Molière (Jean-Baptiste Poquelin) fonde l’Illustre Théâtre le 30 juin 1643
L’Illustre Théâtre est une troupe de théâtre créée par un acte d’association signé devant notaire le 30 juin 1643 à Paris. Composée de dix comédiens, six hommes et quatre femmes, dont Madeleine Béjart et le jeune Jean-Baptiste Poquelin, futur Molière, elle n’eut qu’une existence éphémère. Elle donna des représentations de janvier 1644 à la fin du mois de mars 1645, d’abord au Jeu de paume des Métayers, sur la rive gauche de la Seine, puis au théâtre de la Croix-Noire, sur la rive droite. Cet échec entraîna la dispersion de la troupe, dont les débris furent recueillis en 1646 par la troupe de Charles Dufresne.
Deux saisons, deux lieux
Le 30 juin 1643, Jean-Baptiste Poquelin et neuf autres Parisiens, dont les trois aînés de la fratrie Béjart (Joseph, Madeleine et Geneviève) s’associent par-devant notaire pour constituer une troupe de comédiens sous le titre de l’« Illustre Théâtre ». Ce sera la troisième troupe permanente à Paris, avec celle des « grands comédiens » de l’hôtel de Bourgogne et celle des « petits comédiens » du Marais.
Pour plusieurs d’entre eux, cet engagement s’inscrit sans doute dans le mouvement qu’a impulsé la Déclaration du 16 avril 1641, par laquelle Louis XIII levait l’infamie qui pesait sur le métier de comédien, précisant que
« en cas que lesdits comédiens règlent tellement les actions du théâtre qu’elles soient du tout exemptes d’impureté, nous voulons que leur exercice, qui peut innocemment divertir nos peuples de diverses occupations mauvaises, ne puisse leur être imputé à blâme, ni préjudicier à leur réputation dans le commerce public. »
Pour le jeune Poquelin, en particulier, tout suggère qu’il a l’ambition de devenir un nouveau Montdory ou un nouveau Bellerose, et de tenir les grands rôles du répertoire tragique aux côtés de Madeleine Béjart.
À la mi-septembre 1643, les nouveaux comédiens louent la salle du Jeu de paume dite des Métayers, sur le fossé d’entre les portes de Nesle et de Buci, au niveau du 13 de l’actuelle rue de Seine. Pendant les travaux d’aménagement, ils se rendent à Rouen, afin de s’y produire pendant la foire de Saint-Romain, qui se tenait du 23 octobre au 12 novembre.
La première représentation parisienne a lieu le 1er janvier 1644. Contrairement à ce qu’une certaine tradition répète depuis trois siècles, il semble que la troupe ait connu, pendant les huit premiers mois, un succès d’autant plus grand que le jeu de paume du Marais où, depuis quelques années, Pierre Corneille donnait ses pièces à jouer, avait brûlé dès le 15 janvier et que les « petits comédiens », ainsi nommés par opposition aux « grands comédiens » de l’Hôtel de Bourgogne, étaient partis en province pendant les travaux de reconstruction.
Son répertoire est constitué, comme celui des autres troupes, de tragédies, de tragi-comédies (alors très à la mode), de comédies et de farces. Certains des auteurs les plus en vue de l’époque (Tristan L’Hermite et André Mareschal1) lui confient leurs nouvelles pièces.
Madeleine Béjart est la vedette de la troupe. Tallemant des Réaux écrira vers 1658, avant le grand succès des Précieuses ridicules2 : « Je ne l’ai jamais vue jouer, mais on dit que c’est la meilleure actrice de toutes. Elle a joué à Paris, mais ç’a été dans une troisième troupe qui n’y fut que quelque temps. Son chef-d’œuvre, c’était le personnage d’Épicaris à qui Néron venait de faire donner la question », dans La Mort de Sénèque de Tristan.
Le 28 juin 1644, Jean-Baptiste Poquelin signe pour la première fois du nom de scène qu’il s’est choisi : Molière.
Ne pouvant rembourser ses multiples créanciers, Molière est emprisonné en août 16453 : après moins de deux ans d’existence, l’entreprise de l’Illustre Théâtre a définitivement échoué, mais elle aura marqué l’histoire du théâtre français.
Les restes de la troupe (Molière et la famille Béjart) rejoindront l’année suivante la troupe itinérante de Charles Dufresne, protégée et entretenue depuis de longues années par les ducs d’Épernon, gouverneurs de la Guyenne.