Le symbole est fort : à Mulhouse, épicentre de l’épidémie, le Centre chorégraphique national Ballet du Rhin a repris le chemin du studio. Mais le chorégraphe et directeur le souligne, si reprendre les cours était une nécessité, cela ne règle pas grand-chose : « Il y a trois cours par jour, pour des effectifs de huit à neuf danseurs », selon un protocole précis et prudent : « 45 mn de barre, un peu de milieu, mais on s’arrête aux petits sauts. » Pas question de mettre la résistance cardiaque des danseurs à l’épreuve alors qu’elle n’a pas été maintenue à son niveau et surtout à cause du masque. Le porter oblige le danseur à respirer son propre CO2 et limite la ventilation. « Un danseur pour vivre à besoin de son entraînement quotidien », justifie Bruno Bouché. Mais, pour le moment, la reprise complète reste floue. Même les compagnies qui n’ont pas complètement fermé font face à l’incertitude. À Stockholm, Nicolas Le Riche relate : « Les danseurs restent en forme : nous avons établi un programme qui couvre la journée avec différents cours. La Suède fait partie des pays qui n’ont pas été confinés. Nous proposons ces cours sur différentes plateformes : en “vrai” dans les studios avec de nombreuses règles sur le nombre de danseurs, en extérieur et par Internet. » Ensuite, « ce seront des vacances d’été, mais nous sommes impatients de recommencer et nous sommes heureux que sept nouveaux danseurs rejoignent le Royal Swedish Ballet la saison prochaine. Notre priorité, lors de notre ouverture, le 4 septembre, est de rendre hommage aux Ballets suédois ». Une perspective encore incertaine. Le Ballet de Monte-Carlo a choisi une autre option. « La Croix-Rouge monégasque teste l’ensemble de la population monégasque, constate Jean-Christophe Maillot, le directeur. Idéalement, nous souhaiterions tester les danseurs chaque semaine durant les prochaines semaines. Pour le moment, les classes ont repris en groupes de 15 dans un studio de 500 m2: : classes de danse classique et cours de Pilates ; la semaine prochaine, on rajoutera les cours de pointe. Dans deux semaines, on souhaiterait reprendre les répétitions sous réserve que nous obtenions d’ici là, la validation du gouvernement monégasque permettant le contact physique des danseurs dans le studio », ajoute le chorégraphe. Si l’enjeu est d’être prêts pour octobre, le doute demeure. Thierry Malandain jette un froid Dans ce contexte, un message de Thierry Malandain, directeur du CCN de Biarritz, a jeté un froid. Le chorégraphe demande à quoi sert de reprendre si l’on ne sait pas pourquoi faire. Les tutelles et les tourneurs de ces grosses structures suggèrent de diviser les ballets en deux ou trois pour proposer de petites formes, afin de répondre aux programmations possibles. Mais ces propositions sont entendues de façon plus large, au risque de déstabiliser l’écosystème : les grosses compagnies prenant, de fait, la place des plus petites dans les Ehpad, les musées, les écoles etc… Thierry Malandain demande « dans le monde d’après, y aura-t-il encore des danseurs permanents dans les CCN ? »
PHILIPPE VERRIÈLE