L’éphéméride du 23 avril

  • Début de l’expédition militaire qui conduisit à la colonisation de Madagascar le 23 avril 1894
  • Mutinerie sur le Jeanne-d’Arc, ancré à Pointe-à-Pitre, le 23 avril 1943

L’expédition de Madagascar est une intervention militaire qui a conduit à la colonisation de Madagascar par la France. Il y eut en fait deux expéditions, la première en 1881-1882 qui aboutit à la signature d’un protectorat peu appliqué et la seconde en 1894-1895 qui conduira in fine à l’annexion de Madagascar en 1897 après que le général Gallieni eut fini de « pacifier » l’île.

La France sur la scène internationale

Durant ces années, la France est isolée face à la politique de Bismarck, soucieux de lui barrer toute possibilité de revanche. La politique du chancelier de la nouvelle Allemagne est donc l’une des causes qui poussent la France à rechercher des « aventures » outre-mer, comme au Tonkin et à Madagascar.

Les expéditions coloniales sont principalement l’œuvre des républicains arrivés au pouvoir durant les années 1880, avec la dissolution du parti monarchiste. Les expéditions coloniales sont, pour la France, un moyen de rétablir sa place dans le monde, après la perte de l’Alsace-Lorraine lors de la défaite de 1870. Cette politique est surtout encouragée par les milieux d’affaires et les militaires. Les premiers cherchent de nouveaux débouchés à la suite de la crise économique qui frappe l’Europe. Les seconds veulent redorer leur blason et s’illustrer. Les parlementaires sont souvent pris de court face aux événements et aux initiatives des militaires.

Statut de Madagascar
Avant l’intervention française de 1881-1882, l’île ne subit que peu d’influences européennes. Sous les règnes des reines Ranavalona II (1868-1883) et Ranavalona III (1883-1895), du royaume Merina, alors hégémonique sur l’île, le Premier ministre Rainilaiarivony tente d’utiliser les tensions entre Européens pour protéger l’indépendance du pays et de le moderniser avec des cadres occidentaux. On retiendra le rôle de Jean Laborde, un naufragé devenu très sollicité à la cour royale d’Antananarivo, la capitale du royaume Merina, et qui créa des manufactures de bougies, de savon, de verre, de fusils, et de canons.

Première expédition
En 1881-1882 s’ouvre une première crise avec le royaume Merina à la suite d’une démonstration de force anglaise devant Madagascar déclenchant un avertissement de la France sur Tananarive. Paris négocie, malgré les demandes de fermeté de La Réunion. Tananarive se montre ferme, espérant qu’une délégation en Europe obtiendra le soutien de l’une ou l’autre puissance, et refuse à la France et la succession de Laborde (dont la France réclamait les usines), et les îles au nord-est de Madagascar, considérées comme propriété de la reine.

Avec la chute du cabinet Duclerc, remplacé par le cabinet Fallières qui dure de janvier à février 1883, le ministère de la Marine est confié à François de Mahy, un Réunionnais. Il adresse au royaume Merina un ultimatum qui demande la satisfaction des demandes françaises et un protectorat sur l’île. Cet ultimatum ayant été rejeté, l’amiral Pierre fait occuper Majunga (16 mai) et Tamatave (10 juin). Mais, ses forces étant simultanément engagées au Tonkin, la France ne peut aller plus loin et occuper Tananarive. L’amiral Galibier prend possession de Fort-Dauphin / Tôlanaro, Vohémar/Iharana et Morondava.

Les protestations britanniques croissent face à ces empiétements. En décembre 1885 est signé un compromis : la France reconnaît l’État malgache contre une lourde indemnité et le port de Diego Suarez, tandis que le royaume Merina accepte que la France « préside aux relations extérieures de Madagascar », à défaut du titre de protectorat. Le texte est flou et prête à interprétation des deux côtés. On parle d’un « protectorat fantôme ».

Seconde expédition

L’affaire de Madagascar revient sur le devant de la scène avec la signature d’une convention franco-britannique le 5 août 1890. Contre la reconnaissance par la France du protectorat britannique sur Zanzibar, le Royaume-Uni fait de même pour le protectorat français sur Madagascar. En novembre, l’Empire allemand rejoint l’accord contre la reconnaissance de ses droits sur l’Afrique orientale allemande. Les Malgaches sont désemparés, des troubles éclatent qui voient l’assassinat de plusieurs Européens.

