L’éphéméride du 1er juin

Première publication de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles le 1er juin 1967

Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band est le huitième album studio des Beatles, publié le 1er juin 1967 en Grande-Bretagne et le jour suivant aux États-Unis. Enregistré sur une période de 129 jours, cet album est souvent considéré par les critiques comme leur plus grande œuvre et l’un des albums les plus influents de l’histoire de la musique populaire, figurant entre autres à la première place dans la liste des 500 plus grands albums de tous les temps du magazine Rolling Stone.

Par son retentissement, par la façon dont il a révolutionné l’industrie du disque, par sa durée de vie dans les hit-parades et par la force avec laquelle il a capté l’air de son temps, Sgt. Pepper reste encore à ce jour une pierre angulaire de l’histoire de la musique et de la culture populaire de la seconde moitié du xxe siècle.

Genèse et enregistrement

Les Beatles avec le disc-jockey Jimmy Staggs en octobre 1966.
Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band est enregistré alors que les Beatles s’extraient de la pression liée à la Beatlemania. Le 29 août 1966, les quatre musiciens donnent leur dernier concert au Candlestick Park de San Francisco. Après cette ultime tournée aux États-Unis, où le décalage ne cesse de se creuser entre ce qu’ils veulent proposer à leur public et ce que celui-ci parvient à entendre au milieu des hurlements et dans des conditions de sonorisation encore balbutiantes, entre ce qu’ils produisent désormais en studio et ce qu’ils arrivent à délivrer sur scène, les quatre Beatles, même Paul McCartney qui est alors celui qui tient le plus à continuer les tournées, décident que c’en est assez5.

Le groupe profite d’un long congé pour se ressourcer. Harrison se rend en Inde pour des cours de sitar avec Ravi Shankar et s’initie à la culture du pays6. Lennon joue dans le film How I Won the War réalisé par Richard Lester, tourné à Celle près de Hanovre en Allemagne7 et à Almería en Espagne8. Starr, outre une escapade pour rendre visite à Lennon en Espagne, reste à Londres et passe le plus clair de son temps avec sa femme et son fils. Quant à McCartney, il travaille sur la bande son du film The Family Way9, voyage incognito en France puis part en safari au Kenya avec sa fiancée Jane Asher et son ami Mal Evans10. Dans l’avion du retour, Evans demande à McCartney de lui passer le sel et le poivre (salt and pepper) et ce dernier entend Sergeant Pepper. Ce malentendu les fait rigoler et sème l’idée du nouveau projet des Beatles11.

À la fin de l’automne 1966, ils reviennent en studio à Abbey Road ; déterminés, les Beatles s’expliquent avec le producteur George Martin en des termes résolus : C’est très simple. Nous en avons marre de jouer en public. Mais cela nous donne l’occasion d’un nouveau départ…, dit John Lennon au producteur. Nous ne pouvons plus nous entendre sur scène à cause de tous ces cris, ajoute Paul McCartney. Alors, où en sommes-nous ? Nous avons essayé de jouer sur scène des chansons de notre dernier album [Revolver]a mais il y a tellement d’overdubs compliqués dessus que nous n’avons pu leur rendre justice. Maintenant, nous pouvons enregistrer tout ce que nous voulons, cela n’aura plus aucune importance. Ce que nous voulons, c’est placer la barre très haut, faire le meilleur album que nous ayons jamais réalisé conclut-il. Ce que nous disons poursuit Lennon, c’est que si nous ne tournons plus, nous pouvons enregistrer de la musique que nous n’aurons pas à interpréter live, et cela veut dire que nous pouvons créer quelque chose qui n’a jamais encore été entendu, un nouveau genre de disque avec de nouveaux genres de sons12. C’est ainsi qu’ils ouvrent une nouvelle période dans leur carrière — qui sera connue plus tard sous le nom de The Studio Years (les années studio) — en commençant par le plus ambitieux des projets.

Le nom de l’album est lié à la tendance américaine de donner des noms à rallonge aux groupes, comme Quicksilver Messenger Service, Big Brother and the Holding Company ou Commander Cody and His Lost Planet Airmen13. Sur une idée de McCartney, les Beatles décident de former un groupe fictif qui lui aussi aurait un nom très long et partirait en tournée à leur place14. Lors du séjour des Beatles à Toronto, le 17 août 1966, le policier responsable de leur sécurité était le sergent Randall Pepper. Bien que ceci n’a jamais été officialisé, on ne peut s’empêcher de penser que le lien d’amitié entre le sergent Pepper et le groupe ait pu influencer la genèse du titre de leur prochain album15.

Pour la première fois dans leur carrière, les Beatles disposent de tout le temps nécessaire pour préparer leur album. En tant que groupe vedette et plus grand succès de la maison de disques EMI, ils ont un accès presque illimité à la technologie des studios Abbey Road, où ils enregistrent tous leurs albums depuis le début de leur carrière. Les quatre membres du groupe ont une préférence pour les longues sessions de nuit et toute l’équipe d’ingénieurs du son dirigée par le producteur George Martin se tient à leur service, prête à soutenir toutes leurs expérimentations5. En tout, 129 jours (de décembre 1966 à avril 1967) seront nécessaires pour enregistrer les treize chansons de l’album ainsi que Penny Lane et Strawberry Fields Forever, sorties séparément en single en février 196716,17. Selon les sources, l’enregistrement de l’album a duré entre 300 et 700 heures, un total sans précédent à l’époque18.

