— Par Pierre Barbancey —
A l’occasion de la sortie de son nouvel album, « Mescla » (1), réalisé avec le Roccassera Quartet qu’il a fondé, rencontre avec le musicien niçois Jean-Louis Ruf-Costanzo qui parle de ses choix musicaux, de ses influences et de l’importance des cultures populaires.
Quelle est la genèse de la formation du Roccassera Quartet?
Après avoir joué pendant 18 ans avec Melonious Quartet, quatuor de mandoline moderne, sous la direction de Patrick Vaillant, j’ai souhaité monter mon propre projet, qui jouerait mes compositions. J’ai sollicité des musiciens que je connaissais et que j’appréciais. On a fait une première rencontre où j’ai amené quelques morceaux, on a joué et de suite ça a sonné. Vu qu’humainement le courant est bien passé, ce qui est très important, on a décidé de continuer.
A quoi correspond cette alliance du mandoloncelle, du violon, de l’accordéon et de la batterie?
J’ai plus choisi les personnes et leurs qualités musicales que les instruments. Certes, je voulais une batterie, pour avoir un côté « groove », entre le funk-jazz, l’Afrique et le musette. J’ai demandé à Pascal Reva qui est le batteur de Nojazz groupe soul-funk mondialement connu. Pour cette formation, je voulais avoir un mélange d’influences. Je connaissais Frédéric Viale qui est un musicien extraordinaire, « le poète de l’accordéon », aussi à l’aise sur le musette que dans le jazz, le tango ou la musique brésilienne. Il a des qualités d’improvisateur exceptionnelles. Et puis j’ai aussi contacté mon ami Sergio Caputo, de San Remo, qui est violoniste et avec qui j’avais joué dans différentes formations. Il est féru de musiques traditionnelles italiennes, mais aussi du Maroc, du Sénégal… Et il est aussi capable de jouer du classique. Avec le mandoloncelle qui est une sorte de mandoline à la voix grave, je peux jouer les basses, mais aussi les accords comme une guitare et faire aussi des thèmes et des chorus. On a donc un son d’ensemble équilibré.
Votre formation, de par son nom, est bien ancrée dans le pays niçois mais on se rend bien compte que vous ne vous enfermez pas dans une seule approche culturelle. C’est un mescla! Qu’est-ce qui, musicalement a prévalu dans vos compositions?
C’est vrai que j’accorde beaucoup d’importance aux cultures populaires, à commencer par celle de là où je suis né et où je vis, le pays niçois. Mais j’ai aussi écouté et joué des musiques très diverses et je crois que toutes ces influences se mélangent dans mes compositions. D’où le nom de l’album « Mescla », qui en occitan signifie mélange. Ce qui est beau et fort dans les cultures du monde c’est qu’elles sont toutes le fruit de métissages et d’influences diverses et qu’elles sont toutes différentes avec chacune sa richesse. Et ce processus continue en permanence, car l’humanité est en perpétuelle évolution et qu’elle invente sans cesse.
Quelles sont vos sources d’inspiration?
Il y en a beaucoup ! Ce serait long et fastidieux de toutes les citer. Il y a tellement de musiciens que j’admire. Je pourrais parler des Américains Carla Bley une musicienne que j’adore, Thelonious Monk ou Frank Zappa. Il y a aussi le Brésilien Hermeto Pascoal, le regretté guitariste espagnol Paco de Lucia. Dans le classique Igor Stravinsky, mais aussi Erik Satie et Maurice Ravel. Les Beatles, bien sûr qui furent une de mes premières découvertes. Mais il y en a plein d’autres ! Pour les styles de musiques ça va de la musique cubaine au choro brésilien. Le jazz aussi et le musette. Les musiques des gnawa au Maroc, le rebetiko grec, les musiques « orientales », la musique du Mali qui est splendide. Sans oublier les musiques traditionnelles d ‘Occitanie, avec Bachas-Montjoia, Lo Cor de la Plana et Du Bartàs, par exemple et d’Italie aussi. Quand je compose un morceau je ne cherche pas à faire un « à la manière de », il me vient une inspiration qui m’est propre et qui n’est pas forcément dans un style défini, mais qui a à voir avec tout cet arrière plan. Et puis les morceaux sont enrichis des idées et des inventions de chacun de mes camarades musicien.
Finalement, vous valorisez l’apport des cultures. N’est-ce pas un paradoxe dans un département, les Alpes-Maritimes, où les autorités ferment les frontières aux migrants?
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