En 1892, le parti colonial demande l’application du protectorat sur l’île. Les Réunionnais, par la voix de leur député François Césaire de Mahy, demandent une annexion pure et simple. Le 22 janvier 1894, le gouvernement Casimir-Perier répond favorablement à ces demandes et se dit prêt à prendre des mesures graves. Les parlementaires votent à l’unanimité un chèque en blanc au gouvernement pour « maintenir notre situation et nos droits, rétablir l’ordre, protéger nos nationaux, faire respecter le drapeau ».

Cependant, le gouvernement, qui hésite encore, ne fait que renforcer les garnisons des comptoirs français et envoie une escadre navale, tentant une dernière démarche diplomatique pour établir un véritable protectorat. Après le refus de la reine le 22 octobre 1894, la France procède à l’évacuation de ses ressortissants le 25 ; la guerre est déclarée.

Le gouvernement envoie une expédition de 15 000 militaires et 7 000 convoyeurs, qui est présentée comme une grande affaire nationale à l’opinion publique française. Le 12 décembre 1894, l’escadre du capitaine de vaisseau Bienaimé occupe Tamatave et débarque à Majunga le 14 janvier 1895.

Déroulement
L’expédition souffre terriblement de son manque de préparation. Les hommes manquent de quinine contre le paludisme, celle-ci étant à fond de cales sous d’autres fournitures. Le fait d’avoir choisi pour le transport des troupes la voiture hippomobile Lefebvre (charrette d’une masse de 335 kg portant un chargement de 250 kg tiré par un mulet commandé à 5 000 exemplaires pour l’expédition) condamne le corps expéditionnaire à construire une route carrossable du point de débarquement jusqu’à Tananarive et expose les milliers d’hommes du génie qui effectuaient les terrassements et ceux du train qui parcouraient la route sans relâche à la mort par maladie.

27 mars : prise de Mahabo sur la rive gauche de la Betsiboka.
3 avril : attaque de Miadana par le général Metzinger.
6 mai : à la tête du gros du corps expéditionnaire, le général Duchesne débarque au milieu de la confusion et mit un mois à rétablir l’ordre sur les arrières avant de rejoindre son avant-garde qui cheminait lentement dans les marais.
6 juin : partant d’Ambato Ambarimay, la Légion étrangère s’établit sur la rive droite de la Betsiboka.
9 juin : prise de Mevatanana et le général Duchesne installe son QG à Suberbieville.
Jusqu’au 14 juillet, le corps expéditionnaire franchit trois massifs allant de 500 à 1 200 m. Les ravitaillements devenaient problématiques du fait du faible rendement des voitures Lefebvre. La ville d’Andriba est atteinte le 20 août, après cinq mois de fatigues surhumaines.
22 août : prise de Andriba par le général Voyron.
De là, il fut décidé d’envoyer une colonne légère vers la capitale malgache. Elle comprend 4 250 combattants, trois batteries d’artillerie, 300 conducteurs du train français et 1 500 Kabyles, avec 250 chevaux et 2 800 mulets portant 20 jours de vivres. La distance de 150 km qui séparent Andriba de Tananarive est parcouru en seize jours.

15 septembre : combat de Tsinainondry.
17 septembre : combat du col de Kiangara.
19 septembre : combat des monts Ambohimena.
30 septembre : prise de Tananarive2.
Alors que le corps n’a perdu que 25 hommes au combat, 5 756 meurent de maladie. L’expédition, qui est la plus meurtrière de toutes, perd près de 40 % de ses effectifs.

L’absence de résistance organisée de l’armée Malgache commandée par Ramasombazaha3, commandant en chef des armées du nord-ouest, ainsi que la prise de Tananarive le 30 septembre 1895 permettent la mise en place d’un protectorat le 1er octobre, mais au prix de la naissance d’un fort mouvement anticolonial. La France contraint la reine à démettre le co-roi et premier ministre Rainilaiarivony. Celui-ci est exilé à Alger où il meurt 9 mois plus tard.

Ce protectorat ne convient pas aux Réunionnais et au parti colonial, qui réclamaient l’annexion. Par décision unilatérale, par décret du 11 décembre 1895 et la loi du 6 août 1896, Madagascar est annexé et rattaché au ministère des Colonies.

