À Bruxelles, Paul Verlaine est condamné à deux ans de prison le 8 août 1873. Il avait tiré deux coups de revolver sur Arthur Rimbaud, et la justice belge avait mis en lumière son homosexualité (raison majeure de cette condamnation).
Pourquoi Verlaine a-t-il tiré sur Rimbaud ?
— Par Basile Perrin-Reymond —
C’est une histoire d’amour passionnel qui finit en (presque) crime entre deux immenses poètes. L’intrigue se déroule dans leur chambre d’hôtel de Bruxelles, ce 10 juillet 1873…
Illustration : Verlaine et Rimbaud à Bruxelles en 1873
“Enfin ! Veux-tu que je t’embrasse en crevant ?” La phrase de Verlaine est restée célèbre, qu’il adresse à Rimbaud dans une lettre affirmant qu’il est prêt à se “brûler la gueule”. Son amant – 17 ans à l’époque – accourt à Bruxelles et ici comme à Londres, reprennent les disputes et l’ivresse quasi permanente.
Le 10 juillet 1873, Paul Verlaine entre à 9 heures du matin chez Montigny, une armurerie du centre-ville, où il achète, pour 23 francs, un six coups de marque Lefaucheux, un petit revolver à la crosse en bois comme s’en payaient les bourgeois à l’époque.
Quelques heures plus tard, assez ivre, il retrouve dans leur chambre son jeune amant qui lui annonce qu’il le quitte. Verlaine aurait alors dégainé l’arme et tiré deux balles en criant à Rimbaud : “Voilà pour toi, puisque tu pars.” Le poète est blessé au bras, Verlaine condamné à deux ans de prison . Il faut dire que la pédérastie aggrave encore le crime et qu’il est connu pour s’être engagé auprès des Communards – lui que l’on dit souvent lâche.
Qu’est devenue l’arme du crime ?
L’arme de ce crime passionnel a longtemps disparu de la circulation, pendant plus de 130 ans – le greffe de Bruxelles ne conservait pas les pièces à conviction – avant de réapparaître, en 2004, à la faveur de la diffusion d’un téléfilm dans lequel Leonardo DiCaprio incarne Rimbaud. En le voyant, Jacques Ruth, l’homme qui a hérité du six coups – il est l’huissier de justice qui a procédé à l’inventaire avant liquidation de l’armurerie – réalise que l’arme utilisée dans le film n’est pas la bonne, puis propose la sienne lors d’une exposition consacrée à Rimbaud.
Estimé entre 50 000 et 60 000 euros, le revolver le plus célèbre de la littérature française a été mis en vente en novembre 2016 par la maison Christie’s. L’arme sera finalement vendue pour 434 500 euros à un énigmatique acheteur qui n’aura eu de cesse d’enchérir par téléphone.
Pour la petite histoire, un ancien hôtelier d’Auvillers-les-Forges affirme pourtant posséder la véritable arme du crime : “Je l’ai achetée vers 1965 à l’antiquaire Fournaise, qui avait son magasin devant la Chambre de commerce, à Charleville” a-t-il expliqué au journal L’Union. Un épais mystère et une rondelette somme, donc, pour cette arme à l’histoire poétique qui sent encore… le soufre.
Source : ça m’intéresse