— Par Eliane PATRIARCA —
Bilan de l’étude épidémiologique sur l’impact du mercure rejeté par l’orpaillage.
Libération vendredi 02 juin 2006
Le mercure rejeté par les chercheurs d’or en Guyane provoque-t-il des malformations congénitales ? On sait, depuis une première étude menée en 1994, que les habitants des villages amérindiens de la région du haut Maroni sont contaminés par le mercure via la consommation des poissons prédateurs des fleuves. Face à l’angoisse des populations qui redoutaient un lien entre malformations et mercure, la Cellule interrégionale d’épidémiologie (Cire) Antilles-Guyane a mené une nouvelle étude en 2005 dont les résultats seront publiés d’ici l’été. Entretien avec le docteur Thierry Cardoso.
Comment avez-vous procédé ?
Nous avons étudié 246 naissances survenues entre juin 1993 et juin 2005. Pour les huit malformations congénitales observées (hydrocéphalie, trisomie, malformation vasculaire, perforation anale…), nous avons reconstitué l’histoire obstétricale des mères. En l’état actuel des connaissances scientifiques, aucune ne peut être imputée au méthylmercure.
Vous ne signalez pas d’excès de malformations…
On retrouve dans cette population exactement la même prévalence de malformations que partout ailleurs. Rien de plus. La différence, hélas, c’est qu’en Guyane il n’y a aucune prise en charge médicale et sociale de ces enfants.
En revanche, la contamination par le mercure augmente encore ?
Il est clair que la situation s’aggrave. 84 % des adultes émerillons et wayanas, les deux ethnies qui vivent dans le haut Maroni, ont une concentration de mercure dans les cheveux dépassant la norme fixée par l’Organisation mondiale de la santé (1), contre 64 % en 1997. Pour les enfants, on est passé de 50 à 54 %. Or plus la concentration en mercure augmente, plus il y a de risques de lésions du cerveau ou du cervelet, d’atteintes neurologiques.
Le méthylmercure (mercure dégradé par les bactéries dans l’eau) est un neurotoxique puissant et transplacentaire.
Qu’observe-t-on chez les enfants ?
Des troubles neurocomportementaux, des altérations visiospatiales, des problèmes cognitifs. Ces enfants ont de grandes difficultés d’apprentissage et ne pourront se développer normalement. Plus la contamination croit, plus ces troubles vont s’accroître.
Que préconisez-vous ?
Même s’il n’y avait, à partir d’aujourd’hui, plus aucun rejet de mercure en Guyane (2), la chaîne alimentaire est contaminée. L’urgence est de limiter l’exposition des femmes enceintes au mercure, de leur éviter la consommation de poissons carnivores. Pour les enfants, qui vivent isolés en forêt, il faudrait une prise en charge par des psychomotriciens. Mais il n’y en a quasiment pas en Guyane.
(1) 10 microgrammes par gramme de cheveu, mais la norme est en cours de révision à la baisse.
(2) Le mercure est interdit en Guyane depuis le 1er janvier 2006.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=386975
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