L’éphéméride du 16 février

Dernier concert de Frédéric Chopin à Paris le 16 février 1848.

Frédéric François Chopin (né sous le nom polonais : Fryderyk Franciszek Chopin, parfois polonisé Szopen; au xixe siècle, la graphie Szopę a été utilisée en Pologne en concurrence avec la graphie Chopin) est un compositeur et pianiste virtuose d’ascendance franco-polonaise, né en 1810 à Żelazowa Wola, sur le territoire du duché de Varsovie (actuellement en Pologne), et mort en 1849 à Paris.

Issu du côté de son père d’une famille lorraine originaire de Marainville-sur-Madon, après sa formation au Conservatoire de Varsovie et un début de carrière en Pologne et à Vienne, il choisit d’émigrer en France où il développe son inspiration dans l’effervescence du monde pianistique parisien et dans le souvenir de sa patrie meurtrie. Il y rencontre George Sand, qui sera sa compagne pendant neuf ans.

Reconnu comme l’un des plus grands compositeurs de musique de la période romantique, Frédéric Chopin est aussi l’un des plus célèbres pianistes du xixe siècle. Sa musique est encore aujourd’hui l’une des plus jouées et demeure un passage indispensable à la compréhension du répertoire pianistique universel. Avec Franz Liszt, il est le père de la technique moderne de son instrument et influence toute une lignée de compositeurs tels que Gabriel Fauré, Claude Debussy, Maurice Ravel, Alexandre Scriabine, Sergueï Rachmaninov, ou Olivier Messiaen.

Identité de Chopin
Frédéric Chopin est né le 1er mars 1810 à Żelazowa Wola en Pologne, à l’époque sur le territoire du duché de Varsovie.

Contexte historique de sa vie
Duché de Lorraine et Pologne au xviiie siècle
En 1725, le roi de France Louis XV épouse Marie Leszczynska, fille de Stanislas Leszczynski, ex-roi de Pologne de 1704 à 1709, qui vit chichement en Alsace d’une pension que lui accorde la France. À l’issue de la guerre de Succession de Pologne, Stanislas vaincu reçoit à titre viager les duchés de Lorraine et de Bar que le souverain légitime échange contre la Toscane avant d’être élu empereur. Stanislas meurt en 1766 ; c’est seulement à ce moment que Lorraine et Barrois deviennent français, peu avant qu’y naisse (1771) Nicolas Chopin, le père de Frédéric, qui quitte la France pour la Pologne en 1787, comme précepteur dans une famille noble.

Pologne de 1795 à 1830

En 1795, le royaume de Pologne disparaît à la suite d’un troisième partage entre la Russie, la Prusse et l’Autriche.
Les guerres napoléoniennes permettent en 1807 le rétablissement d’un État polonaisn 1, le duché de Varsovie, dans lequel naît Frédéric en 1810. Mais la retraite de Russie entraîne son occupation par les Russes en 1813 et sa disparition en 1815, lors du congrès de Vienne : la Prusse contrôle l’Ouest (grand-duché de Posen) ; la Russie l’Est (royaume du Congrès), et le centre, avec Varsovie ; l’Autriche le Sud (Tarnopol, Wieliczka) tandis que la république de Cracovie est soumise aux trois puissances de la Sainte-Alliance.

Le royaume du Congrès, aussi appelé « royaume de Polognen », a pour souverain l’empereur de Russie (la famille Chopin est désormais ressortissante de ce royaume polonais sous contrôle russe). Le tsar Alexandre Ier lui donne une constitution relativement libérale.

Insurrection de novembre 1830 et ses conséquences
Le royaume vit avec une certaine autonomie jusqu’à l’avènement (1825) du tsar Nicolas Ier, tenant de l’absolutisme. En novembre 1830, débute une insurrection, qui est violemment réprimée et entraîne à la fin de 1831 la mise au pas de la Pologne russe (suppression de la constitution, etc.).

