— Par Louise Huet—
À l’occasion de la journée mondiale de l’éducation, ce 24 janvier, plusieurs ONG rappellent à quel point les inégalités entre les filles et les garçons persistent dans l’accès à l’apprentissage. Au sein des régions en situation d’urgence, le constat est sans appel : les filles demeurent toujours les premières mises à l’écart de la scolarité.
Malgré des progrès notables en matière d’accès des filles à l’école dans le monde, en 2021 encore 132 millions de filles âgées de 6 à 17 ans ne vont pas à l’école, dont 75% d’adolescentes, d’après la Banque mondiale. Parmi elles, une sur quatre se trouvent dans un pays en développement.
En effet, si toutes les données indiquent qu’en moyenne, les filles comblent progressivement les écarts d’accès à l’éducation avec les garçons, la situation est beaucoup plus contrastée quand l’on se penche d’un peu plus près sur certaines régions. D’après l’association Plan international, il est pourtant indéniable que l’éducation est « un véritable levier d’émancipation pour les filles » et un puissant vecteur pour « sortir un pays de la pauvreté ».
Malgré tout, les pays en situation de crise peinent à résorber le décalage de scolarisation entre les filles et les garçons, et à remonter le nombre de filles alphabétisées. « Dans une vingtaine de pays, concentrés en Afrique centrale, en Afrique de l’Ouest, et en Asie du Sud-Est, les filles souffrent encore d’inégalités très graves en termes d’éducation », commente Manos Antoninis, directeur du Rapport mondial de suivi sur l’éducation de l’Unesco.
L’éducation, une priorité récente de l’aide humanitaire
En temps de conflit, de guerre, après une catastrophe naturelle ou lors d’une crise humanitaire, l’éducation semble toujours être la grande perdante. « Pendant longtemps, on a considéré que le plus important pour les populations était de couvrir les besoins primaires, le logement et l’alimentation. On peine à reconnaître que l’éducation est aussi un service humanitaire essentiel qui peut sauver des vies », déplore Carole Coupez, déléguée générale adjointe du collectif Solidarité laïque. « Mais depuis une dizaine d’années, on a compris que l’éducation est un facteur très important pour favoriser le développement des pays », renchérit Manos Antoninis.
Une prise de conscience sur l’importance de l’instruction qui s’est notamment accélérée avec le début de la guerre en Syrie, selon Violaine Gagnet, directrice des programmes au sein de Plan international France. « La population syrienne était très éduquée, et du jour au lendemain, elle n’est plus retournée à l’école. C’est pour ça qu’on a parlé de « génération syrienne perdue ». Ça a été la même chose au Yémen puis en Ukraine, et je pense qu’avec ces crises, on a mieux compris la portée que peut avoir l’éducation et des enseignements de qualité. »
Pourtant, le domaine de l’éducation représente à peine 1,6% de l’aide humanitaire allouée par la France en 2021, alors qu’elle s’est élevée à 6,48% en 2020 et 3,4% en 2019, d’après le Groupe Enfance. Face à ce constat, Solidarité laïque tente de remettre l’éducation au cœur des préoccupations en s’éloignant d’une vision trop étriquée de la scolarité. « On pense forcément à l’éducation comme quelque chose qui prend du temps, qui nécessite des infrastructures, des salles de classes… Mais il existe des solutions parallèles, moins formelles, qui redonne à l’éducation son rôle de prévention et de protection et apportent de meilleures réponses aux crises », affirme Pascal Kouamé, directeur des actions de coopération internationale du collectif.
Selon lui, l’éducation populaire ou informelle peuvent être des alternatives cruciales pour aider des populations déplacées en temps de conflit. Au Mali, dans la région du Sahel, cible de terrorisme, leurs bénévoles et les enseignants mobilisés essayent par exemple de s’adapter à la population nomade, en voyageant avec elle pour continuer à instruire les enfants.
Un cercle vicieux difficile à briser pour les filles
Selon le fonds monétaire Education Cannot Wait, les premières victimes de cette éducation délaissée en situation d’urgence sont les filles, puisqu’elles ont « 2,5 fois plus de risques d’être déscolarisées que les garçons ». Un chiffre qui s’explique par plusieurs freins tous basés sur deux facteurs : les stéréotypes de genre et la pauvreté.
« Manque d’infrastructure et de transports scolaires, éloignement de l’école, des mauvaises conditions d’enseignement, des frais de scolarité trop élevés… », Solidarité laïque énumère plusieurs causes structurelles qui excluent les enfants, et les filles, de l’école. Aussi, pour répondre aux besoins financiers des familles les plus paupérisées, les enfants ont tendance à être mis au travail. « Et à cause de forts préjugés de genre, on va plutôt considérer que le garçon doit aller à l’école et que la fille doit travailler », décrypte Violaine Gagnet.
Ces pressions économiques exacerbées entraînent alors un cercle vicieux difficile à détruire, et pour les filles, une double peine. Par exemple, les mariages précoces favorisent la sortie des filles de l’école, très souvent pour « avoir une bouche de moins à nourrir ». Au Nigeria, une adolescente sur cinq ne va pas à l’école parce qu’elle est mariée ou enceinte, selon l’Unesco. Une fois mariée, les grosses précoces et les potentielles agressions sexuelles les éloignent encore plus du chemin de l’école. Et la législation évolue lentement. Les politiques qui limitaient ou empêchaient les jeunes filles enceintes de se rendre à l’école n’ont été abrogées qu’en 2019 au Mozambique, au Zimbabwe ou en Ouganda.
Le cas de l’Afghanistan se distingue comme une « exception terrible » d’après Manos Antoninis, pays où les droits des femmes reculent drastiquement de jours en jours depuis la prise de pouvoir des talibans. Et parmi les dernières mesures liberticides prises, figure l’interdiction pour les femmes d’accéder à l’enseignement secondaire et universitaire…
Lire la Suite=> Rfi