Condamnation de Cheikou Cissé à la peine de déportation perpétuelle par le conseil de guerre de Dakar le 18 avril 1918.
Cheikou Cissé (Chorboze, 1890 – Nouméa, 1933) est un tirailleur sénégalais, né dans le Niger actuel (Soudan français en 1918) et mort au bagne en Nouvelle-Calédonie, ayant été condamné à une peine de déportation en 1918. Cissé a été le dernier bagnard de Nouvelle-Calédonie, les autres ayant été transférés en Guyane française.
Biographie
En octobre 1914, il est recruté dans le 4e régiment de tirailleurs sénégalais et participe à la Première Guerre mondiale. Blessé au Maroc et aux Dardanelles, il est rapatrié au Sénégal en 1917. Les autorités le contraignent à y rester, malgré ses demandes de rejoindre sa famille au Soudan français (actuel Mali). Il est arrêté le 17 octobre 1917 à Dakar pour « complot contre la sûreté de l’État » et « excitation à la guerre civile ». Le 18 avril 1918, il est condamné à la déportation à perpétuité, en Nouvelle-Calédonie, par le conseil de guerre de Dakar.
Cheikou Cissé devient alors l’objet d’une campagne visant à sa libération, organisée par la gauche, les associations anticolonialistes, le Secours rouge international1 et le député André Marty (membre du Comité central du Parti communiste français). Le ministre de la Guerre Paul Painlevé, membre de la Ligue des droits de l’homme, rejette par une lettre du 17 décembre 1925 la requête en grâce formulée par André Marty.
En 1932, le Secours rouge international nomme comme présidents d’honneurs Cheikou Cissé, Gorki et Heywood. À l’été 1933, le numéro 1 de la revue Le Cri des nègres (juillet-août 1933) titre: « Cheikou Cissé est mort ». Le 4 octobre 1933, L’Humanité lui consacre un article, rappelant son parcours et s’interrogeant sur son décès.
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» Aux tirailleurs sénégalais morts pour la France
Voici le Soleil
Qui fait tendre la poitrine des vierges
Qui fait sourire sur les bancs verts les vieillards
Qui réveillerait les morts sous une terre maternelle.
J’entends le bruit des canons –- est-ce d’Irun ?
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu.
Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.
On promet cinq cent mille de vos enfants à la gloire des futurs morts, on les remercie d’avance futurs mort obscurs
Die Schwarze schande !
Écoutez-moi, Tirailleurs sénégalais, dans la solitude de la terre noire et de la mort
Dans votre solitude sans yeux sans oreilles, plus que dans ma peau sombre au fond de la Province
Sans même la chaleur de vos camarades couchés tout contre vous, comme jadis dans la tranchée jadis dans les palabres du village
Écoutez-moi, Tirailleurs à la peau noire, bien que sans oreilles et sans yeux dans votre triple enceinte de nuit.
Nous n’avons pas loué de pleureuses, pas même les larmes de vos femmes anciennes
Elles ne se rappellent que vos grands coups de colère, préférant l’ardeur des vivants.
Les plaintes des pleureuses trop claires
Trop vite asséchées les joues de vos femmes, comme en saison sèches les torrents du Fouta
Les larmes les plus chaudes trop claires et trop vite bues au coin des lèvres oublieuses.
Nous vous apportons, écoutez-nous, nous qui épelions vos noms dans les mois que vous mouriez
Nous, dans ces jours de peur sans mémoire, vous apportons l’amitié de vos camarades d’âge.
Ah ! Puissé-je un jour d’une voix couleur de braise, puissé-je chanter
L’amitié des camarades fervente comme des entrailles et délicate, forte comme des tendons.
Écoutez-nous, Morts étendus dans l’eau au profond des plaines du Nord et de l’Est.
Recevez ce sol rouge, sous le soleil d’été ce sol rougi du sang des blanches hosties
Recevez le salut de vos camarades noirs, Tirailleurs sénégalais
MORTS POUR LA RÉPUBLIQUE ! «
Léopold Sédar Senghor, Tours, 1938.