Naissance de Françoise Dolto, médecin et psychanalyste française le 6 novembre 1908
Françoise Dolto (née le 6 novembre 1908, dans le 16e arrondissement de Paris et morte le 25 août 1988 dans le 5e arrondissement de la même ville) est une pédiatre et psychanalyste française. Elle s’intéresse particulièrement à la psychanalyse des enfants et à la diffusion des connaissances dans le domaine de l’éducation des enfants dans de nombreux écrits et particulièrement dans des émissions radiodiffusées qui ont contribué à la faire connaître du grand public.
Famille
Françoise Dolto, née Marette, est issue d’une famille bourgeoise de conviction catholique et monarchiste du 16e arrondissement de Paris : sa mère Suzanne Demmler, d’origine allemande par son grand-père paternel, né à Nuremberg en 1807, émigré en région parisienne, à Bourg-la-Reine avec son épouse française vers 1825, est fille de polytechnicien (Arthur Demmler, promotion 1863, administrateur de forges), et son père, Henri Marette, fils d’un architecte, est également polytechnicien (promotion 1895, ingénieur devenu industriel). Quatrième enfant d’une fratrie de sept, elle est la sœur de Jacques Marette (1922–1984), ministre français des Postes et télécommunications de 1962 à 1967.
Après sa naissance, elle est confiée à une nourrice irlandaise qui se lia beaucoup avec elle, au point que ses parents devaient lui parler anglais pour obtenir un sourire. Les parents renvoient brutalement la nourrice pour faute professionnelle — toxicomane, elle finançait son addiction en faisant des passes dans un établissement à la porte duquel elle aurait laissé l’enfant dans son landau —, et Françoise, alors âgée de huit mois, attrape une double bronchopneumonie, dont elle guérit après que sa mère l’a tenue contre elle tout une nuit au plus fort de la maladie.
Enfance
Françoise est élevée de manière très traditionnelle. Selon Élisabeth Roudinesco, « elle a eu une enfance catholique, d’extrême droite », étant élevée selon les valeurs en cours dans une famille maurrassienne. Elle a une institutrice personnelle formée à la méthode Fröbel.
À huit ans, elle parle de devenir « médecin d’éducation » selon ses propres termes : « Un médecin qui sait que quand il y a des histoires dans l’éducation ça fait des maladies aux enfants, qui ne sont pas des vraies maladies, mais qui font vraiment de l’embêtement dans les familles et compliquent la vie des enfants qui pourrait être si tranquille »
À l’âge de huit ans, elle perd son oncle et parrain (Pierre Demmler), qui meurt à la guerre. Lui ayant assigné une place d’époux symbolique, comme peuvent le faire les enfants de cet âge, elle l’appelle « son fiancé » et en porte le deuil comme une veuve de guerre.
À douze ans, elle est profondément marquée par la mort de sa sœur aînée, Jacqueline, âgée de dix-huit ans, enfant préférée de sa mère. Celle-ci fait une dépression et accuse Françoise de ne pas avoir prié assez fort pour la guérison de sa sœur. Elle lui avait dit, la veille de sa Première communion, que les prières d’un enfant très pur pourraient la sauver. Françoise Dolto rapportera plus tard :
« J’ai vu ma mère souffrir au point qu’elle ne pouvait pas tolérer de voir un enfant handicapé dans la rue, j’étais à côté d’elle, comme ça, rétrécie de souffrance pour elle et pour l’enfant qu’elle injuriait (avec la mère de cet enfant qui poussait la voiture) “si c’est pas malheureux de voir ça vivre et des beaux enfants qui meurent, quelle honte !” […] J’ai éprouvé comme ça des choses tellement douloureuses, avec une telle compassion pour les gens qui souffraient parce que je ne pouvais pas faire autrement. »
Jeunesse et formation
Pour sa mère, une fille n’a d’autre horizon que le mariage et, forte de ce principe, elle lui interdit de poursuivre des études. À seize ans, elle doit affronter la volonté de sa mère qui ne veut pas la laisser passer son baccalauréat, car elle ne serait plus mariable. Néanmoins, elle va au lycée en classe terminale, en section « philosophie », de 1924 à 1925, au lycée Molière, à Paris, et passe son bac. En 1930 elle passe son diplôme d’infirmière. Un an après, elle commence ses études de médecine avec son frère Philippe (« en payant ses études avec l’argent qu’elle gagne »).