Depuis les enregistrements des deux précédents albums, Rubber Soul (1965) et Revolver (1966), les goûts des Beatles ont évolué. Au rhythm and blues, à la pop et au rock ‘n’ roll de leurs débuts s’est ajoutée une variété de nouvelles influences qui va de la musique indienne — sous l’impulsion du guitariste George Harrison — à la musique classique et même baroque, dont George Martin est un expert. Les musiciens sont par ailleurs devenus familiers d’un grand nombre d’instruments comme l’orgue Hammond et le piano électrique, sans oublier les instruments indiens comme le sitar, la tampura et diverses percussions. L’ajout de ces nouvelles sonorités dans la musique occidentale marque les balbutiements du phénomène musiques du monde dans la pop5. Leur palette instrumentale couvre maintenant les cuivres, les bois, les instruments à cordes, les percussions et tout ce qui peut leur apporter une sonorité recherchée. L’ensemble de ces évolutions, qui concerne aussi l’écriture des paroles, est arrivé à maturation au moment des sessions de Sgt. Pepper14.

La période Pepper coïncide aussi avec l’introduction de quelques innovations musicales importantes. Le travail d’autres musiciens tels que Bob Dylan, Frank Zappa, Jimi Hendrix, Phil Spector et Brian Wilsonb redéfinit radicalement ce qui était possible pour les musiciens pop en termes d’écriture et d’enregistrement. Les technologies de studio ont atteint un haut degré de développement et de grandes innovations sont encore à venir. Les vieilles règles de l’écriture sont abandonnées et des thèmes lyriques complexes sont explorés pour la première fois dans la musique populaire. Les chansons deviennent plus longues, le point culminant étant atteint dans les années 1970 avec, par exemple, les groupes de rock progressif tels que Pink Floyd et ses titres s’étalant sur une face entière de 33 tours, comme le morceau Echoes19. Ces derniers enregistraient au même moment à Abbey Road leur premier album, The Piper at the Gates of Dawn dans la pièce d’à côté, et deviendra à sa sortie un classique du rock psychédélique.

Caractéristiques artistiques
Conceptualité
Dans cet album, la fanfare du club des cœurs esseulés du sergent Pepper accueille le public à son concert et tout, jusqu’à sa pochette innovante et débordante de couleurs, fait de ce disque un pionnier de l’album-concept, ne serait-ce que par son retentissement. Le biographe Steve Turner écrit : presque toutes les conventions régissant les 33 tours furent transgressées20.

Pourtant, au-delà du personnage de Billy Shears (interprété par Ringo Starr), qui fait le lien entre la chanson-titre et With a Little Help from My Friends, les chansons n’ont pour la plupart aucun rapport entre elles. Afin d’assurer la cohérence du projet, le groupe, sur une idée de son assistant Neil Aspinall, décide de reprendre la chanson-titre en avant-dernier morceau (merci, nous espérons que vous avez aimé le show, nous sommes désolés mais il est temps de partir), plus vite, plus rock et dans une autre tonalité5. Et parfois, le hasard fait bien les choses ; le cri du coq que l’on entend à la fin de Good Morning Good Morning est dans la même tonalité que le premier accord de la reprise de Sgt Pepper et permet donc, sur la version stéréo, de lancer celle-ci16. Le concert se termine avec A Day in the Life, tel un rappel.

À la suite d’une montée orchestrale, l’album est clos par le long decrescendo d’un accord de mi majeur — joué simultanément sur tous les pianos disponibles dans les studios Abbey Road par Lennon, McCartney, Starr, Martin et Mal Evans —, un sifflement à 20 kHz, inaudible par l’homme mais destiné à faire aboyer les chiens, et un jingle sans fin sur le sillon intérieurc.

George Martin indique que le disque fut accepté comme le premier album conceptuel, même s’il n’en était pas réellement un21,22. Lennon minimisait l’approche conceptuelle en expliquant que les chansons avaient été juxtaposées fortuitement22.

Écriture des chansons
La réussite de Sgt. Pepper est encore largement le fruit de la collaboration entre John Lennon et Paul McCartney dans l’écriture de la plupart des chansons. Il y a celles entièrement coécrites, comme With a Little Help from My Friends en partant d’une simple idée de départ de Paul : la phrase avec un peu d’aide de mes amis5. Toute la chanson est développée dans l’idée de la confier à Starr et d’en faire un dialogue entre le personnage de Billy Shears et un chœur qui lui pose une série de questions14.

Il y a celles composées par Paul avec un ajout décisif de John. Sur Getting Better, c’est ce dernier qui contrebalance l’optimisme de son partenaire, en ajoutant it can’t get no worse (ça ne peut pas être pire) derrière les paroles de Paul It’s getting better all the time, et qui écrit le pont de la chanson dans lequel il décrit comment il était cruel envers sa femme14. Lorsque Paul part d’un fait divers pour composer She’s Leaving Home, John ajoute le chœur grec en réponse des parents, incapables de comprendre la fugue de leur fille5.

