Exposition collective du 19 mai au 30 août 2022 au Créole Arts Café
— Par Dégé —
Elle est décidément prolixe et variée la petite galerie « Créole Arts Café » en face de la poste de Saint-Pierre. Cette fois TRIPLE REGARD* expose, de retour sur sa terre natale, Ghislaine Marceau au pinceau traditionnel (la senne) ; Jehann Pognon connue pour son expression artistique contemporaine (l’oiseau au croton) ; et c’est l’étrange forme colorée de l’affiche, œuvre de Sylviane Fédronic, qui retiendra notre attention.
Est-ce un Envol ou un Plongeon ? D’un extra-terrestre ou d’un arlequin ? Un body painting ? Un écorché résilient ? L’image radiologique des humeurs d’un funambule fort émotif…
De fait, l’artiste intitule son tableau « Sur un fil ». C’est bien cela : toujours entre la vie et la mort, la Joie et le désespoir, un être à la recherche de son équilibre, de son chemin, sa voie, sa voix… Épreuve longue, douloureuse qui s’exprime aussi, avec une palette comparable (pourtant plus sage et structurée), dans un arbre généalogico-philosophique « La Part du Colibri ». Où se déroulent les questions essentielles de la vie qui tourmentaient par exemple Gauguin. Où s’affrontent les contraires : être ou ne pas être, l’ombre et la lumière…
Une quête qui se fait donc dans des étirements, des torsions, des ratages, des déséquilibres, des rattrapages, de périlleux bouillonnements internes, bref dans l’agitation, le mouvement.
Comment alors expliquer le contraste avec les autres tableaux de Sylviane : des baisers. Tout plein de baisers ! ? De Klimt à ceux d’une chaumière…Et tous pétrifiés ! Une ligne sobre à la Peynet ou Magritte…Des baisers de couples sculptés figés dans une pierre volcanique d’où s’échappe pourtant, vivante, une immense tendresse…d’où irradie la sensualité. Ce ne sont pas des bisous nours. Ces amants–là ont souffert. Leur fusion fut cataclysmique. Que de cris, de déchirements, de violences, de chutes et de rebondissements avant de présenter ces monolithes lisses apaisés stables !
Que dire aussi de cette grande toile où ricane une grise gargouille échappée de Notre-Dame, pompeusement intitulée « Anthropocène » ? « Mon autoportrait », sourit Sylviane Fédronic soulignant les lunettes qui permettent au monstre moyenâgeux minéralisé de basculer dans le métavers ! Plus exactement, le Stryge, cette Chimère de Eugène Viollet-Le-Duc contemple le télescopage des siècles passés et futurs avec une bienveillante ironie. Tout comme elle appuyée sur la balustrade de sa terrasse, Sylviane pose ses réflexions en regardant la mer.
Ainsi, loin de toute incohérence ou naïveté, l’artiste nous indiquerait, contre tout tragique aléas de la vie, les moyens de rester debout, en équilibre : un peu de folie, de rire et…beaucoup d’amour ! Passionnément la vie, la leçon du grand âge !
*Exposition collective du 19 mai au 30 août 2022.