En 1932, sur la recommandation de Marc Schlumberger, elle rencontre le psychanalyste René Laforgue (qui a déjà accueilli en cure son frère Philippe un an auparavant) et participe aux débuts du freudisme français en effectuant une psychanalyse avec lui, du 17 février 1934 au 12 mars 1937. Cette cure dure trois ans. Laforgue, trouvant à Françoise Dolto des aptitudes, lui conseille de devenir elle-même psychanalyste, ce qu’elle refuse d’abord, voulant se consacrer à la médecine. Cette cure la libère de sa névrose, du poids de son éducation, de son milieu d’origine et de sa mère dépressive, en faisant d’elle une autre femme.
Au cours de sa formation médicale, en stage dans le service du Docteur Georges Heuyer, elle rencontre Sophie Morgenstern, qu’elle assistera plus tard. Celle-ci a été l’une des premières à pratiquer la psychanalyse des jeunes enfants en France : elle lui confie la tâche d’écouter, et seulement écouter, les enfants qu’elle devait soigner. Ses patients seront surtout des enfants et des psychotiques. « À la veille de la guerre, elle jette les bases d’une méthode psychanalytique de thérapie d’enfants centrée sur l’écoute de l’inconscient, et débarrassée du regard psychiatrique. »
En 1938, Françoise rencontre le docteur Édouard Pichon à l’hôpital Bretonneau. En 1939, elle soutient sa thèse intitulée Psychanalyse et pédiatrie, dans laquelle elle expose certaines bases de sa méthode de psychanalyse des enfants qu’elle développera au long de sa vie, notamment le fait de parler directement aux enfants de la réalité de leur vécu à l’aide d’un langage qui leur est accessible.
L’année 1938, est également celle où elle rencontre Jacques Lacan, suit son enseignement à Sainte-Anne, et resta en lien étroit tout au long de son activité de psychanalyste, lui reprenant, parfois à sa manière, de nombreux concepts. Lacan et Dolto firent, selon Roudinesco, « figure de couple parental pour des générations de psychanalystes français ». Astrid Quemener rapporte que « les deux psychanalystes étaient amis et se vouaient une grande estime réciproque. Si Dolto disait parfois « ne pas comprendre ce qu’il écrivait », il lui rétorquait « qu’elle n’avait pas besoin de le comprendre puisqu’elle l’appliquait dans sa pratique », ce qui était plus qu’une politesse, puisque Lacan lui adressait ses cas les plus difficiles ».
En 1939, sur les conseils de Laforgue et après avoir été en contrôle avec Nacht et Lagache, elle devient membre adhérente de la Société psychanalytique de Paris.
Vie personnelle et professionnelle
Françoise Dolto travaille en cabinet avec des adultes et en institution avec les enfants : à la polyclinique Ney à la demande de Jenny Aubry, à l’hôpital Trousseau (où elle assure des consultations gratuites de 1940 à 1978), au Centre médico-psycho-pédagogique Claude-Bernard à partir de 1947, et enfin au centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) Étienne-Marcel de 1964 à 1981.
En décembre 1942, elle travaille dans l’équipe de psycho-biologie et hygiène mentale du Centre de la mère et de l’enfant, une institution dépendant de la Fondation française pour l’étude des problèmes humains fondée par Alexis Carrel et financée par le gouvernement de Vichy. On ne sait pas exactement combien de temps elle y a travaillé ni si elle a continué d’y travailler lors de la démission de plusieurs chercheurs en novembre 1943, opposés à la dérive idéologique et scientifique de l’institution ; aucun des textes autobiographiques de Françoise Dolto n’évoque cet épisode de sa carrière ; quoi qu’il en soit cela ne signifie pas que Dolto ait adhéré aux idées du régime de Vichy (il y avait dans cette institution, aussi bien des pétainistes purs et durs que des trotskystes et des résistants).