Il y a celles écrites par John avec le concours de Paul. Lorsque Lennon démarre avec un dessin de son fils Julian pour Lucy in the Sky with Diamonds, McCartney trouve des paroles, comme cellophane flowers of yellow and green. L’apport peut aussi être instrumental, comme les fameuses notes de mellotron composées par Paul pour l’introduction de Strawberry Fields Forever5.

Le résultat le plus remarquable, et inédit, est constitué par A Day in the Life. Dans ce cas très particulier, il y a une chanson de John (I read the news today oh boy) et une autre de Paul (woke up, fell out of bed…). Les deux compères les assemblent, s’amusent à écrire la phrase de liaison sévèrement connotée I’d love to turn you on, et les transitions entre les deux parties. Ce sera une rare fois, avec plus tard deux titres du medley d’Abbey Road et I’ve Got a Feeling sur Let It Be, que deux chansons distinctes des auteurs-compositeurs sont assemblées et enregistrées ensemble d’une seule traite14.

L’inspiration, elle, prend des formes multiples : la lecture des journaux pour A Day in the Life ou She’s Leaving Home, la reproduction du texte d’une affiche de cirque du xixe siècle pour Being for the Benefit of Mr. Kite!, le souvenir du batteur temporaire des Beatles en juin 1964, Jimmy Nicol, pour Getting Better, la sonorité du mot meter maid pour Lovely Rita, les travaux de restauration d’une vieille ferme écossaise pour Fixing a Hole, un hommage musical de Paul à son père Jim pour When I’m Sixty Four, le dessin de Julian Lennon et les œuvres de Lewis Carroll pour Lucy in the Sky with Diamonds, une publicité télévisuelle vantant une marque de céréales pour Good Morning Good Morning, la musique de son ami Ravi Shankar pour Harrison dans Within You Without You, ou encore, la nostalgie de l’enfance à Liverpool pour Paul dans Penny Lane et John dans Strawberry Fields Forever23.

Chansons non incluses
Alors que les Beatles poursuivent la conception et la réalisation de Sgt Pepper, trois chansons enregistrées en vue de leur introduction dans l’album sont éliminées. Les deux premières, Strawberry Fields Forever et Penny Lane, sortent en single double face A le 13 février 1967. À la demande de Brian Epstein, afin qu’un nouveau 45 tours soit disponible dans les bacs durant l’hiver, Martin doit en effet livrer, à contrecœur, ces deux chansons puisqu’elles sont à ce point les plus abouties. Compte tenu du principe adopté depuis leur troisième 45 tours, qui veut que ce qui sort en single ne fasse pas ensuite partie des albums, les deux chansons de Lennon et McCartney, évoquant la nostalgie de leur enfance à Liverpool, connaissent ce destin. Martin qualifiera plus tard cette décision d’épouvantable erreur5. Il a aussi été envisagé utiliser la chanson When I’m Sixty-Four, elle aussi déjà mise en boîte, comme face B à l’une ou l’autre de celles-ci24.

La troisième chanson, intitulée Only a Northern Song et écrite par Harrison, est enregistrée durant les séances pour l’album. Rapidement on se rend compte qu’elle ne colle pas avec l’ambiance que l’on veut donner à l’album et sera remplacée par Within You Without You, une autre de ses compositions que le groupe juge meilleure. Only a Northern Song apparaît finalement dans la bande originale du film Yellow Submarine en 196925.

Un dernier morceau, Carnival of Light, est enregistré par les Beatles le 5 janvier 1967, menés par McCartney16. Il s’agit d’une improvisation avant-gardiste d’une durée de quatorze minutes créée pour un spectacle son et lumière, A Million Volt Light and Sound Rave, ayant lieu à la Roundhouse de Londres les 28 janvier et 4 février 196726,27 et jamais réentendue en public depuis. Bien qu’effectué lors des séances de la chanson Penny Lane, il n’a jamais été question d’intégrer cet enregistrement dans l’album; il ne sera même pas inclus dans la collection d’enregistrements qui a été publiée pour célébrer le cinquantième anniversaire de la sortie de l’album, à l’instar de Only a Northern Song d’ailleurs.

L’enregistrement de Pantomime: Everywhere It’s Christmas, le disque de Noël annuel offert au fan club, se fait aussi au début de ces séances28.

Innovations techniques

Enregistreur 4-pistes exposé aux studios d’Abbey Road.
Les innovations en termes d’enregistrement sont nombreuses pour Sgt. Pepper et marqueront durablement l’industrie du disque et la façon de considérer le travail en studio.

Par exemple, les ingénieurs des studios Abbey Road inventeront pour les Beatles le vari-speed, un nouveau bouton sur le magnétophone qui permet de faire varier la vitesse de défilement de la bande. On enregistre ainsi la voix en faisant tourner le magnétophone plus lentement puis on le remet à vitesse normale. Ce procédé est notamment utilisé pour modifier le timbre de la voix de Lennon sur Lucy in the Sky with Diamonds. On peut aussi s’en servir pour relier deux prises enregistrées à un tempo différent, comme sur Strawberry Fields Forever29.

