— Par Valérie de Saint-Do —
Pour la première fois depuis des décennies, la France voit des théâtres fermer et des festivals jeter l’éponge, victimes des restrictions budgétaires et de l’indifférence politique de nouveaux élus pour qui spectacle vivant ne rime plus qu’avec divertissement. Face à cela, la plupart des acteurs installés du spectacle vivant font le dos rond et naviguent entre clientélisme et renoncement. Une enquête parue dans le dernier numéro de la Revue du Crieur disponible en librairie et Relay.
Si l’on ne devait se fier qu’au foisonnement de créations ( théâtrale, musicale, chorégraphique ), la France pourrait passer pour un pays où le spectacle vivant a le vent en poupe. Rien que dans la capitale, la liste des spectacles à l’affiche donne le tournis. Et, dans tout l’Hexagone, rares sont les lieux où l’on se trouve vraiment éloigné d’une scène proposant une programmation de qualité. Une jungle inextricable, où les productions théâtrales coûteuses côtoient les expériences aussi fauchées que passionnées, où le moindre village propose son festival… À première vue, donc, le spectacle est bien vivant en France.
Et pourtant, chaque semaine ou presque apporte son lot de mauvaises nouvelles. Avec l’arrivée d’une droite dure à la tête des collectivités territoriales, on ne compte plus les témoignages d’équipes sacrifiées sur l’autel de la rigueur budgétaire – imposée, il est vrai, par la baisse des dotations de l’État – ou de l’idéologie. Des lieux de spectacles réputés en ont déjà fait les frais, comme le Forum du Blanc-Mesnil. En Rhône-Alpes-Auvergne, Laurent Wauquiez endosse sans complexe le costume d’Attila de la culture, sabrant 400 000 euros d’aides aux compagnies théâtrales et pratiquant des coupes claires dans les budgets de presque toutes les structures et manifestations, hormis celles qui se trouvent sous la coupe de ses amis politiques.
En Île-de-France se dessine depuis 2016 et l’arrivée de Valérie Pécresse à la tête de la région une effarante orientation des politiques culturelles : baisse drastique des subventions, suppression des emplois-tremplins ( qui annonce une hécatombe dans le domaine culturel ), arrêt du Festival d’Île-de-France ( consacré à la musique ), fermeture de l’Adiam94 ( une association dédiée à la musique dans le Val-de-Marne ). Mais l’offensive anticulturelle n’est pas l’apanage exclusif d’une droite revancharde : à peine élu, François Bonneau, le président PS de la région Centre, a supprimé l’agence Culture Ô Centre, et, à Grenoble, l’équipe rouge-verte d’Éric Piolle, sous couvert d’anti-élitisme, a fait des choix culturels contestés : baisse des subventions aux associations et municipalisation de deux théâtres jusqu’alors gérés par un collectif artistique. Autant dire que les acteurs du spectacle vivant ont le blues… et voient l’horizon s’obscurcir. A fortiori ceux du théâtre public et de la danse, dont l’existence même est remise en cause par les politiques d’austérité. Face à la double menace des coupes massives dans les subventions et d’une ingérence réactionnaire dans les contenus, le sentiment qui prédomine est celui d’un abandon généralisé de la classe politique pour la culture en général, et les arts de la scène en particulier…
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