La Lézarde, roman d’Édouard Glissant, reçoit le Prix Renaudot le 1er décembre 1958
Le Renaudot, l’envol
En 1958, le début de la carrière littéraire de Glissant connaît un tournant : en novembre, l’écrivain alors âgé de trente ans, reçoit le Prix Renaudot pour son premier roman, La Lézarde, publié au Seuil (le Goncourt est attribué à Francis Walder pour Saint-Germain ou la négociation). Ce récit parfois déconcertant par son style poétisé, de la trajectoire d’un groupe de jeunes anticolonialistes martiniquais, enchante la critique par son élan tout particulier. La modernité de la narration, tout comme le propos lui-même, laissent entrevoir à certains l’envol d’une figure essentielle des années qui s’annoncent, et des luttes de la décolonisation qui se profilent et se sont déjà amorcées.
Parmi les commentaires que suscite le roman, on note également cette volonté d’une fidélité à un lieu, dans toutes ses dimensions socio-historiques propres, qui transcende même toute tentation de généralisation ou d’idéalisation. Pour le grand public, un romancier est né, et pour les connaisseurs qui ont déjà lu le jeune poète, l’œuvre s’enrichit.
La réception critique de La Lézarde ne fait pas l’économie des débats à la fois littéraires et idéologiques qui font la toile de fond de ces années (l’engagement, l’anticolonialisme), mais l’essentiel demeure le salut général à un propos singulier et à un style novateur – tel qu’en atteste ce commentaire de Jacques Chessex :
« Depuis quelque trois ou quatre ans, Edouard Glissant s’est révélé comme l’une des voies les plus essentielles de la nouvelle poésie française. (…) La Lézarde n’est pas qu’un très beau livre. En le publiant, Edouard Glissant, poète, prend place parmi le petit nombre d’écrivains qui depuis quelques années transforment le roman, remettant en question ses formes, ses structures profondes et la notion même de roman. (…) Glissant a fait de La Lézarde une très belle épopée, un poème qui est en même temps un récit très précis, méthodique et un chant solaire. » (La Gazette de Lausanne, 19-30 nov. 1958).
Le prix Théophraste Renaudot, plus couramment appelé prix Renaudot, est un prix littéraire qui a été créé en 1926 par dix journalistes et critiques littéraires, attendant les résultats de la délibération du jury du prix Goncourt.
Le premier jury se composait de Raymond de Nys, Marcel Espiau, Georges Le Fèvre, Noël Sabord, Georges Martin, Odette Pannetier, Henri Guilac, Gaston Picard, Pierre Demartre, et Georges Charensol. Ceux-ci ont écrit une biographie de Renaudot en dix chapitres, dans laquelle chaque chapitre a été confié à un auteur différent. Elle a été publiée en 1929 chez Gallimard : La Vie de Théophraste Renaudot, par ********** (collection Vie des hommes illustres). Sans être organiquement lié à l’Académie Goncourt, le jury du Renaudot joue le rôle de son complément naturel, accentué par l’annonce du résultat, simultanément et dans le même cadre (premier mardi de novembre au restaurant Drouant à Paris).
Outre le prix principal, le jury décerne chaque année depuis 2003 un Prix Renaudot de l’essai et depuis 2009 un Prix Renaudot du livre de poche. Il existe également depuis 1992 un Prix Renaudot des lycéens.
La Lézarde d’ Edouard Glissant
Dans une île tropicale, de jeunes révolutionnaires décident de tuer l’homme chargé de réprimer les soulèvements populaires. Leur premier acte de liberté est un meurtre.
La Lézarde, rivière qui unit les montagnes secrètes à l’océan, accompagne, dans sa traversée, les étapes dramatiques que vivent Mathieu, Thaël et leurs amis, leur montrant le chemin du monde.
Prix Renaudot 1958, ce livre exceptionnel témoigne de l’émergence de la parole antillaise et de la genèse d’un langage.
« Une histoire vaut par ce qu’elle apprend, et par ce qu’elle fait connaître, les pays, les autres choses différemment arrangées, et puis la couleur de la terre natale, ho… » dit un conteur dans La Lézarde. C’est précisément ce que met en exergue cet ouvrage qui interroge les enjeux du roman sans jamais perdre de vue sa littérarité. Il montre comment Édouard Glissant, à travers le récit d’apprentissage d’un groupe de jeunes gens au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, écrit le roman d’une genèse, celle d’un peuple et d’un langage.