— Par Ismael Clark Arxer —
Il existe certainement une relation sensible entre ces questions délicates mais, au-delà de sa simple constatation, le plus important est sans doute de ce demander : Quel est le caractère de celle-ci ? Quelle est son évolution prévisible ?
Le Monde est confronté une situation particulière depuis quelque temps, dans laquelle les prix des denrées alimentaires augmentent progressivement d’année en année et il paraît que cette tendance se maintiendra dans le futur. Plusieurs facteurs interviennent dans ce panorama complexe, s’entrelaçant et se combinant pour conformer une image généralement adverse.
L´un de ces facteurs négatifs est la réduction observée dans certaines cultures essentielles. Par exemple, c’est un fait que lors de l’année 2012 on a enregistré une diminution de la production mondiale de blé, de l´ordre de plus de cinq pour cent. Dans le même temps et à cause des effets de la sécheresse dans les grandes régions productrices, il n’ y a pas eu l´augmentation attendue pour cette année dans la production des appelées « céréales secondaires », c´est-à-dire de celles destinées de préférence à l´alimentation animale. De même, les chiffres de la production mondiale de riz n´ont pas été bons en 2012. Un fait illustratif de la situation est que la récolte de céréales aux États-Unis a été la plus faible des six dernières années.
Toutefois, la situation plus dramatique correspond aux pays du Sahel, où les mauvais résultats des récoltes de l´année 2011ont conduit que 19 millions de personnes se retrouvent en situation urgente d’aide alimentaire. Également, dans la région du Moyen-Orient, les données disponibles indiquent une réduction de la sécurité alimentaire dans cette zone.
La question acquiert un relief particulier quand on l’examine à l´échelle mondiale. Les estimations de la FAO publiées en 2011 pour la période 2006-2008 ont indiqué qu´il y avait huit cent cinquante millions de personnes souffrant de la faim, ce qui correspond à 15,5 % de la population mondiale. Ce chiffre avait diminué à partir de plus d’un milliard enregistré au début des années 1990. Aujourd´hui certains affirment que ce chiffre va s’élever jusqu’à un milliard deux cents millions.
C´est un fait amer mais vrai que les avances qui ont commencé à promouvoir un certain soulagement du manque d´aliments se sont détenues dans de nombreuses régions. Les pays d´Afrique subsaharienne souffrent avec le plus d´intensité les conséquences des crises financière et alimentaire. Dans les régions en développement, près d´un enfant sur cinq de moins de cinq ans pèse moins que la normale.
Il est vrai que, malgré tout, la situation générale a connu un certain degré de progrès. Par exemple, dans les régions en développement, le pourcentage d´enfants de moins de cinq ans ayant un poids en dessous de la normale a diminué, passant de 29 % en 1990 à 18 % en 2010.
Cependant, il ne serait pas prudent de tirer des conclusions hâtives. Selon les dires de l´éminent écologiste espagnol Pedro Arrojo lors d’une récente entrevue, la crise alimentaire n´est pas autant une crise de la production alimentaire que d’accès aux aliments qui sont produits ou pouvant être produits. Le problème est fondamentalement dans la pauvreté, non pas dans le manque de production. Au moins à présent.
La question a à voir avec les effets dérivés du croissant démantèlement sociale et culturel du milieu rural, des communautés traditionnelles qui ne sont pas protégées de la protection qui leur fournit leur place d’habitation traditionnelle. Tous ces facteurs, selon l´expert susmentionné, aggravent les processus de misère, de vulnérabilité des communautés et, à la fin, d´accès aux aliments.
Maintenant, on estime que la population mondiale atteindra neuf milliards d´habitants en 2050. Dans cette période, les estimations de l´Organisation des Nations Unies pour l´Alimentation et l´Agriculture (FAO) indiquent que la disponibilité moyenne de calories par habitant pourrait s´élevée à 3 130 calories par personne, ce qui représenterait une augmentation de 11 % par rapport au niveau atteint en 2003.
Malgré cela, toujours selon la source précitée, jusqu´à 4 % de la population des pays en développement serait toujours en situation de dénutrition chronique.
Vu autrement, on prévoit que la population mondiale augmentera de 50% vers le milieu du siècle, donc il faudrait que la production alimentaire croisse pour répondre à cette demande en expansion, à un rythme de 70 % d´augmentation annuelle dans cette même période. Cela revient à dire que la production par habitant devrait croître d´environ 22 %. Toutefois, les terres agricoles disponibles seront réduites jusqu’à 50 % lors des trois prochaines décennies.
