30 avril 1902 : première représentation de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy
d’après l’œuvre de Maurice Maeterlinck, à l’Opéra-Comique de Paris.
Pelléas et Mélisande est un opéra en cinq actes (12 tableaux) de Claude Debussy, considéré par le compositeur comme un « drame lyrique ».
Le livret est de Maurice Maeterlinck, d’après sa pièce de théâtre homonyme. La première eut lieu le 30 avril 1902 à l’Opéra-Comique à Paris sous la direction d’André Messager.
Lire aussi : Avignon 2019. Un « Pelléas et Mélisande » d’une grande beauté plastique.— Par Roland Sabra —
L’opéra, comme la pièce de Maeterlinck, est une transposition du mythe de Tristan et Yseult : deux jeunes gens sont irrésistiblement amoureux; leur amour est interdit par la présence d’un mari âgé et violemment jaloux et ne peut s’accomplir que dans la mort.
Debussy a déclaré :
« J’ai voulu que l’action ne s’arrêtât jamais, qu’elle fût continue, ininterrompue. La mélodie est antilyrique. Elle est impuissante à traduire la mobilité des âmes et de la vie. Je n’ai jamais consenti à ce que ma musique brusquât ou retardât, par suite d’exigences techniques, le mouvement des sentiments et des passions de mes personnages. Elle s’efface dès qu’il convient qu’elle leur laisse l’entière liberté de leurs gestes, de leurs cris, de leur joie ou de leur douleur. »
Depuis le soir de mai 1893 où Debussy a assisté à la représentation de la pièce, il s’est écoulé presque dix ans. La générale, le 28 avril 1902, qui se déroule en public et salle pleine, donne lieu à réactions et controverses : des rires, des « conversations fiévreuses » — mais nulle présence ou intervention de la police comme on a pu le lire (p. 289-313). Le musicologue Denis Herlin cite entre autres l’agenda d’Henri Büsser : Peu de protestations. […] Debussy est dans le cabinet de Messager où il reçoit visites et félicitations. Et dans le journal de Busser, où ce dernier est plus nuancé : Debussy s’est réfugié dans le bureau de Messager et fume nerveusement cigarette sur cigarette. Conseil de guerre avec Albert Carré et Messager. Nous sommes atterrés de l’accueil fait particulièrement au troisième acte. On a ri quand Mélisande dit : “Je ne suis pas heureuse ici”, après la scène où Golaud la traîne par les cheveux7.
Dès le lendemain de cette générale — donc la veille de la première —, la censure fait couper des parties de la scène 4 de l’acte 3.
Henri Büsser écrit dans son journal à propos de la première :
« La première représentation reçoit du public un meilleur accueil : trois et quatre rappels par acte. La scène du petit Yniold soulève encore quelques murmures, vite apaisés. Salle enthousiaste pour les deux derniers actes. »
Cette incompréhension n’empêche pas le succès : « Pelléastres » et « contrapuntistes » s’affrontent. Debussy déclare :
« Je ne crois plus à l’omnipotence de votre sempiternel do, ré, mi, fa, sol, la, si, do. Il ne faut pas l’exclure mais lui donner de la compagnie depuis la gamme à six tons jusqu’à la gamme à vingt et un degrés… Avec les vingt-quatre demi-tons contenus dans l’octave, on a toujours à sa disposition des accords ambigus qui appartiennent à trente-six tons à la fois. »
Vincent d’Indy salue et défend Pelléas dans son article de juin 1902 dans la revue L’Occident :
« Quoi qu’il en soit, à quelque genre qu’on veuille ou ne veuille pas rattacher Pelléas et Mélisande, que résulte-t-il de l’audition pour tout esprit débarrassé du parti pris ?…, la sensation d’une très belle œuvre d’art que l’on peut ne pas comprendre tout d’abord, – c’est le cas, je l’ai expliqué, de la plupart de critiques professionnels et aussi de bon nombre de musiciens, – mais qui n’en éveille pas moins dans l’âme ce frémissement, constatation de beauté, que connaissent bien ceux dont l’enthousiasme artistique n’est point atrophié, et aussi le désir de réentendre, sûr garant de la valeur d’une œuvre8. »