De nombreux membres de l’« armée polonaise » se réfugient à l’étranger ; plusieurs milliers vont jusqu’en France, où ils bénéficient d’une grande sympathie et de secours officiels. C’est dans ces circonstances tragiques que Frédéric Chopin arrive en France, sans être lui-même un réfugié de l’insurrection.

France et Europe de 1831 à 1849
Chopin vit en France essentiellement pendant la monarchie de Juillet (1830-1848), ainsi qu’au début de la Seconde République (1848-1851).

En Europe, l’année 1848 est importante, puisque des soulèvements ont lieu dans de nombreux pays, en Allemagne, en Italie, en Hongrie, etc. Le xixe siècle est en effet marqué dans toute l’Europe par le mouvement des nationalités, notamment en Pologne ; durant ces années, Chopin devient une figure importante du mouvement national polonais.

Nationalité de Chopin
Frédéric Chopin est le fils de Nicolas Chopin (1771-1844), né à Marainville-sur-Madon (actuel département des Vosges) et de la Polonaise Tekla Justyna Chopin, née Krzyżanowska (1782-1861). Venu en Pologne au service de la comtesse Skarbek, Nicolas épouse Tekla Justyna, parente et dame d’honneur de la comtesse, en 1806.

Compte tenu du fait qu’il a un père français et une mère polonaise, la question de la « nationalité » (au sens d’appartenance étatique) de Chopin a fait l’objet d’un débat parfois passionné pour déterminer son statut officiel. Mais la nationalité peut aussi être envisagée de façon moins stricte, au sens d’identité nationale (indépendamment de l’appartenance étatique).

Identité polonaise
Chopin se considérait, et était considéré par ses contemporains, comme un Polonais. Ses compatriotes parlent de lui comme du compositeur national polonais et ses amis font de même : Balzac écrit de Liszt et de Chopin : « Le Hongrois est un démon, le Polonais un ange », Liszt parle de l’« artiste polonais »
Chopin a passé les vingt premières années de sa vie en Pologne. À son époque, cet élément est suffisant pour lui assurer une identité polonaise : le fait d’avoir quitté la Pologne à l’âge de 20 ans et ne plus jamais y être retourné ne modifie pas cette donnée primordiale20. Alfred Cortot accorde une grande importance au rôle éducatif de sa mère : « l’influence exercée par l’atmosphère spécifiquement féminine du foyer familial, où jusque vers la treizième année, il vivra, selon la formule consacrée, dans les jupes de sa mère et de ses sœurs ».

Manuscrit de la « Polonaise héroïque », op. 53 (1842).
Cependant, cette identité n’est pas seulement la conséquence d’une jeunesse polonaise et d’une convention sociale. Non seulement « Chopin, en Pologne s’est construit polonais », mais le musicien revendique fréquemment son allégeance à ce pays. L’oppression russe à partir de 1831 est ressentie par le musicien, comme « la pathétique signification d’un tourment inguérissable et d’une blessure à jamais ouverte ».

Le patriotisme douloureux de Chopin se traduit dans sa musique, comme Liszt l’avait déjà remarqué : « et les plaintes de la Pologne empruntaient à ces accents je ne sais quelle poésie mystérieuse, qui pour tous ceux qui l’ont véritablement sentie, ne saurait être comparée à rien… ». Si cette dimension d’exilé du musicien sarmate, comme l’appelle Robert Schumann, fréquemment évoquée par les biographes du passé, est reprise par les musicologues contemporains, elle est néanmoins interprétée différemment. Pour Eigeldinger, elle est maintenant comprise comme une nostalgie typiquement slave, une sensibilité culturelle, qui dépasse la contingence politique. Pour Liszt, Chopin « pourra être rangé au nombre des premiers musiciens qui aient aussi individualisé en eux le sens poétique d’une nation »

La France, terre d’élection

L’identité polonaise de Chopin n’est jamais niée, et la relation entre la France et Chopin est importante. Même un nationaliste comme Lucien Rebatet, qui lui octroie la nationalité française, écrit ensuite : « Chopin lui-même se serait élevé contre cette naturalisation (française) ».

