Essai
ISBN 978-2-36383-218-4
Date de parution le 3 octobre 2016
144 p., 16 euros
À l’époque d’Internet, tout événement dramatique trouve sur les réseaux sociaux des « analystes » expliquant que la version officielle cache des intérêts secrets, selon un plan devant être soigneusement décrypté. «Réveillez-vous, on vous ment ! », clame Alain Soral devant sa webcam.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les discours complotistes ont proliféré sur la Toile, semant la méfiance envers tout discours officiel et creusant une scission de plus en plus grave au sein de notre société.
Se présentant comme « alternatifs », ils prétendent rétablir une « vérité » dévoyée.
Si le fantasme d’un groupe occulte agissant dans l’ombre pour accomplir un but machiavélique n’est pas nouveau, il est important de connaître les ressorts actuels de ce phénomène. Car ces théories du complot ont remis au goût du jour des discours d’inspiration fasciste et antisémite, leur donnant une coloration « moderne ». Sur fond d’islamophobie et de haine des juifs, elles sont sous-tendues par une idéologie réactionnaire qui se nourrit des problèmes sociopolitiques contemporains.
Poser le bon diagnostic est indispensable car, loin d’être le fait de farfelus ou d’ignorants, le complotisme est le symptôme d’une véritable maladie de société.
« Les théories du complot donnent l’illusion de retrouver sa condition de sujet »
— Par Catherine Gouëset —
Symptôme du profond malaise de nos sociétés, le conspirationniste prolifère grâce aux réseaux sociaux. Un phénomène que décortique Marie Peltier dans L’Ère du complotisme. La Maladie d’une société fracturée. Entretien.
Ressurgies après le 11 septembre 2001, les théories du complot prolifèrent plus que jamais dans les pays occidentaux. Marie Peltier, historienne de formation et enseignante, tente d’en comprendre les ressorts dans un ouvrage paru cette semaine*.
Comment la possibilité d’expression sur internet a-t-elle contribué à ce développement?
Le web a ouvert un type d’information horizontal. Il aurait pu permettre et permet encore un espace de débat de confrontation, mais assez rapidement, les réseaux sociaux ont figé les gens par strates idéologiques. Leur logique accentue ce phénomène, à l’instar de Facebook qui propose des pages thématiques similaires à celles que l’on consulte généralement. La sensation de « faire groupe » nous enferme dans un univers de plus en plus restreint, où l’on reproduit les mêmes mantras, les mêmes certitudes.
Le complotisme profite de ces « bulles ». Il tire parti de formats tels que la vidéo, très attractive pour la nouvelle génération. Lisant de moins en moins, celle-ci privilégie les images, les textes courts, les formules choc, qui donnent une clé de compréhension à moindres frais.
Après les attentats de Paris, en janvier 2015, je suis beaucoup intervenue dans les écoles, les maisons de jeunes. C’était frappant de voir comment des jeunes de 14/15 ans se disaient « sûrs que l’attentat de Charlie Hebdo était une mise en scène ». Dans certaines classes, ils étaient majoritaires. Quand on leur demandait d’où ils tiraient leurs certitudes, ils répondaient avoir « vu les preuves sur le web »…
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