En février 1942, elle épouse Boris Dolto, fondateur d’une nouvelle méthode de kinésithérapie en France16, ainsi que d’une école de podologie : l’École française d’orthopédie et de massage. Ils s’intéressent tous deux aux rapports entre corps et psychisme, et leurs échanges sur ce thème seront très enrichissants. Ils ont trois enfants : Yvan-Chrysostome Dolto (1943-2008), devenu un chanteur populaire connu sous le nom de Carlos, Grégoire Dolto en 1944, ingénieur, et Catherine Dolto en 1946, pédiatre et haptonomiste.
Elle commence à publier des textes importants dans les années 1956-1957, expose en 1960, au colloque international d’Amsterdam, le rapport commandé par Lacan sur la sexualité féminine, et devient au cours de cette période une « figure majeure du mouvement psychanalytique ».
En décembre 1962, Françoise Dolto participe activement à la création du Secrétariat du Père Noël de la Poste aux côtés de son frère Jacques Marette, alors ministre des Postes et télécommunications25.
En 1964, à la suite de la deuxième scission du mouvement psychanalytique français, elle participe, avec Jacques Lacan, à la création de l’École freudienne de Paris et développera au cours des années suivantes son enseignement dans ce cadre, notamment son séminaire sur la psychanalyse des enfants. En 1971 paraît Le Cas Dominique et une édition de sa thèse Psychanalyse et pédiatrie qui seront des succès en libraire et sont réédités jusqu’à aujourd’hui.
Les émissions de radio qui donnent du retentissement à ses idées ont lieu, de 1976 à 1978, année où elle arrête ses consultations à l’hôpital Trousseau qu’elle tient depuis 1940, et arrête ses consultations privées l’année d’après, mais en continuant d’assurer l’Aide sociale à l’enfance à la pouponnière d’Antony. En 1979, elle lance la première « Maison verte ».
En 1980, l’École freudienne est dissoute par Lacan, qui meurt en 1981, tout comme le mari de Dolto, Boris. Elle fait ensuite encore paraître quelques ouvrages majeurs tels Au jeu du désir, L’Image inconsciente du corps, La Cause des enfants mais, atteinte de fibrose pulmonaire depuis 1984, elle meurt le 25 août 1988.
Françoise Dolto est inhumée dans un caveau familial, au cimetière de Bourg-la-Reine (dans la division 6) ; cette sépulture est aussi celle de son mari Boris et de leur fils, le chanteur Carlos, décédé en 2008. Elle a demandé que soit inscrit sur sa pierre tombale : « N’ayez pas peur ! », l’injonction de Jean-Paul II.
Travaux et apports
Idées majeures
Françoise Dolto fut une fervente militante de la « cause des enfants », faisant de l’enfant en souffrance et de ses rapports avec la mère son domaine de prédilection.
Plusieurs idées majeures ressortent de ses œuvres :
l’enfant est une personne ;
tout est langage (gestes, regards…) ;
le « parler vrai » : ne pas mentir à un enfant car « on ne peut mentir à l’inconscient, il connaît toujours la vérité ». « L’enfant a toujours l’intuition de son histoire. Si la vérité lui est dite, cette vérité le construit »;
l’image inconsciente du corps : pour elle, les dessins des enfants représenteraient leur propre corps ; la prise de conscience de son propre corps est une étape de la structuration du sujet et de l’individuation.
le « complexe du homard » : métaphore employée par Dolto pour représenter la crise d’adolescence ; l’adolescence n’est pas simplement le travail de l’adolescent, et les crises d’adolescence sont une étape nécessaire ; l’adolescence, c’est chuter pour mieux remonter.
L’enfant comme sujet à part entière
La phrase « le bébé est une personne », qu’on lui attribue et qu’elle n’a en fait pas prononcée, est en réalité le titre d’une série d’émissions consacrées aux bébés réalisées par un psychiatre, Tony Lainé, et un journaliste, Daniel Karlin, diffusées en 1984. Si elle ne prête pas la conscience inhérente au principe de personne au bébé, elle n’en défend pas moins, tout au long de sa carrière, l’idée que l’individu est un sujet à part entière dès son plus jeune âge
De ce fait, elle souligne l’importance de la parole que l’adulte peut adresser à l’enfant sur ce qui le concerne, parole qui peut l’aider à construire sa pensée.