George Martin et son équipe technique ont également inventé la synchronisation de deux magnétophones 4-pistes, à travers une fréquence émise d’une machine vers l’autre, utilisée pour enregistrer l’orchestre symphonique exécutant la montée dans A Day in the Life, tandis que tourne la bande où jouent les Beatles16. Ils utilisent abondamment le reduction mixdown (également appelé bouncing), qui permet de transférer les quatre pistes — il faut se souvenir qu’en 1967, c’est le maximum dont ils disposent — enregistrées sur un magnétophone pour n’en faire plus qu’une seule sur un autre, libérant ainsi trois nouvelles pistes. On peut multiplier le procédé, mais avec une certaine limite : quatre fois (soit un 16 pistes virtuel) constituera le maximum permis pour ne pas avoir trop de dégradation du son29.

Les Beatles utilisent des pédales wah-wah et un fuzzbox, qu’ils transforment avec leurs propres idées expérimentales, comme faire passer des voix et des instruments à travers une cabine Leslie. Une autre innovation sonore importante est la découverte de la technique de la boîte de direct par McCartney, dans laquelle on peut enregistrer la guitare basse en la branchant directement dans un circuit amplifiant de la console d’enregistrement. Paul enregistre désormais toutes ses parties de basse à part, et souvent à la fin29.

Instrumentation
Les chansons de Sgt. Pepper comportent des arrangements musicaux très élaborés — par exemple, l’ensemble de clarinettes sur When I’m Sixty-Four — et des utilisations très importantes d’effets audio comme l’écho, la réverbération et les bandes passées à l’envers. Beaucoup de ces effets ont été créés par Martin et son équipe d’ingénieurs des studios Abbey Road16.

L’un des quelques moments de discorde survient pendant l’enregistrement de She’s Leaving Home. Martin est indisponible à ce moment et McCartney, impatient, engage le compositeur Mike Leander pour écrire les arrangements de la section des cordes. La situation se répète lors de la composition de la musique du film Magical Mystery Tour, aussi avec Leander16.

Un autre exemple de la production de l’album est la chanson de Lennon Being for the Benefit of Mr. Kite!, qui clôture la première face du 33 tours original. Les paroles ont été adaptées presque mot pour mot d’une vieille affiche de cirque du xixe siècle que Lennon a achetée à un magasin d’antiquités dans le Kent le jour où les Beatles y ont filmé le clip promotionnel de Strawberry Fields Forever. Le collage sonore qui donne à la chanson son caractère distinctif est créé par Martin et Geoff Emerick, qui amassent divers enregistrements d’archive de calliope, ensuite coupés en longueurs variées, jetés en l’air, collectés dans une boîte, mixés ensemble dans un ordre aléatoire, faisant une longue bande qui sera mixée avec la chanson lors de la production finale14.

La chanson qui ouvre la deuxième face, Within You Without You, est inhabituellement longue pour une chanson pop à cette époque, et ne comprend que George Harrison au chant, au sitar et à la guitare acoustique, tous les autres instruments étant joués par un groupe londonien de musiciens indiens et un orchestre classique. Ces déviations du rock ‘n’ roll traditionnel ont été facilités par la décision des Beatles de ne plus faire de concerts, par leur habileté à engager de bons musiciens et par l’intérêt grandissant de Harrison pour la musique indienne et la religion hindoue, qui l’ont conduit à prendre des leçons de sitar avec le musicien indien Ravi Shankar. Sa fascination pour la musique et les instruments indiens est mise en évidence sur plusieurs chansons, comme Lucy in the Sky with Diamonds et Getting Better, où il joue de la tambura16.

Cet album utilise aussi beaucoup d’instruments à claviers. Un piano à queue est employé sur plusieurs chansons, comme A Day in the Life et Lovely Rita, et un orgue Hammond est utilisé dans plusieurs autres chansons. Un clavecin peut être entendu sur Fixing a Hole et un harmonium est joué par Martin sur Being for the Benefit of Mr. Kite!. Le piano électrique, le glockenspiel et le mellotron sont aussi utilisés sur l’album.

Le 10 février 1967 dans le studio n°1 d’Abbey Road, un orchestre classique de 41 musiciens enregistre la montée aléatoire pour A Day in the Life. Martin exécute les instructions de McCartney : la première et la dernière note sont dans la tonalité du mi majeur et chaque musicien doit partir de la note la plus basse de son instrument, puis monter à la plus haute sur 24 mesures et à la vitesse qui sera choisie par chacun sans se soucier de ce que jouera son voisin.

Versions mono et stéréo
Les Beatles étaient présents pendant le mixage de l’album en mono et le disque vinyle est originellement sorti dans cette version accompagnée d’un mixage stéréo préparé par une équipe d’ingénieurs du son des studios Abbey Road dirigée par Geoff Emerick16.

Ces deux versions sont fondamentalement différentes : la bande est quelques fois lue à une autre vitesse. Par exemple, la chanson She’s Leaving Home a été mixée en mono à une plus grande vitesse que sur l’enregistrement original et joue donc sur un tempo plus rapide31. Inversement, la version mono de Lucy in the Sky with Diamonds est considérablement plus lente que sur la version stéréo et comporte plus d’effets sonores.

