–— Par Jean-José Alpha —
Nous assistons depuis quelques temps à une relance des activités artistiques dans certaines communes de la Martinique, comme un regain d’intérêt culturel pour l’ensemble du territoire martiniquais ; ce qui devrait nous réjouir au vu des appels publics que j’ai lancé depuis plus de six mois, vers les collectivités et particulièrement vers les intercommunalités, en leur démontrant l’intérêt pour leur territoire de maitriser la compétence culturelle. D’autant que les services de l’Etat ne sont pas hostiles à la mise en œuvre de ces dispositifs prévus dans les lois de décentralisation qui prévoient notamment la formation artistique et la diffusion des productions sur l’ensemble des territoires.
La demande s’exprime, semble-t-il, aussi bien en Guadeloupe qu’en Guyane, comme en Nouvelle Calédonie, comme un fait culturel qui confirme aussi que la considération apportée aux enjeux culturels et artistiques comme une possible alternative aux échecs socioéconomiques, est de nature à réguler les tensions sociales par l’activité, la recherche et l’expérimentation.
La politique culturelle qui prend en compte l’éducation, la formation et la production affirme généralement le sentiment réel d’appartenance à une communauté de culture, au sein des populations qui se disent exclues voire marginalisées par rapport à la capitale. Même si, là aussi, il ne se passe rien d’autre qu’une dynamique consumériste qui ne trouve aucun prolongement dans la valorisation des potentiels repérables encore, dans ce qu’on appelle « l’arrière pays ».
La compétence culturelle aux intercommunalités
Je rappelle à chacun que les dispositifs législatifs pour le développement des politiques culturels existent, ils permettent aujourd’hui de doter les intercommunalités du pouvoir de maitrise et de financements des projets portés par les communes, notamment par une mutualisation des logistiques et des moyens.
Si aujourd’hui les maires répondent favorablement aux demandes qui leur sont faites sur l’insistance des associations communales ou des producteurs artistiques indépendants, pour l’organisation de spectacles destinés, d’une part, à recréer ou renforcer le lien social, élément déterminant à la mise en œuvre d’une émulation culturelle nécessaire à l’implication des populations dans le fonctionnement démocratique de la cité, c’est que le tissu associatif et les élus ont bien compris l’urgence d’approfondir l’économie culturelle sur leurs territoires respectifs.
Ils savent que l’immobilité use l’humain et détériore les structures qu’ils ont créées à grands frais, et qui sont aujourd’hui sous-utilisées n’offrant, en effet, rien d’autre que le gardiennage des petits et la vannerie pour les seniors. Une grande partie de la jeunesse s’estimant déconsidérée et marginalisée, ne s’approprie pas ces lieux pourtant destinés à l’origine à favoriser l’émergence de leurs potentiels créatifs.
Les élus comprennent enfin que le développement exponentiel des actes de délinquances et de violences sur leur territoire, pour ce citer que ces aspects, ne trouvent pas d’autre solution de régulation que par l’intéressement de chacun à exprimer sa détresse, son désarroi, ses erreurs, ses échecs, mais aussi ses victoires, ses BA, ses réussites et ses projets dans un espace culturel et artistique ouvert et propice à l’expression publique. Et non par des pulsions nihilistes engendrées par la peur, qui provoquent des ripostes catastrophiques, qui alimentent en boucle ces sentiments malsains d’insécurité et d’abandon social.
Chacun s’époumone à dire qu’il faut mettre l’homme au cœur du développement, mais peu affirment que c’est par la considération qu’on lui porte, que l’individu se sentira concerné par le projet collectif.
Or, aujourd’hui, qui prend en compte le projet collectif si ce ne sont les collectivités territoriales elles mêmes en difficulté de ressources face au désengagement de l’Etat ?
Ne convient-il pas, d’une part, de redéfinir les dispositifs compensatoires avec l’Etat dans le cadre de la décentralisation socio-économico-culturelle ? Et puis, pourquoi cette frilosité constatée à utiliser la formule de partenariat public privé (PPP) qui est en fait un mode de financement parfaitement légal par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public, donc à l’intérêt général ?
Les Casinos, producteurs culturels et artistiques
Savez vous la loi de finances rectificative du 30 décembre 1995, qui prévoit que « outre l’abattement préalable sur le produit brut des jeux prévu à l’article 1er du décret-loi du 28 juillet 1934, les Casinos peuvent bénéficier (il faut en faire la demande), à compter de la saison 1995-1996, d’un abattement supplémentaire de 5 p. 100 sur le produit correspondant au déficit résultant des manifestations artistiques de qualité (MAQ) qu’ils organisent ».
En clair, cela veut dire que les Casinos de Schoelcher et des Trois Ilets peuvent financer avec la ville du territoire où ils sont implantés, des actions artistiques de qualité.
Le décret pris en application de l’article 34 de la loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-1347 du 30 décembre 1995), précise, par ses articles 1 à 6, que « sont susceptibles d’ouvrir droit au bénéfice des dispositions de l’article 34 de la loi du 30 décembre 1995 susvisée, toutes manifestations artistiques relevant du spectacle vivant et enregistré, des arts graphiques et plastiques, d’une qualité artistique reconnue par le ministère chargé de la culture, ou d’un rayonnement tel qu’il puisse s’étendre à l’étranger. »
Il s’agit bien, là aussi, de dispositifs réglementaires qui permettent de financer les actions culturelles portées par ces lieux qui proposent des jeux d’argent et de hasard et qui, de plus, ont obligation d’exercer des activités d’animation et de restauration.
Cet exemple d’ingénierie culturel parmi bien d’autre est édifiant d’immobilisme en Martinique, pour ce que nous savons, quand on sait qu’il est en mesure de procurer non seulement certains financements artistiques et culturels mais qu’il favorise l’activité et l’emploi dans un contexte malheureux de dépression sociale.
Pourquoi les collectivités et ou les intercommunalités laissent-elles encore la gestion de ces moyens inutilisés à l’Etat ?
L’économie culturelle adossée à ces dispositifs devrait permettre de financer avec l’Etat, me semble-t-il, et de manière pérenne, par exemple la relance du Salon du livre en Martinique créé en 2004 et 2005 par la Ville de Schoelcher ; l’itinérance d’un Festival de musique, de contes et de danses de la tradition ; l’itinérance d’ateliers de formation comme l’a initié le SERMAC dans les quartiers de Fort de France ; l’itinérance d’expositions et de tournées artistiques de danse moderne, de théâtre, de musique, de chant choral, et de cinéma.
Je suis persuadé que ces pistes une fois comprises et approfondies, sont de nature à mieux accompagner les collectivités, intercommunalités notamment, confrontées inéluctablement aux enjeux de mutations sociales.
L’équation, volonté par financement sur mutualisation devrait aboutir à la réussite et à la satisfaction publique. J’en suis convaincu.
J. José ALPHA