Ainsi, pour Dolto, l’enfant peut être psychanalysé très tôt en tant qu’individu. L’enfance a ainsi un rôle fondamental dans le développement de l’individu.
Claude Halmos dans le documentaire Françoise Dolto dit : « L’apport essentiel de Françoise Dolto est de dire que l’enfant est à égalité d’être avec un adulte et que ce faisant il est un analysant à part entière. »
Elle considère qu’avant même que l’enfant possède un véritable « langage », l’être humain étant par essence communicant, il communique déjà, à sa façon, par le corps. Par exemple : apprendre à marcher, ou même à se déplacer à quatre pattes, c’est commencer à vouloir s’affranchir des parents et exprimer un début de désir d’indépendance. Elle analyse les rapports enfants-parents, et notamment l’origine du complexe d’Œdipe et l’importance du rôle du père dès les premiers jours. À travers le père, l’enfant comprend qu’il n’est pas tout pour sa mère, ce qui entraîne un rapport de frustration et permet l’individuation.
Dans La Difficulté de vivre, elle explique comment répondre à un enfant qui pose des questions autour de sa naissance. Elle accorde une grande importance à la parole dans la construction des individus.
Sa thèse
Elle s’intéresse essentiellement à la psychanalyse de l’enfance et soutient sa thèse Psychanalyse et pédiatrie en 1939 lle y explique le rôle de l’affect comme support de l’intelligence et porteur de l’expression des troubles. Elle détaille son développement en fonction des castrations « symboligènes » successives (castration des symboles d’états infantiles compensée par la maturation, par exemple l’échange verbal ou pré-verbal qui compense la tétée). Les séparations ont un effet symboligène : elles permettront aux zones érogènes de devenir des lieux de désir et de plaisir. Par exemple, le sevrage est la première castration orale ; celle-ci modifie la valeur symbolique de l’objet-mère, sans le faire disparaître, à condition que la mère introduise aussi, par le langage, le bébé dans le monde social et qu’elle puisse devenir la mère que le bébé retrouve.
Elle y explique que la connaissance de cette maturation psychique est indispensable à la pédiatrie. Cette thèse soulève de vives réactions : elle est soit dénigrée avec force, soit profondément respectée, comme par Jean Rostand qui, après l’avoir lue, veut la rencontrer et lui déclare qu’il n’a jamais rien lu d’aussi intéressant depuis Freud. C’est chez lui qu’elle fera connaissance de son futur mari.
Le « complexe du homard »
« Complexe du homard » est une formule inventée par Françoise Dolto pour représenter la crise d’adolescence. « L’enfant se défait de sa carapace, soudain étroite, pour en acquérir une autre. Entre les deux, il est vulnérable, agressif ou replié sur lui-même. » Mais « ce qui va apparaître est le produit de ce qui a été semé chez l’enfant », avertit Dolto. Il s’agit donc de l’évolution qui va se faire de l’adolescent vers l’adultete.
Les parents devraient donc voir les crises explosives comme une preuve qu’ils ont rempli leur contrat, les repères éducatifs s’avérant suffisamment souples pour « sauter » au bon moment. À l’inverse, si les parents sont trop rigides, l’adolescent restera prisonnier de sa carapace et désarmé face à la dépression.
Prises de position et engagements
Françoise Dolto était opposée à la pénalisation de l’avortement mais souligne le sentiment de culpabilité et les effets psychiques d’un tel acte.
