« Les anges du désir », un roman, Michel Redon

redon_anges_du_desirUn roman. Pas une histoire mais des histoires : une rencontre amoureuse, à Cayenne, de nos jours, écrite par une femme, Hélène. En fait, une histoire à quatre mains, cocasse, surprenante mais harmonieuse, un peu comme une partition de piano. L’écrivain, Claude, écrivant l’histoire d’Hélène qui écrit celle de Marie et de Julien. Chaque écrivain, le réel et le créé vit l’histoire de ses propres désirs… Jusqu’à ce que les récits s’enchevêtrent et que Claude rencontre – ou croit rencontrer – l’un de ses personnages…

Vous l’aurez compris, tout cela orchestré par la plume d’un auteur joueur voire taquin qui entraîne ses lecteurs à la découverte d’un tableau à plusieurs lectures pour faire apprécier la notion de désir.

MOTS DE LECTEUR :

« Ce que l’on aime dans ce roman c’est la liberté, sinon légèreté, du narrateur principal qui mène, si l’on ose dire, son lecteur par le bout du nez. Celui qui tient la plume a le pouvoir… C’est néanmoins avec un réel plaisir que l’on suit l’évolution des états d’âme des personnages qui, à quelques égards, nous renvoient immanquablement à nos propres questionnements sur d’éventuelles relations amoureuses en cours ou passées. »

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Extraits croustillants (la larme à l’oeil ou l’eau à la bouche, au choix)

« C’est comme le regard du Blanc sur la fesse créole, un mélange de surprise et de désir…
Claude éclata de rire.
— Tu prépares une nouvelle thèse ? Moi, je suis Créole, je ne peux donc pas avoir de regard étonné ! »
Il regarda attentivement le petit morceau de citron vert au fond de son verre et le fit tourner doucement d’un mouvement souple et expérimenté du poignet, signe incontestable d’une longue pratique du verre de punch, avant de boire une gorgée de rhum guyanais. Il fit passer lentement le liquide parfumé contre ses joues puis il claqua discrètement la langue. Satisfait, Claude se tourna vers Mika et avec un grand sourire.
— Bon Dieu ! Que c’est bon !
Ils étaient installés à la terrasse d’un petit café, sur la place des Amandiers à Cayenne. Ce n’est pas vraiment une place, mais plutôt une sorte de vaste terre-plein planté d’arbres anciens à larges feuilles et d’une pelouse rase qui lutte contre la brûlure du soleil, exactement là où toute la ville butte d’un seul coup contre l’océan gris.
C’était l’heure où, comme chaque soir, venait mourir le jour, et de la mer toute proche montaient d’improbables vagues d’air tiède. Des jeunes gens passaient en riant et des couples d’amoureux enlacés guignaient vers l’obscurité rampante des vieux bancs peints de vert qui font face à la mer. Une bande d’oiseaux marins passa en criant, puis s’abattit sur les écueils noirs du rivage.
Mika se mit à rire doucement.
« Non, je ne prépare pas une nouvelle thèse de psychologie ! Mais le regard du Blanc sur la fesse créole…
J’aime bien cette expression que j’ai plusieurs fois entendue, elle est tellement vraie… On dit que quand ils arrivent, c’est la première chose qu’ils font, regarder les hanches des femmes d’ici. Enfin, j’exagère un peu, ils ne sont pas tous obnubilés par la forme de nos fesses ! C’est vrai qu’ici toutes les femmes sont belles ! Cette façon qu’elles ont de parler, de rire, de marcher, ce déhanchement subtil qui fait qu’elles glissent plutôt qu’elles ne marchent…
Mika se leva et fit quelques pas sur la terrasse, la main plaquée sur le haut de ses fesses..
— Tiens, comme ça !
Elle éclata de rire.
— Mais celles de mon pays sont encore plus belles que les Guyanaises ! Hein, Claude, toi qui connais le Surinam, dis-le pour une fois que les filles de Paramaribo sont plus belles que les Guyanaises ! »
Claude observa sa silhouette mince de jeune femme. Il connaissait Mika depuis six mois et savait qu’elle était originaire du Surinam et avait une trentaine d’années. Elle travaillait comme psychologue à l’hôpital de Cayenne et dans les dispensaires des villages éloignés.
« Toutes les filles d’ici sont belles, Mika, celles de la Guyane et celles du Surinam, mais les plus belles sont celles de chez moi. Ah ! si tu connaissais la Martinique ! (page 9)