Des variations apparaissent aussi sur la version en CD de l’album. Les cris de McCartney à la fin de la reprise de Sgt. Pepper peuvent être très bien entendus dans la version mono, mais sont presque inaudibles dans la version stéréo. La version mono de la chanson comporte une batterie qui ouvre la chanson avec plus de présence et de force. Le fameux segue à la fin de Good Morning Good Morning où le cri du coq, qui devient un son de guitare sur la version stéréo, est placé à un temps différent sur la version mono et cet effet disparaît. D’autres variations entre les deux mixages incluent un rire plus fort à la fin de la version mono de Within You Without You et une fin froide et sans écho sur la version mono de Being for the Benefit of Mr. Kite!.

Sur les premiers pressages mono de l’album, juste après A Day in the Life, le dernier morceau, un sillon sans fin, c’est-à-dire revenant sur lui-même, pouvait être entendu sur les platines manuelles. Il l’est à nouveau depuis la réédition de l’album en disque compact où on l’entend se répéter une dizaine de fois avant de fondre en fermeture. Une fausse légende affirmait que les Beatles prononcent I never know the end (je ne connais jamais de fin). Le groupe prononce deux ou trois phrases. Une première phrase en premier plan pouvant être entendue aussi bien à l’endroit qu’à l’envers, disant quelque chose comme He never kissed me any other way / is he any other way ou encore it will be like this again dans un sens, dans l’autre very soon. La deuxième phrase, en arrière-plan, est enregistrée à l’envers et seule sa deuxième partie est compréhensible : Supermen. Ce sillon a alimenté de nombreuses spéculations participant à la légende des Beatles. C’est le premier album des Beatles qui est publié à l’identique en Amérique du Nord par Capitol Records mais le montage sonore du sillon final n’est pas inclus. La bande maîtresse monophonique est envoyée aux États-Unis le 21 avril pour commencer la production des disques, le jour même où le montage sonore est enregistré. Le lendemain, la bande stéréo est à son tour livrée mais le montage final n’est pas encore prêt32. Il sera inclus sur la compilation américaine Rarities publiée en 1980.

Pochette
La pochette de l’album est, sans doute, l’une des plus célèbres de l’histoire de la musique; le montage élaboré de la photo de couverture, la photographie des Fab Four s’étalant sur les deux à-plats intérieurs, le visuel du verso de la couverture avec les paroles des chansons et enfin la planche à découper uniface qui y est insérée. De plus, dans les premières éditions britanniques, on fabrique une pochette de protection du disque vinyle format 33 tours possédant un design inédit.

Le visuel de couverture
La couverture de l’album a été réalisée par les artistes anglais Jann Haworth et Peter Blake. Il ne s’agit pas ici d’un photomontage, mais bien d’une photo du groupe au milieu d’une installation composée de personnages imprimés grandeur nature sur du carton taillé, de statues et d’objets, devant un fond bleu ciel. Ce diorama se décompose en trois plans : le premier est constitué principalement d’un massif de fleurs dans lequel est inséré un assemblage d’objets (plantes vertes, instruments de musique, figurines, etc.); le deuxième, par la présence des quatre Beatles accompagnés de six mannequins en cire, deux sculptures molles et quatre figures cartonnées découpées en taille réelle; le dernier, par un assemblage sur plusieurs rangées de découpes grandeur nature d’une cinquantaine de portraits de personnages plus ou moins célèbres, trois têtes de cire, ainsi qu’un palmier artificiel.
La réalisation de la pochette nécessite un travail de composition important, dus à Peter Blake, l’un des pères du pop art33, et à Jann Haworth, alors son épouse (et fille de Ted Haworth, important directeur artistique de studios cinématographiques qui l’a initiée aux techniques des décors de cinéma). La production est initiée par le collectionneur d’art Robert Fraser, proche ami du groupe, et le photographe Michael Cooper est choisi pour prendre les photos de l’installation assisté de Nigel Hartnup, Trevor Sutton et Andrew Boulton34. La direction artistique est effectuée par le photographe américain Al Vandenberg35. Neil Aspinall et Mal Evans sont chargés d’aller dans diverses librairies et bibliothèques chercher l’image des différents personnages36. La préparation du décor nécessite deux semaines de travail. Le graphiste britannique Gene Mahon, qui dessinera quelques mois plus tard le logo d’Apple Corps, procède au montage des agrandissements photo que Nigel Hartnup et Jann Haworth coloriseront avec des teintures34. La session de photos elle-même dure plusieurs heures, le 30 mars 1967 au studio du 4 rue Chelsea Manor à Londres37. Le coût final de cette pochette s’élève à 2868£ 5s 3d soit environ cent fois le coût habituel à l’époque38,17.

À l’instar de celle de leur précédent album, Revolver en 1966, la pochette reçoit le prix Grammy dans la catégorie arts graphiques39. Jann Haworth et Peter Blake ne reçoivent qu’un forfait de 200 £ sans droits d’auteur prévus (en dépit de leur signature sur la planche à découper), fait qui contrarie toujours ce dernier : Même les responsables de l’arrangement floral furent mieux payés40,41.