Elle a par ailleurs signé en 1977, en compagnie de nombreux autres signataires, une « Lettre ouverte à la Commission de révision du code pénal pour la révision de certains textes régissant les rapports entre adultes et mineurs » ; elle a ainsi pu être accusée de défendre la pédophilie, ce qui n’a jamais été le cas0, pour Dolto, l’initiation sexuelle « des adolescents et des enfants par un adulte (donc par garçon ou fille de seize ans déjà), en admettant même que ce partenaire ne soit pas incestueux, encore plus si cet adulte est confirmé en âge et en prestance, est toujours un traumatisme psychologique profond », sa position sur la majorité sexuelle étant à la fois distincte de la loi existante à son époque et des demandes de pédophiles, elle proposait « qu’on décrète, les enfants ayant été instruits, l’âge de la responsabilité sexuelle deux ans après la puberté pour chaque citoyenne ou citoyen adolescent (règles, spermogénèse) ».
L’accusation resurgit début janvier 2020, à l’occasion de l’affaire Matzneff, Le Canard enchaîné rapporte les propos d’une interview parue en novembre 1979 dans le journal de Gisèle Halimi (dont une part est reprise dans l’ouvrage L’enfant, le juge et le psychanalyste), au cours de laquelle, interrogée sur des cas de viols incestueux de petites filles par leur pères, Dolto répond : « Dans l’inceste père-fille, la fille adore son père et est très contente de pouvoir narguer sa mère ! », avant de minimiser la responsabilité du père et d’affirmer : « Il n’y a pas de viol du tout, elles sont consentantes. » Puis, interrogée sur la réponse qu’elle donnerait à une femme ayant été, petite fille, victime d’un inceste, Dolto affirme qu’elle lui dirait ceci : « Elle ne l’a pas ressenti comme un viol. Elle a simplement compris que son père l’aimait et qu’il se consolait avec elle, parce que sa femme ne voulait pas faire l’amour avec lui. » Elle ajoute que cela entraîne un traumatisme qui « vient du fait que sa sexualité ne peut pas se développer normalement, puisque la sexualité se développe à partir de l’interdit de l’inceste ». Dolto développe ainsi cette affirmation : « C’est l’interdit de l’inceste qui valorise la sexualité. Cet interdit intervient quand l’enfant désire l’inceste, c’est-à-dire à partir de trois ans jusqu’à 13 ans environ. Quand tout se passe bien, la sexualité se déplace et ne se fixe plus sur le père ou sur la mère. Le fait qu’un enfant doit faire plaisir à ses parents est déjà une forme d’inceste. » Interrogée plus tard sur ces propos, Catherine Dolto affirme qu’il s’agit de « citations tirées de leur contexte, dans lesquelles Françoise Dolto parl[ait] de l’inconscient et non du registre conscient ».
Interrogée sur la réponse à donner concrètement à un enfant disant qu’il est battu, Dolto affirme qu’il faut lui demander : « Ne le cherches-tu pas ? Ne veux-tu pas faire des histoires avec tes parents ? », ce qui amène Le Canard enchainé à l’accuser d’appliquer aux enfants l’accusation infligée aux femmes battues selon laquelle « elles l’ont bien cherché ». L’hebdomadaire satirique cite également une interview donnée à Choisir, dans laquelle elle affirme : « Il conviendrait d’expliquer à l’enfant que, très souvent, c’est lui qui s’arrange pour être battu. C’est sa manière de capter l’attention parentale. »
Convaincue que psychanalyse et foi pouvaient faire bon ménage (voir son ouvrage La Foi au risque de la psychanalyse), elle a été la première psychanalyste à faire une conférence à Rome, à l’Église Saint-Louis-des-Français de Rome, sur le thème : « Vie spirituelle et psychanalyse ». En 1979, elle participe à l’ouvrage Dieu existe ? Oui avec Christian Chabanis.
Selon Gérard Guilleraut, Françoise Dolto a permis aux psychothérapeutes d’aujourd’hui — qu’ils le reconnaissent ou non — de s’occuper d’enfants.
Dans Libération, Cécile Daumas fait un état des lieux et pose la question « Que reste-t-il du cas Dolto ? » aujourd’hui.
