Les « street artistes » hissent haut les couleurs pour faire entendre leur voix sur les murs de la planète.
La mort filmée de George Floyd… a déclenché une onde de choc mondiale. Partie des États-Unis, cette révolte face au racisme et aux violences policières a gagné de nombreux pays. Loin de rester les bras croisés, les street artistes ont aussitôt pris leurs bombes de peinture, leurs pinceaux et leurs ciseaux pour rendre hommage à George Floyd, ainsi qu’à tous ceux qui l’ont précédé, et pour dire stop au racisme, à la violence et à l’impunité des policiers.
Alors que le policier Derek Chauvin a été mis en examen le 5 juin pour “meurtre au troisième degré” et “homicide involontaire”…, fresques, collages, affiches et autres pochoirs, visibles autour du monde, rendent hommage à George Floyd. On aimerait que, peut-être un peu grâce à ces artistes engagés, nul n’oublie jamais ce qui a eu lieu, qui n’aurait pas dû avoir lieu, qui ne doit plus jamais avoir lieu sous peine de nous voir perdre le droit au beau nom d’humanité ! Et l’on pense à la ballade, de Paul Fort, qu’autrefois on ne manquait pas de nous faire réciter par cœur dans les écoles, et qui si elle peut paraître naïve, exprime un idéal que nous sommes encore loin d’atteindre : « La ronde autour du monde : Si toutes les filles du monde voulaient s’donner la main / Si tous les gars du monde… / Alors on pourrait faire une ronde autour du monde / Si tous les gens du monde voulaient s’donner la main ».
Outre bien évidemment dans diverses métropoles des États-Unis, on peut trouver sur des surfaces murales diverses ces œuvres-hommages en Espagne, Angleterre, Italie, Allemagne, Irlande, France, Syrie, au Brésil et au Kenya etc.
Dix-sept de ces créations réalisées par les street artistes du monde sont visibles sur le site Francetvinfo.
En France, quatre exemples de collages et fresques
PARIS : JR et Régis Léger, alias Dugudus
JR, street artiste-photographe, s’est fait connaître par ses collages photographiques dans le monde entier. En 2019, il a réalisé avec Agnès Varda le film « Visages, Villages » : tous deux ont parcouru les routes de France, photographiant et affichant en images géantes les hommes et les femmes rencontrés au cours de leur balade, de ceux que trop souvent on ignore, dans des endroits improbables.
L’artiste a cette fois réalisé un collage géant de plusieurs mètres de haut en hommage à Adama Traoré…
Ce collage a été réalisé dans la nuit de lundi à mardi 9 juin, dans une rue du 10e arrondissement près de la place Karski, en compagnie des élèves de l’École de cinéma Kourtrajmé, créée par le réalisateur Ladj Ly. En noir et blanc, il représente deux yeux séparés par une fissure — symbolique — du bâtiment.
Lors de son inauguration mardi à la mi-journée en présence du Comité de soutien à Adama Traoré, le réalisateur du film « Les Misérables », récompensé à Cannes en 2019, a indiqué que « cette fresque est là pour rendre hommage à Adama Traoré et à George Floyd ». Un double hommage, donc.
« Cette fresque fait écho à la marche du 2 juin, le visage de George Floyd, le visage d’Adama Traoré », a d’ailleurs déclaré Assa Traoré, la soeur d’Adama, lors d’un point presse pour réclamer « la convocation devant la justice des gendarmes », qui ont procédé en 2016 à l’interpellation fatale de son frère.
Régis Léger, alias Dugudus, est lui un graphiste-illustrateur basé à Paris, connu pour ses affiches politiques humoristiques placardées dans la capitale, ou ailleurs, et qui interpellent le passant. Comme celle baptisée « I Can’t Breathe », collée début juin en différents endroits et notamment Rue de la Verrerie à Paris. Par cette oeuvre, accompagnée des hashtags « #BlackLivesMatter et #FuckYouTrump », Dugudus réclame « justice pour George Floyd et toutes les victimes de violences policières ».
GRENOBLE : Combo Culture Kidnapper
Le street artiste parisien Combo Culture Kidnapper a réalisé une fresque murale en face d’un commissariat de Grenoble, en ouverture de la “Street art fest” de la ville, baptisée cette année « Résilience Édition ». Sur son compte Instagram, il a écrit « Les vies noires comptent. Nous n’oublions pas, Nous ne pardonnons pas », en mentionnant Zyed et Bouna, les deux adolescents morts dans un transformateur à Clichy-sous-Bois en 2005, ainsi qu’Adama Traoré, aux côtés de George Floyd.
NANTES : Itvan K, du Collectif “Black Lines”
« Une fresque en hommage à George Floyd et en solidarité avec le soulèvement aux USA », a écrit “Nantes révoltée”, un groupe d’information sur les luttes sociales et environnementales dans cette ville, en postant l’œuvre réalisée par Itvan K sur un des murs du “Jardin Extraordinaire” de Nantes. Le collectif Black Lines est connu pour ses fresques contre les violences policières. Il a notamment restauré celle réalisée en hommage à Steve Maia Caniço, mort noyé dans la Loire à Nantes lors d’une intervention policière à l’issue de la Fête de la musique, en 2019.
Une fresque de l’artiste Kobra, au Brésil, s’accompagne de la citation suivante, attribuée à Martin Luther King : « Peu importe la couleur, quand deux mains sont jointes elles projettent la même ombre». On peut ajouter celle-ci, à l’origine attestée : « Ce qui compte chez un homme, ce n’est pas la couleur de sa peau ou la texture de sa chevelure, mais la texture et la qualité de son âme ».
Fort-de-France, le 10 juin 2020