— Par Lucie Servin —
Fantastique ! Le Petit Palais présente jusqu’au 17 janvier, à Paris, une double exposition d’estampes
sur le Japon de Kuniyoshi et la France du noir. Une visite en deux temps.
Le succès commercial de l’estampe au XIXe siècle, soutenu par les progrès techniques et industriels, fait exploser la production aussi bien au Japon qu’en Europe. Les images se démocratisent. Le Petit Palais, à Paris, s’en fait l’écho avec une grande exposition qui présente, en parallèle, les œuvres en couleurs de Kuniyoshi et les variations sur le noir de Goya à Redon. Kuniyoshi est considéré au Japon comme un des grands maîtres des ukiyo-e (gravures sur bois) au même titre qu’Utamaro, Hokusai et Hiroshige. La commercialisation des estampes japonaises amène en France la mode du « japonisme », mais l’intérêt des artistes français se porte surtout sur le traitement des paysages ou des scènes du quotidien. À l’époque d’Utagawa Kuniyoshi (1797-1861), la ville d’Edo (Tokyo) compte déjà plus d’un million d’habitants et abrite de nombreux divertissements populaires, spectacles de toutes sortes, comme le théâtre du kabuki ou les combats de sumos.
Kuniyoshi apprend les techniques de gravure sur bois polychrome héritant d’une tradition déjà renouvelée par ses prédécesseurs. Les ukiyo-e, « images du monde flottant » dans leur traduction littérale, illustrent les livres et les romans d’aventures, représentent des scènes de genre ou des portraits, servent à la publicité et traitent de thèmes variés. Les combats des héros légendaires jaillissent dans une profusion de détails plastiques où de musculeux guerriers entrelacent des dragons. La théâtralisation exacerbée par l’expression des visages et la dynamique des cadrages préfigurent le manga et l’art du tatouage. Cette dramaturgie formelle fouille dans le détail les traits du dessin et les motifs du remplissage. La maîtrise s’exprime ici sur la peau des lutteurs, plus loin dans les kimonos. Un style jaillit, libéré, une explosion expressive jubilatoire, qui caractérise et caricature. Contre la censure qui interdit aux artistes de représenter les courtisanes, les geishas et les acteurs, Kuniyoshi réinvente sa liberté dans la contrainte. Il transforme ses personnages avec des têtes d’animaux. La satire s’efface, au profit de réalisations improbables et virtuoses en puzzle et en ombre chinoise…
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http://www.humanite.fr/les-estampes-fantastiques-du-xixe-siecle-594058
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