D’autre part, le fait que l´accroissement de la production par habitant ne corresponde pas au niveau de l´augmentation prévue en termes de calories est dû aux changements qui sont considérés nécessaires dans la qualité de l´alimentation. Dans ce sens, on considère essentiel un transit vers une alimentation d´une plus grande valeur nutritive mais de plus faible teneur en calories, une plus grande présence des fibres et des fruits, ainsi que les produits dérivés du bétail.
En tout cas, en projetant les besoins futurs de production on met en relief avec beaucoup de force les préventions relatives aux facteurs environnementaux. Parmi eux, le plus important et peut-être aussi le plus complexe est la disponibilité de l´eau. Comme l’ont signalé un grand nombre de spécialistes, dont Pedro Arrojo, la question n´est pas tant les volumes totaux d´eau disponible mais quant aux possibilités concrètes d´accès, dans chaque cas, aux sources d´eau de qualité.
Malheureusement, les politiques néolibérales qui ont prévalu dans un grand nombre de pays durant les dernières décennies ont conduit à la situation actuelle dans laquelle les lois du marché ont converti l’eau de qualité en une ressource de plus en plus rare et chère dans de nombreuses régions du monde.
Dans ce domaine comme dans bien d´autres cas, plusieurs facteurs se croisent et interagissent : l´exploitation économique des zones adjacentes à des sources d´eau, sans les soins environnementaux, a conduit à la contamination avec des substances chimiques, ou plus, parfois même simultanément, à l´appauvrissement relatif des sources d´approvisionnement à la suite des niveaux excessifs de consommation.
La situation du manque relatif de l´eau, dans un sens qualitatif et quantitatif, détermine les importantes limitations dans n´importe quelle projection des futures productions agricoles. À cela il faut ajouter, comme un défi supplémentaire et d’une ampleur imprévisible en ce moment, les contraintes découlant des conséquences du changement climatique en cours déjà perceptibles. Celle-ci comptent un éventail de situations : desquelles seulement certaines pointent vers des conditions localement favorables pour atteindre des rendements agricoles supérieurs.
La grande majorité des changements prévus ou déjà en cours pointent vers des effets négatifs sur la production alimentaire et tant que l’on ne trouvera pas des réponses efficaces par la voie des recherches scientifiques et le développement des nouvelles technologies productives adaptées aux changements en cours.
Ceci sans compter sur le risque supplémentaire qu’entraîne l´aggravation observée et prévisible quant à la fréquence ou l´intensité des effets indésirables des phénomènes naturels tels que les sécheresses prolongées, des pluies torrentielles ou les tempêtes de type différent, pour la sécurité alimentaire dans de nombreuses régions.
C’est pour ces raisons que s’impose, dans un avenir prévisible, une interrelation chaque fois plus étroite entre les actions dirigées vers la production alimentaire et les celles correspondants aux développements scientifiques et technologiques, ces derniers encadrés dans les essentielles considérations environnementales.
Cela signifie rien de moins qu’un raffinement superflu mais un besoin urgent dérivé de la raréfaction croissante des ressources essentielles telles que l´eau propre, la forte croissance attendue de la population mondiale et, en même temps, les transformations prévues dans le comportement des variables climatiques et leur influence sur les systèmes de la production agricole disponibles à ce jour.
Des études telles que celle préparée, par exemple, par l´Académie des Sciences de Chine pointent vers la direction de considérer quatre éléments principaux dans la perspective prévisible pour le développement scientifique et technologique associé à la production agricole : assurer la sécurité alimentaire ; obtenir une agriculture soutenable ; la promotion de l’appelée agriculture « intelligente » et, enfin, l´agriculture de haute valeur.
L´objectif plus général est de répondre à la demande croissante d´ordre quantitatif, qualitatif et de sécurité, ainsi que diverses fonctions qui répondent aux produits et aux services agricoles.
L’amélioration incessante de pratiques agricoles s’impose pour atteindre cet objectif, ainsi que l’application croissante des technologies de l´information et des télécommunications pour celles-ci, y compris le développement des processus agricoles numérisés et de précision.
En outre et d´une manière très spéciale, on nécessitera la mise en place d´une agriculture basée sur des produits de grande valeur (y compris la valeur nutritive), basée sur des solides connaissances écologiques, capable de remplir des fonctions multiples quant aux aspects économiques et alimentaires, en mesure de répondre également aux stricts critères de soutenabilité de l´environnement.
La délicate trame entre l’agriculture, les aliments et la science deviendra sans doute plus serrée. Nous espérons que la sagesse politique et la sensibilisation à l´environnement permettent qu´elle se développe pour le bien-être de tous les êtres humains.
CUBARTE