter les 128 recommandations, les commissaires des partis libéraux ont quitté la session. La « Vivaldi » comme on l’appelle, soit la coalition fédérale (constituée des partis PS, Vooruit, CD&V, Open VLD, MR, Ecolo et Groen) était divisée sur la recommandation principale, celle des excuses, libellée comme suit : « La Chambre présente ses excuses aux peuples congolais, rwandais et burundais pour la domination et l’exploitation coloniales, les violences et les atrocités, les violations individuelles et collectives des droits humains durant cette période, ainsi que le racisme et la discrimination qui les ont accompagnées ».
Les libéraux – MR, pour Mouvement réformateur, et Open VLD – y étaient clairement opposés. Tandis que les Chrétiens démocrates flamands – le CD&V – préféraient s’en tenir aux « regrets » exprimés par le Roi des Belges en juin 2022. Pour ces partis, le risque de devoir assumer des réparations financières immenses était jugé trop élevé.
« Nous avions un consensus sur des excuses, et puis soudainement les forces conservatrices ont fait marche arrière », a relaté à la presse Christophe Lacroix, député du Parti socialiste (PS), membre de la commission. Selon son président, Wouter De Vriendt (du parti Groen – Vert), des pressions ont été exercées de l’extérieur. « Il était clairement et ouvertement dit au sein de la majorité qu’il y a eu des contacts et des blocages de la part de plusieurs acteurs, dont les présidents de parti, mais aussi du Palais royal », a-t-il déclaré au lendemain de la séance de vote. Les partis libéraux ont répondu que leur position par rapport à l’éventualité d’excuses officielles était claire dès le début, tandis que, du côté du Palais royal on a démenti toute pression.
Outre la recommandation sur les excuses, toutes les autres ont été balayées dans la foulée. A savoir, l’instauration d’une journée de commémoration, la confection d’un monument en hommage aux victimes des « zoos humains », la création d’un centre de connaissance, l’octroi de bourses d’études, la déclassification des archives, une nouvelle dénomination pour l’Ordre de Léopold II, l’élaboration d’un plan d’action national contre le racisme, etc.
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publié le 13 février 2023