Les 9, 10 et 11 mai à 19h 30 au T.A.C.
— Par Christian Antourel —
Si Harold Pinter est l’un des auteurs contemporains les plus joués dans le monde, c’est d’abord parce qu’il s’est toujours engagé contre toute forme de tyrannie et d’oppression et à toujours pris parti pour la défense de la liberté. Mais c’est aussi pour la finesse du regard qu’il porte sur les difficultés des rapports humains. A travers ces courtes pièces et des textes Pinteriens qui ne livrent jamais directement leurs intentions, le spectateur plonge au milieu de tranches de vie où s’enchainent et se déchainent des portraits corrosifs et sans concession du monde du travail, du couple, de l’amitié et du pouvoir . Un mélange savoureux de styles et de couleurs pour rire, s’émouvoir et s’interroger sur le devenir de notre société, voilà la caractéristique essentielle de son œuvre qualifiée de « théâtre de la menace. » L’incursion d’une agressivité latente dans la banalité du quotidien, traduite par des dialogues anodins qui l’apparentent au théâtre de l’absurde, crée une tension déstabilisante. Tout est drôle, le plus grand sérieux est drôle ; la tragédie même est drôle. « Chez Pinter il vaut mieux rire au début, car à la fin en générale ça se gâte. » Pinter nous donne à voir et à entendre des pièces qui traitent de cas isolés pathétiques. Qui parlent d’une société déshumanisée et égoïste, d’un monde désemparé et d’une terrible réalité sociale contemporaine qui prend sa source dans les rapports hiérarchiques du pouvoir. Ce théâtre nous éclaire sur la vulgarité peut-être pornographique d’une civilisation prête à tout pour augmenter ses profits et ses plaisirs. L’occasion étaient donc belle pour l’Association L’art gonds tout, et sa troupe de théâtre amateur « Les Buv’art, » qui a décidément tout d’une grande, de montrer que le théâtre est un trésor. La mise en scène signée Laurence Aurry dans une vision panoramique et intuitive, parvient ici à s’insinuer pareille à une ombre derrière les mots les gestes des comédiens et actualise la pièce. Elle traduit dans des notes cristallines le ressenti des choses à destination du rendez-vous avec le public. Ici, plus qu’en tout autre matière le beau, le vrai surtout s’imprime dans la mémoire d’une manière quasi indélébile. Si l’on veut songer combien d’efforts il faut réunir pour obtenir cette démonstration très habile, on imagine aisément qu’elle persévérance les Buv’art ont dû déployer. A l’instar de Pinter la colère devient calme, la tendresse sévère, le rêve ondoyant et brillanté du spectacle se transforme en méditation solide et obstinée. De même que la poésie lyrique , la passion du théâtre solennise tout, même le mouvement, et rend à l’œuvre d’Harold Pinter son élégance paradoxale et qui participe à la dureté du sujet traité. Comme l’a voulu l’auteur nous sommes presque toujours surpris par le magique théâtre comme si les portraits étaient peints de profil , alors l’envie nous prend de tourner derrière l’image pour trouver l’envers du décor. Certains verront dans cette mise en scène une vision très appliquée et bénéfique à la compréhension, d’autres aussi apprécieront le télescopage fulgurant des expériences pinteriennes.
Christian Antourel.