—Par Cécile Azzaro —
Issue d’un long partenariat avec des organismes de recherche, celle nouvelle banane baptisée « Point d’Or » se veut une contre-attaque face aux bananes « bio » extra-communautaires, venues par exemple du Brésil ou de République dominicaine. En effet, celles-ci obtiennent des « équivalences bio » en entrant sur le marché européen, alors qu’elles « ne sont pas aux normes d’un produit bio européen », affirme l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN).
Ils n’hésitent pas à parler de « révolution »: les producteurs de bananes antillais présentent au Salon de l’agriculture une nouvelle variété de banane, issue de 20 ans de recherche et qui ne nécessite plus de produits phytosanitaires pour sa production.
Issue « d’un long partenariat de recherche » entre l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), cette banane, baptisée « Pointe d’or », commencera à être commercialisée dès la semaine prochaine en Ile-de-France, a expliqué Pierre Monteux, directeur général de l’UGPBAN, lors d’une conférence de presse.
La nouvelle variété est issue de croisements naturels d’anciennes variétés de bananes, a souligné Michel Eddi, PDG du Cirad. Alors que la totalité de la production de bananes vendue dans le monde est issue d’une seule variété, la Cavendish, « celle-ci c’est la diversité, c’est l’alternative », vante-t-il.
La « Pointe d’or », nom de cette nouvelle banane, « c’est zéro traitement », insiste-t-il. L’objectif était de mettre au point une banane adaptée aux conditions climatiques tropicales sans produit phytosanitaire et résistante aux maladies, dont la cercosporiose noire, un champignon très présent dans les pays humides, et face auquel aucun traitement bio n’existe.
« Nous vivons une révolution dans l’histoire de la banane mondiale », a affirmé Eric de Lucy, président de l’UGPBAN. « C’est 20 ans de recherche pour mettre au point une banane complètement naturelle ».
Marcus Hery, directeur de l’Institut technique tropical (IT2), chargé de mettre en place tout le processus agronomique pour produire en grande quantité (fertilisation azotée à base de résidus de cannes à sucre, etc.), et pour l’exportation (mûrissement, transport) confirme: « Dans le monde bananier, il y a une seule variété depuis 50 ans. C’est une prouesse de pouvoir produire différemment ».
Plus petite que la Cavendish, la « Pointe d’or », a « un goût plus intense » et « plus fondant en bouche », explique-t-il. Mais elle est aussi plus fragile et brunit plus vite au toucher.
Concurrence extra-communautaire et les équivalences « bio »
« On demande aux consommateurs d’être tolérants », plaide Tino Dambas, cultivateur de bananes en Guadeloupe, l’un des six producteurs (trois en Guadeloupe, trois en Martinique) qui se sont lancés dans la production de cette nouvelle banane. « C’est une rupture totale avec la banane conventionnelle ».
Depuis la crise du chlordécone, pesticide utilisé dans les bananeraies des Antilles et qui a durablement pollué les sols, « on a vraiment changé notre manière de procéder et déjà réduit les traitements » phytosanitaires, mais la cercosporiose les oblige toujours à poursuivre les traitements fongicides (entre 3 et 7 par an environ).
« Le chlordécone, c’est de l’histoire ancienne », insiste-t-il, espérant que les consommateurs répondront favorablement à la nouvelle variété bio. « C’est le retour des consommateurs qui va faire qu’on va changer », explique-t-il.
Celle nouvelle banane se veut aussi une réponse aux bananes bio extra-communautaires, venues par exemple du Brésil ou de République dominicaine, et qui obtiennent des « équivalences bio » en entrant sur le marché européen, alors qu’elles « ne sont pas aux normes d’un produit bio européen », d’après Eric de Lucy. « Nous, on doit répondre au cahier des charges de l’UE, avec des règles de maîtrise phytosanitaire extrêmement sévères », souligne-t-il.
Au total, les Antilles produisent actuellement 35 hectares de cette nouvelle variété de banane (20 en Guadeloupe, 15 en Martinique), soit environ 1.000 à 1.200 tonnes attendues pour 2020.
Une goutte d’eau par rapport à la production totale des Antilles (environ 250.000 tonnes produites par an, et 600 producteurs), et surtout de la production mondiale (environ 110 millions de tonnes).
Les bananes de Guadeloupe et Martinique occupent 35% du marché français, explique David Dural, directeur exécutif de Banamart, organisation des producteurs de bananes de Martinique. Le reste provient principalement d’Afrique et des Caraïbes, devant l’Amérique latine.
Source : LaTribune.fr et AFP