Les sociétés de psychanalyse
Membre adhérente de la Société psychanalytique de Paris à partir de 1939, elle participe à la première scission en 1953 qui donne naissance à la Société française de psychanalyse (SFP). Daniel Lagache et Juliette Favez-Boutonier quittent en même temps qu’elle la Société psychanalytique de Paris, mais pour des raisons différentes : alors qu’eux-mêmes s’opposent à la vision médicale de Sacha Nacht, Françoise Dolto s’oppose au fait de considérer les futures psychanalystes comme des enfants, en référence au mode de transition préconisé apparenté à un enseignement. Ce point précis est développé par Georges Juttner qui explique : « en aucun cas elle ne formait des élèves […] l’éthique de la psychanalyse, c’est qu’un sujet se déploie dans l’accomplissement de sa propre parole, c’est donc bien l’opposé du concept d’élève ».
La Société française de psychanalyse est fondée dans son appartement, Jacques Lacan en est le président. Cette société est dissoute en 1964 au profit de deux nouvelles sociétés, l’Association psychanalytique de France et l’École freudienne de Paris, dans laquelle Lacan joue un rôle plus central, et à la création de laquelle Françoise Dolto participe activement.
Médiatisation
Dès 1950, Françoise Dolto anime, avec d’autres spécialistes, une série d’émissions sur l’éducation sexuelle des enfants dans le cadre de l’émission La Tribune de Paris de la RTF.
Puis, pendant toute l’année scolaire 1968/1969, sur Europe no 1, elle répond en direct aux questions des auditeurs sous le pseudonyme de « Docteur X. »
Sur France Inter, d’octobre 1976 à octobre 1978, dans l’émission Lorsque l’enfant paraît animée par Jacques Pradel elle répond en différé aux courriers des auditeurs.
Le succès de cette dernière émission contribue à sa popularité. Françoise Dolto publie trois ouvrages à partir de ces émissions.
L’école de la Neuville
Fondée par Fabienne d’Ortoli, Michel Amram et Pascal Lemaître, l’école de la Neuville, un internat dont la pédagogie s’inspire du mouvement de la pédagogie institutionnelle (Anton Makarenko, A. S. Neill, Célestin Freinet, F. Deligny, F. Oury et Aïda Vasquez) est ouverte en 1973, à La Neuville-du-Bosc, dans l’Eure en Normandie, avant d’être transférée à Chalmaison en Seine-et-Marne, au château de Tachy, en 1982. Le premier contact avec Dolto a lieu fin 197548. Jusqu’en 1979, année de l’arrêt de ses consultations en libéral, Dolto y adresse des enfants qu’elle suit en thérapie. Ensuite, elle fait sentir son influence par des rencontres répétées avec les fondateurs, lors de « contrôles pédagogiques ».
La Maison verte
La Maison verte, nommée au départ « Petite enfance et parentalité », a été créée en 1979, à Paris, à l’initiative d’une équipe (cinq psychanalystes et éducateurs : Pierre Benoit, Colette Langignon, Marie-Hélène Malandrin, Marie-Noëlle Rebois et Bernard This) dont faisait partie Françoise Dolto. C’est un lieu d’accueil d’enfants de moins de quatre ans, accompagnés de leurs parents ou d’autres personnes chargées d’eux, et même les futurs parents.
Françoise Dolto souhaitait faire de la Maison verte « un lieu de rencontre et de loisirs pour les tout-petits avec leurs parents. Pour une vie sociale dès la naissance, pour les parents parfois très isolés devant les difficultés quotidiennes qu’ils rencontrent avec leurs enfants. Ni une crèche ni une halte-garderie, ni un centre de soins, mais une maison où mères et pères, grands-parents, nourrices, promeneuses sont accueillis… et leurs petits y rencontrent des amis. » C’est « un lieu en partenariat avec les parents dans la sécurité de l’anonymat, qui n’a rien à voir avec un accueil anonyme, mais tout à voir avec l’idée de ne pas observer, ni évaluer les enfants ».
Ce projet, auquel elle est attachée jusqu’à la fin de sa vie, perdure aujourd’hui. Chaque Maison verte est autonome, organisée en association loi 1901 et souvent financée par des fonds publics (DDASS, PMI, caisses d’allocations familiales, communes, régions, etc.).