Au centre de ce visuel, se trouvent les Beatles, chacun vêtu d’un uniforme de parade d’une couleur différente, se tenant debout, réunis derrière une grosse caisse de fanfare militaire. Sur sa peau figure le titre de l’album, prenant la forme d’un logo conçu par l’artiste Joe Ephgraved. Cet artiste de fêtes foraines, un ami de Jann Haworth et de son père, a conçu deux modèles disposés sur chacune des membranes de la caisse42. Sur le premier cliché pris lors de cette journée, celle-ci est inversée pour montrer le design alternatif. C’est la seule fois que l’on peut voir cette face lors de cette séance photo43, e. À leurs pieds, au milieu du massif paysagé, des jacinthes rouges forment le mot Beatles en lettres capitales17.

Cette pochette présente une vraie rupture avec les précédents albums car ici, chaque Beatle a sa propre coiffure, son propre costume, sa propre identité mais tous portent la moustache5. Le contraste est d’ailleurs accentué par la présence, à leurs côtés, de statues de cire en habits sombres à l’effigie des anciens Beatles, empruntés du musée Madame Tussauds à Londres. C’est aussi la première fois qu’on voit, sur une pochette d’album officiel des Beatles, Lennon porter des lunettes. Myope depuis de nombreuses années, il trouvait que les lunettes ne lui allaient pas. Il doit cependant porter des lunettes rondes de type Windsor44 pour son rôle dans le film How I Won the War tourné à la fin de l’année 1966 ; il en fait dès ce moment-là sa marque de fabrique. Le très fort décalage entre l’image classique des Fab Four et de leurs alter ego, concepteurs de cet album17, est d’ailleurs vu par certains fans comme l’annonce d’une rupture proche, qui n’intervient cependant que trois ans plus tard14.

Célébrités présentes sur le visuel de couverture
Article détaillé : Figures présentes sur Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band.

Décor installé dans le musée The Beatles Story à Liverpool.
Une particularité remarquable de ce visuel réside dans la quantité et la diversité des personnages que l’on peut voir aux côtés et derrière les Beatles ; en effet, la pochette se présente comme un « portrait de famille », sur lequel apparaissent les personnages à qui ils veulent rendre hommage sans qui les Beatles n’auraient pas été les Beatles17. Ainsi, on peut y retrouver tout en haut le portrait d’Edgar Allan Poe — à qui il sera plus tard fait référence dans les paroles de I Am the Walrus —, ou encore Bob Dylan — chanteur admiré par le groupe qui leur a fait découvrir la marijuana lors de leur tournée américaine de l’été 1964 —, et enfin Lewis Carroll — dont les écrits inspirèrent la rédaction des paroles de Lucy in the Sky with Diamonds. Pourtant, Lennon et McCartney ne soumettent en tout qu’une vingtaine de personnages, Harrison, six gourous dont quatre sont retenus, tandis que Ringo Starr ne soumet aucune proposition17,f. Le reste des personnages sont choisis par Blake, Haworth et Fraser. Curieusement, Elvis Presley (présence trop importante d’après McCartney38), Little Richard, Chuck Berry ni Buddy Holly, quatre influences majeures du groupe45, n’y figurent pas.

La mise en scène rappelle une photographie de l’orchestre de Jim McCartney, le père de Paul, qui pose autour d’une grosse caisse. De plus, la pochette d’un E.P. suédois produit en 1964 par Mercblecket, un orchestre d’étudiants, reprenant quatre tubes des Beatles, a comme pochette la photo des membres du groupe portant des uniformes et posant autour d’une grosse caisse. À l’arrivée des Beatles à l’aéroport de Stockholm en juillet, l’orchestre est présent et offre à Paul McCartney le disque en question46.

Voici la liste des célébrités qui apparaissent sur le diorama de la pochette de l’album, rang par rang, de haut en bas, en partant de la gauche.

Au rang supérieur, on voit le gourou Sri Yukteswar Girig, Aleister Crowley (occultiste), Mae West (actrice), Lenny Bruce (humoriste), Karlheinz Stockhausen (compositeur allemand), W. C. Fields (comédien), Carl Gustav Jung (psychologue), Edgar Allan Poe (écrivain), Fred Astaire (acteur et danseur), Richard Merkin (artiste), une Vargas Girl (dessin de Alberto Vargas), Huntz Hall (acteur)h, Simon Rodia (concepteur des Watts Towers) et Bob Dylan (auteur-compositeur-interprète).

Au second rang, on trouve Aubrey Beardsley (illustrateur et dandy du xixe siècle), Robert Peel (Premier ministre britannique du xixe siècle), Aldous Huxley (écrivain), Dylan Thomas (poète gallois), Terry Southern (écrivain américain), Dion DiMucci (chanteur américain), Tony Curtis (acteur), Wallace Berman (artiste plasticien américain), Tommy Handley (humoriste), Marilyn Monroe (actrice), William S. Burroughs (écrivain), le gourou immortel Sri Mahavatar Babaji, Stan Laurel (acteur), Richard Lindner (artiste de New-York), Oliver Hardy (acteur), Karl Marx (philosophe politique), H.G. Wells (écrivain), le gourou Sri Paramahansa Yogananda, James Joyce (romancier et poète), pratiquement caché à côté d’une tête de mannequin anonyme portant un chapeau rayé.