Pacification de Madagascar : exécution de Ratsimamanga et de Rainandriamampandry.
L’île s’embrase alors dès septembre 1896 et Paris envoie le général de brigade Gallieni, investi de tous les pouvoirs civils et militaires, afin de rétablir l’ordre. Il arrive le 15 septembre 1896 en tant que résident général. Le 11 octobre 1896, il fait arrêter le prince Ratsimamanga et le ministre de l’Intérieur Rainandriamampandry. Il les traduit devant le Conseil de guerre pour rébellion, les fait condamner à mort et fusiller en public, pour l’exemple, le 15.

Opérations finales
Dans la nuit du 28 février 1897, Gallieni fait arrêter la reine. Le lendemain, il abolit la monarchie et devient gouverneur général de Madagascar. La reine est exilée dans un premier temps à la Réunion.

En utilisant la tactique de la tache d’huile, il réprime l’insurrection, vaincue début 1897, mettant fin au mouvement menalamba. Il raconte les détails de la campagne dans son ouvrage La Pacification de Madagascar [archive], paru en 1900.

La France est frustrée par l’influence britannique, dont les missionnaires protestants ont obtenu la conversion de la reine en 1869. Paris ne peut donc que repousser les demandes des élites de La Réunion qui réclament une intervention.

 

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Mutinerie sur le Jeanne-d’Arc, ancré à Pointe-à-Pitre le 23 avril 1943

 

Fleuron de la Marine française de l’entre-deux-guerres, le Jeanne d’Arc est l’école d’application conçu pour compléter en mer la formation reçue à l’école navale par les aspirants officiers. En mai 1940, tandis que les chars allemands déferlent sur le territoire métropolitain, le navire est impliqué dans l’évacuation de l’or de la Banque de France. Il appareille du port de Brest (Finistère) pour rejoindre le Canada et y mettre à l’abri sa précieuse cargaison. Mais sur la route du retour, l’équipage apprend que la guerre est perdue et que le maréchal Pétain a signé l’armistice avec Adolph Hitler. Ordre est transmis de se dérouter vers la Martinique dans un premier temps, puis la Guadeloupe, que le navire rejoint fin juin 1940. Sa mission : s’assurer que l’archipel reste fidèle au régime de collaboration qui s’établit outre-Atlantique, quand bien même l’archipel est entouré d’îles anglaises.

La population, qui souhaite la poursuite du combat contre l’Allemagne nazie, voit s’abattre une répression organisée depuis la Jeanne d’Arc, orchestrée avec zèle par le commandant du navire, le capitaine de vaisseau Pierre-Michel Rouyer (Lire l’interview de l’historien Jean-Baptiste Bruneau : Les crimes oubliés de la Marine de Vichy). La population est méprisée, les opposants au régime sont traqués, les candidats à la dissidence, qui tentent de s’évader vers les îles anglaises, sont emprisonnés, parfois aussi torturés. En outre, un blocus anglo-américain asphyxie l’île, en vue de pousser le régime de Vichy vers l’effondrement. La population ne voit plus aucune vivre être débarquée au port. Les marins, eux, mangent à leur faim. Outre le racisme, les officiers affichent leur anglophobie et leur germanophilie : « Nous devrions remercier le ciel à deux genoux d’avoir les Allemands chez nous », clame le successeur de Rouyer, promu entre-temps contre-amiral (1).

« Mon père me disait qu’il avait honte de manger à sa faim, d’être privilégié vis-à-vis des Antillais »

C’est dans cette ambiance que Jean-Baptiste Bertevas découvre les Antilles, en août 1942. « Mon père devait chanter « Maréchal nous voilà » trois fois par jour. Il me disait qu’il avait honte de manger à sa faim, d’être privilégié vis-à-vis des Antillais », raconte Anne Marie. Les marins doivent assister à des conférences quotidiennes qui relaient la propagande collaborationniste : « Je n’en croyais pas mes yeux, ni mes oreilles, sur un tableau une énorme pieuvre qui avait la forme de l’Amérique étendant ses tentacules sur l’Europe », note, après la guerre, Jean-Baptiste Bertevas. Par-dessous tout, le jeune homme redoute « la gestapo du bord », ces membres de l’équipage qui traquent les opposants.

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