Le concept fait florès (près de dix mille enfants et parents y passent chaque année) et se développe dans différentes villes de France, avant d’essaimer à l’étranger : on en trouve à Saint-Pétersbourg, à Moscou, à Barcelone, à Bruxelles, mais aussi en Suisse, en Argentine et au Canada. Chaque lieu invente son nom propre (Maison ouverte, à Bruxelles, Maisonnée, à Strasbourg).
Critiques
Pour Didier Pleux, docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien comportementaliste et cognitiviste et auteur de De l’enfant roi à l’enfant tyran, il serait bon maintenant de refermer la « parenthèse » Dolto : certaines de ces idées de l’époque ne sont plus applicables et ne représentent plus la réalité de la société actuelle. Aujourd’hui l’enfant n’est plus tant en danger d’être blessé par l’autoritarisme de ses parents, d’une société, que d’être affaibli par la permissivité et une « civilisation du plaisir » dans laquelle on ne saurait lui imposer de limites dès son plus jeune âge. Dans Françoise Dolto : la déraison pure (2013), il s’efforce de confronter le récit tardivement reconstruit de Dolto sur son enfance malheureuse notamment à sa correspondance, où il trouve une réalité toute différente. Il attribue également aux analyses de Dolto l’entretien de mythes sur les causes de problèmes comme l’autisme, la dépression ou l’anorexie mentale, au nom d’un psychosomatisme contraire aux orientations de la recherche scientifique. Il y évoque également la naïveté politique de la jeune femme, plutôt à l’aise dans la France du début des années 1940. Lectrice de L’Action française, elle part en vacances avec son psychanalyste René Laforgue, par ailleurs collaborateur. Elle s’engage aussi dans le projet eugéniste promu par le régime de Vichy, qui comptabilise les « enfants déficients ». Au sujet de la rafle du Vélodrome d’Hiver, elle croit alors que « l’on regroupait les juifs dans des camps de concentration pour qu’ils échappent aux nazis ».
Opposés à cette lecture, les psychanalystes Jean-Pierre Winter et Claude Halmos dénoncent un ouvrage ni « analytique, ni scientifique, ni critique », avec de nombreuses approximations ou inexactitudes (pour Claude Halmos, l’auteur « prêche le retour en arrière »), tandis que l’écrivain et journaliste Isabelle Lortholary y voit une interprétation à partir de citations incomplètes et hors contexte, un « pamphlet » aux dérives peu propices au débat. Quant à l’historienne et psychanalyste Élisabeth Roudinesco, elle critique une utilisation des sources indigne d’un « historien sérieux ».
Dans Le Livre noir de la psychanalyse, Jacques Van Rillaer affirme que Françoise Dolto pense, à la suite de Freud, que la conscience morale, en terme psychanalytique le surmoi, est moins forte chez les femmes que chez les hommes « « Le Moi des femmes est la plupart du temps plus faible que celui des hommes » et « leur Sur-Moi est rudimentaire (sauf les cas de névroses) » […] « C’est parce qu’elle n’a pas de Sur-Moi — parce qu’elle en a moins — que la femme apparaît pleine de grâce, c’est-à-dire de présence. Remarquez comment l’enfant qui n’a pas de Sur-Moi est lui aussi plein de grâce. » » Dans le même ouvrage, Jean Cottraux estime que Dolto a imposé le « lacanisme » en France, via ses émissions radiodiffusées. À propos de Françoise Dolto, Alain Rubens écrit que « Le livre noir de la psychanalyse remet en question ses thèses ».
Hommages
Plaque de la rue Françoise-Dolto à Paris.
Une salle de cours du nouveau pavillon Théodule Ribot de la faculté de psychologie de l’Université de Strasbourg porte son nom en hommage depuis 2009.
En France, en 2015, 167 établissements scolaires portent son nom, tel que les collèges Françoise-Dolto à Nogent (Haute-Marne), à L’Aigle (Orne) ou à Pacé (Ille-et-Vilaine).
Des rues portent son nom dans plusieurs villes, dont Belfort, Hem, Poitiers, La Rochelle et Paris.