Au troisième rang, on aperçoit Stuart Sutcliffe (ex-Beatle), un autre mannequin non identifié portant un chapeau vert, Max Miller (comédien), une Petty Girl au chapeau mauve (par l’artiste George Petty), Marlon Brando (acteur)i, Tom Mix (acteur de Western), Oscar Wilde (écrivain), Tyrone Power (acteur), Larry Bell (artiste peintre), David Livingstone (explorateur)j, Johnny Weissmuller (nageur et acteur), Stephen Crane (écrivain américain) presque caché derrière la main levée d’Issy Bonn (comédien), George Bernard Shaw (écrivain)k, H. C. Westermann (sculpteur) derrière la plume du chapeau d’Harrison, Albert Stubbins (footballeur de Liverpool), le gourou Sri Lahiri Mahasaya, Lewis Carroll (écrivain) et la tête en cire de T.E. Lawrence (officier et écrivain mieux connu sous le nom « Lawrence d’Arabie »)l,47.

Au devant, se trouvent : une statue de cire du boxeur américain Sonny Liston, une autre découpe de Petty Girl cette fois au chapeau bleu, les statues de cire des quatre Beatles habillés de noirm,48 avec, à peine visible derrière Lennon, le visage de Shirley Temple; les Beatles en chair et en os posant avec leurs costumes militaires colorés (Lennon, Starr, McCartney et Harrison chacun tenant respectivement un cor d’harmonie, une trompette, un cor anglais et un piccolo), puis, les figures découpées de l’acteur et chanteur d’origine canadienne Bobby Breen, de l’actrice allemande Marlene Dietrich habillée en jaune, et, en plus petit, de nouveau Shirley Temple devant la découpe d’un soldat anonyme du « Royal Antediluvian Order of Buffaloes »n et à côté de la statue de cire de l’actrice Diana Dors. À l’extrême droite on voit une poupée en chiffon d’une fillette, encore une fois sous les traits de Shirley Temple49,o, portant le pull rayé d’Adam Cooper47, le fils du photographe, où est inscrit sur le devant « Welcome The Rolling Stones » et sur les manches « Good Guys » (« Bienvenue les Rolling Stones – Bons gars »). Celle-ci est assise sur les genoux d’une autre « sculpture molle » représentant une vieille dame (The Old Lady50, 1965). Ces deux poupées ont été conçues par Jann Haworth49,p.

Célébrités non incluses ou cachées
Pour diverses raisons, d’autres célébrités initialement prévues sur la pochette furent retirées. Ce fut notamment le cas de trois personnages que John Lennon avait souhaité faire apparaître : Jésus-Christ (n’a pas été considéré après la célèbre phrase controversée prononcée à son sujet par le Beatle), Gandhi (présent dans la photo originale mais effacé parce que la maison de disques EMI pensait que sa présence choquerait la communauté indienne) et Adolf Hitler (son effigie a été produite mais rapidement retirée après discussion entre les personnes présentes lors de la séance photo)51. L’image de l’acteur Leo Gorcey, dans son rôle de Slip Mahoney des Bowery Boys52, a elle aussi été effacée en postproduction lorsqu’il a demandé d’être rémunéré53.

Présents dans le montage, les acteurs Timothy Carey et Bette Davis, cette dernière dans son rôle d’Élisabeth Ire du film The Virgin Queen54, sont cachés par Harrison tandis que le physicien Albert Einstein, duquel on ne voit que les cheveux, est derrière l’épaule droite de Lennon55. Ces trois personnalités et les deux autres, qui ont été effacés en post-production, reprennent leurs places sur les pochettes des disques deux, trois et quatre de la réédition du 50e anniversaire. Mais une photo des acteurs Sophia Loren et Marcello Mastroianni tirée d’une scène du film Mariage à l’italienne reste cachée derrière les statues de cire des Beatles43.

Les costumes

Costume de John Lennon pour Sgt. Pepper exposé au Rock and Roll Hall of Fame à Cleveland, Ohio.
Sur cette pochette, chacun des Beatles est vêtu d’un uniforme de parade d’inspiration militaire, période edwardienne en satin, d’une couleur extrêmement vive et personnalisée à la teinture fluorescente. John Lennon porte un costume vert et jaune, Paul McCartney est vêtu de bleu, George Harrison de rouge et Ringo Starr de rose. Ces uniformes, fabriqués par la firme M. Berman Ltd38, mais conçus par le couturier d’origine mexicaine Manuel Cuevas56 connu pour avoir dessiné des costumes de scène pour de nombreux chanteurs tels Elvis et Johnny Cash57,q, comportent aussi des insignes particuliers à chaque membre : Lennon arbore les armes royales du Royaume-Uni sur sa manche droite et les médailles militaires du grand-père de Pete Best, empruntée de sa mère Mona, au devant, à gauche, à peine visibles. Harrison et McCartney portent leurs médailles de l’Ordre de l’Empire britannique, qui leur furent donnés par la reine Elizabeth en 196558. Un écusson de la police provinciale de l’Ontario portant les initiales « O.P.P. » (pour Ontario Provincial Police), est apposé sur la manche gauche de McCartney. En 1969, lors de la propagation d’une rumeur supposant que ce dernier était mort, on avait prétendu que c’était « O.P.D. » qui était inscrit sur cet écusson, soit Officially Pronounced Dead (officiellement déclaré mort)59,60.