Je baiserai ton coeur parce que je te veux… Oui, Marie, je baiserai ton coeur… Baciro il tuo cuore, et je baiserai ton corps aussi…
Julien posa sur le bras du fauteuil le livre que Marie lui avait prêté. L’histoire folle et à la fois pudique d’un désir, pour une femme qui peut-être n’avait jamais existé réellement. Qu’elle était belle cette phrase, et pleine et dure, et si douce aussi ! Elle venait intimement en lui, emplir la place vacante des cicatrices anciennes. Oui, mais maintenant, il y avait Marie. La cicatrice, c’était à elle de la refermer, pour toujours. Julien pensa à son corps, il était si beau, si fin, et tellement fragile, qu’il aurait voulu n’avoir lui-même ni consistance ni poids, être immatériel, au moment de s’y glisser, sans la toucher, rien que le désir, être le désir immense d’un sexe sans chair, juste pour qu’elle sente à ce moment où il la pénétrait combien il pouvait l’aimer.
Une nuit elle l’avait touché, sa main, ses doigts refermés sur lui, si tendres, alors il avait fermé les yeux, un peu de pudeur mais tant de plaisir, et il l’avait attendue dans des retranchements inouïs, jusqu’au moment de l’immense jouissance qu’il avait laissé s’exhaler contre elle, en n’ayant plus peur ni du monde ni de lui. Et puis elle avait souri. C’était Marie. C’était Marie aussi qui se faufilait ensuite vers la salle de bains et fuyait son appartement un samedi matin de grand soleil.

Il n’y a plus de temps pour fuir, ni de force pour résister, cet instant-là devait être, cet instant est, et cet instant sera maintenant et jamais, il sera jusqu’à la fin… encore Alessandro Barrico… Julien pensa qu’en lui prêtant ce livre, c’était comme un message, un signe, qu’elle avait voulu lui adresser. Ou bien c’était lui qui le voyait comme cela, et ce n’était peut-être qu’une simple coïncidence, mais si surprenante. Il le sentait qu’elle le cherchait parfois le temps pour fuir, et aussi la force pour résister, il les avait vus ces yeux qui devenaient plus sombres quand elle s’enfuyait. (page 57)

Mika s’était levée et s’approcha de l’écran.
— Je peux voir ? ‘‘Chair nue qui s’est offerte…’’
Elle rit.
— C’est dans une boucherie ? ‘‘sous le drap froissé, chair apaisée, chair rassurée…’’ elle dort avec Paul ?
Non, je sais, elle est avec Julien, je le faisais exprès… J’aime cette phrase, elle est si pleine de désir.
— Ce n’est pas moi qui l’ai écrite, c’est Hélène.
— Hélène ? Mais c’est toi aussi ! Et même si c’est Hélène, elle est quand même pleine de désir ! Bon, j’en peux plus… Dis tu me prêtes un tee-shirt pour dormir ? »
Il resta un long moment à contempler l’écran. Puis, en silence, il entra dans la chambre et s’approcha du lit. Elle dormait toute en travers, forme dessinée sous le drap, masse sombre des cheveux étalés, respiration lente de sa bouche sur son poing à demi fermé. Il lui sourit et silencieusement il éteignit la lampe qu’elle avait oubliée.
(page 138)


Région: France
Genre: Roman

Caractéristiques:

ISBN: 978-2-37520-503-7
Date de parution: 17 mars 2016
Type: Livre broché
Nombre de pages: 150
Dimensions: 220 × 140 × 1 mm
Poids: 300 g

Michel Redon

Michel Redon est né en 1953 à Toulouse. Magistrat, il est autant connu pour ses essais et contributions juridiques que pour ses romans et nouvelles qu’il publie régulièrement depuis une dizaine d’années. Une partie de son oeuvre a été fortement inspirée par son séjour de magistrat en Guyane.

Michel Redon a publié 5 livres chez Ibis Rouge: