— Par Pierre Alex Marie-Anne —
Avertissement aux lecteurs: ce conte n’est qu’une fiction, toute ressemblance avec des situations ou des personnages existants ne saurait être que pure coïncidence, totalement fortuite.
Il était une fois un peuple d’eunuques si tellement lâche qu’il devait faire appel à des activistes venant de lointaines contrées pour soulager ce qu’il considérait comme “son oppression”.
Ceux qui criaient le plus fort étaient les plus lâches , ils n’arrêtaient pas d’évoquer la période de l’esclavage dont ils semblaient en vérité inconsolables ; leur désir le plus grand ,bien que secret, était de trouver un nouveau maître.
Il advint qu’un vieillard qui passait par là d’un pas chancelant , les entendit; il avait cependant la vue très basse ,d’où sa difficulté à concevoir des actions et projets ambitieux.
Son caractère ,fort ombrageux d’autre-part, faisait qu’il ne s’exprimait que par foucades et oukases, sur un ton des plus comminatoires
Sa principale qualité – car il en avait!-, était de savoir compter et il ne se privait pas de contempler la hauteur de son épargne, grossissant jours après jours à proportion de son inaction ; il se délectait à l’avance à imaginer la mine déconfite de ses détracteurs découvrant l’ampleur du magot qu’il pourrait présenter fièrement aux générations futures ,comme témoignage irréfutable de sa bonne gestion. Cependant son atout -maître ,le ressort intime de son pouvoir était d’une toute autre nature: cette dernière en effet lui avait fait don d’une paire d’organes en bronze massif, de qualité supérieure , sans équivalent dans la gent politique locale. C’est ce qui faisait que le peuple d’eunuques était en adoration devant lui ,toujours prêt à ramper à son moindre commandement.
Comme de juste ,cela ne pouvait que susciter la jalousie , en particulier celle d’un faucon noir ,aux ailes teintées de roucou ,poussant sans cesse des cris stridents: ooo…miii…! Ce que celui-ci reprochait par dessus tout à ce vénérable géronte ,c’était de lui avoir enlever du bec la proie qu’il s’apprêtait à dévorer ,en compagnie de ses commensaux de la ville capitale ; adieu veaux ,vaches cochons , couvées, si précieux pour la résorption des déficits tous azimuts , dont il s’était fait une spécialité.
C’est pourquoi, le spectre d’une deuxième déconvenue lui était carrément insupportable ; comment pourraient-ils ,lui et les siens, envisager un seul instant de quitter le cocon natal ,si lucratif et protecteur, dont le clan avait le monopole ,depuis nanni-nanan ? Où pourrait-il dans ce cas se reposer de ses longues pérégrinations?
Le danger est à nos portes, décrétons la mobilisations générale et entrons résolument en résistance ! Il se trouvera bien quelques naïfs, sur notre droite ou sur notre gauche ,à commencer par nos proches voisins de l’agglomération sans expérience ,pour se laisser prendre à nos tours de passe-passe : délestage d’une partie de mon effectif excédentaire sur feu le Conseil.Général et surtout mon coup de génie,le hold-up sur la taxe foncière du LAMENTIN ,qui ne s’en est jamais remis !
Peine perdue hélas! car la détérioration des finances communales ne faisait que croître et embellir, en dépit des efforts pathétiques de son successeur pour ne pas sombrer dans l’océan des dettes qu’il lui avait laissées en héritage.
Alors ,à la guerre comme à la guerre, ceignons nos reins comme de vaillants petits soldats et haut les cœurs!
Les choses en étaient à ce point lorsqu’un joli colibri ,paré de couleur chatoyantes ,virevoltant de fleur en fleur, annonça l’arrivée imminente du jour ,dans l’horizon qui se fardait de rose.
Avec lui allaient se dissiper les songes funestes et les terreurs de la nuit et le peuple d’eunuques, ayant soudain recouvré toute sa virilité ,pourrait s’atteler avec courage et détermination au dur combat quotidien pour la survie , par cette très chaude matinée de la nouvelle année.
Pierre Alex MARIE-ANNE