Les costumes de scène gris, que portent les statues de cire du groupe, sont inspirés d’un design de Pierre Cardin61 et fabriqués par Douglas Millings de l’entreprise de tailleurs DA Millings and Son de Londres62.

Les autres visuels
Aux pieds des Beatles, on voit sur la pochette du disque un certain nombre d’objets parmi les fleurs et les plantes en pots. De gauche à droite, on distingue : un boa violet, un nain de jardin (devant un massif de jacinthes bleues), un narguilé, un fukusuke (souvenir de Lennon de la tournée au Japon63), une figurine de Blanche Neige, un euphonium, un trophéer, un buste (qui vient des jardins du domaine de Lennons,43), un petit poste de télévision Sony (acheté par McCartney au Japon63), une figurine féminine, la céramique mexicaine dite de l’Arbre de viet, une petite statue de pierre (sous le pied gauche de la poupée en chiffon) et, enfin, au premier plan, la statuette d’une divinité indienne, Lakshmi entourée de fleurs rouges et blanches64. Des jacinthes rouges sont disposées de façon à écrire le mot « Beatles », des jaunes placées en forme de guitare et finalement un autre petit massif de fleurs blanches, bleues, rouges et jaunes en forme d’étoile.

La grosse caisse, sur laquelle est peint le titre du disque, est celle du Régiment Essex Yeomanry, un régiment de cavalerie, débarqué au Havre en décembre 1914, et qui aura tout de suite été plongé dans l’horreur de la Grande Guerre avec ses chevaux. Membre de cette unité, Henry Harrison, le grand-père de George Harrison65, avait succombé au premier jour de la bataille de Loos-en-Gohelle, le 25 septembre 1915. Le nom de cette bataille figure en toutes lettres sur le fût avec d’autres batailles de la Somme66. En 1964, Ringo Starr portait cette grosse caisse pendant que le reste du groupe posait avec des cornemuses lors d’une séance photo dans les jardins du « Ambassador’s Club » à Londres67,68. Une de ces photos a été utilisée pour deux albums compilations d’Allemagne de l’Est publiés par le label Amiga, le premier en 1965 et l’autre en 198369.

Pour la seconde fois, après Beatles for Sale, la pochette du 33 tours est double et peut s’ouvrir comme un livre, faisant apparaître plein cadre sur fond jaune uni une photo plus resserrée du groupe toujours en uniforme et assis par terreu, qui permet l’insertion d’un supplément17. À l’origine, le groupe avait pour projet d’y inclure plus d’images, des crayons de couleurs ou des pin’s. Cependant, face au coût potentiel d’une telle opération, la production se résigna à n’inclure qu’une simple planche uniface d’accessoires à découper, signé par Blake et Haworth, et numérotés en un encadré descriptif intitulé Sgt. Pepper Cut-Outs. Parmi ces cinq accessoires, on trouve dans l’ordre énuméré : une moustache postiche, une carte postale figurant un militaire et légendée Sgt. Pepper, une paire de chevrons qui marquent le grade de sergent à appliquer sur ses manches, deux badges (le logo de l’album et le portrait du sergent), et enfin un portrait « présentoir » des Beatles. Sous cette photo du groupe, on voit une section de cercle (rattachée à la partie à plier) sur lequel est écrit « Sgt Peppers Band » (encore sans l’apostrophe du génitif) avec des lettres décorées d’anciennes photos de visages de femmes. Bien que la légende, présente sur les rééditions du disque, indique que le portrait de la carte postale est inspiré du buste placé aux pieds de Harrison sur la couverture du disque, ce personnage est en fait un dessin du major général James Melvin Babington, du 16th The Queen’s Lancers de la première cavalerie postée en Afrique du Sud lors de la seconde guerre des Boers, tel que vu sur son portrait officiel70.

L’endos de la pochette comporte une autre innovation; aucun autre album n’avait auparavant inclus les paroles des chansons17,71. Sur cette face de la pochette, on retrouve une autre photographie des Beatles portant leurs costumes de parade militaire, où McCartney est vu de dos.

Photo noire et blanc de deux personnes
The Fool : Josje Leeger et Marijke Kooger en 1965.
Enfin, pour les premières éditions, le disque vinyle lui-même était proposé dans une pochette de protection imprimée d’un motif dégradé de rouge72 dessinée par le collectif néerlandais The Fool. Ce design fut intégré au livret de la réédition du 20e anniversaire et on le retrouve aujourd’hui sur les pages collées à l’intérieur de la couverture rigide du livre accompagnant la réédition 50e anniversaire. Ce duo d’artistes, Marijke Koger et Simon Posthuma, avaient aussi créé un dessin pour l’intérieur de la pochette mais celui-ci a finalement a été abandonné. Ils créeront plus tard l’illustration psychédélique qui couvrira, pour quelques mois seulement, les trois étages de l’édifice abritant la Boutique Apple sur Baker Street à Londres

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