Un premier élément est l’origine française de son père, qui, en vertu des dispositions du Code civil, permet à Frédéric de bénéficier de la nationalité française. La reconnaissance du statut de Français est attestée par un passeport émis le 1er août 1835. Cette solution évitait à Chopin de demander un passeport russe, pays envahisseur de la Pologne, et contournait le statut de réfugié politique, qui aurait interdit tout espoir de retour en Pologne. Néanmoins, les véritables motivations de Chopin restent inconnues.

D’autre part, Chopin s’installe à Paris en 1831 et va y passer près de la moitié de sa vie. La ville est, à cette époque, une des capitales culturelles du monde. Il y noue ses amours et ses amitiés les plus importantes : Sand, Delacroix, Liszt ou Pleyel. Il y rencontre le tout Paris artistique : Balzac, Berlioz, Thalberg, Kalkbrenner, Érard, Heine, et aristocratique. Selon Antoine Goléa, l’univers artistique et culturel dans lequel le compositeur a produit l’essentiel de son œuvre est la France mais l’attachement de Chopin à son pays natal et l’influence de l’univers polonais restaient très fort pendant toute la période française.

Son influence est particulièrement marquée en France. Pour le musicologue Eigeldinger l’allégeance de Debussy vis-à-vis du Maître polonais est patente. Cette influence, aussi présente chez Ravel ou Fauré, ne se limite pas à la musique : « Par là le musicien anticipe le principe verlainien : « Rien de plus cher que la chanson grise / Où l’indécis au précis se joint34 ». Son impressionnisme musical se retrouve en peinture : « en vue de produire un poudroiement sonore assez analogue à certains effets de lumière, à la fois flous et précis, dans la peinture d’un Monet ».

Universalité de Chopin

Si la sensibilité de Chopin est polonaise et se traduit par la reprise de mélodies populaires, sa langue musicale est « savante », elle participe de la « grande musique » pour reprendre une expression de Delacroix. « Chopin a su, le premier, prêter une attention fascinée aux chants et danses populaires de sa Pologne natale, sans jamais en citer intégralement la moindre phrase dans sa production. À un compatriote pour lequel il improvisait à Paris et qui croyait réentendre une berceuse de son enfance, Chopin réplique : « Cette chanson, tu ne pouvais la connaître… mais seulement l’esprit qui l’anime : l’esprit d’une mélodie polonaise ! ». Sa musique est issue d’une élaboration savante de l’harmonie et du contrepoint. Elle est avant tout aristocratique et est fort loin d’une forme populaire ou folklorique. En ce sens, le langage musical de Chopin est plus universel que polonais. Néanmoins, à part l’influence du folklore du terroir qu’il a su universaliser comme nul autre, le jeune Chopin a sans doute subi celle du prince Michał Kleofas Ogiński (1765-1833), dont les 26 polonaises célèbres dans toute l’Europe de l’époque se distinguaient par l’élégance, le raffinement et la mélancolie presque mozartienne, typiques du préromantisme. À son tour, dans ses Polonaises, Chopin a su exprimer l’essence même de la « polonité » tout en lui donnant un caractère universel. C’est pourquoi Cyprian Norwid (1821-1883), le plus grand poète moderne polonais, les comparait à l’épopée grecque.

Les pères spirituels de Chopin sont nombreux, mais le musicologue Eigeldinger ne les trouve que dans le patrimoine universel et aucun n’est polonais : « Mozart était son Dieu, Séb. Bach, un des maîtres préférés recommandés à tous ses élèves ». Cette universalité des origines et de la musique de Chopin n’est pas reconnue uniquement par Eigeldinger. Cette analyse est aussi celle du poète Heine qui, dès 1837 rejoignait celle faite maintenant par la France et la Pologne : « Il n’est alors ni Polonais, ni Français, ni Allemand ; il trahit une origine bien plus haute, il descend du pays de Mozart, de Raphaël, de Goethe : sa vraie patrie est le royaume enchanté de la poésie »

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Espagne : Le Front populaire bat le Front national contre-révolutionnaire le 16 février 1936.

Le Front populaire (en espagnol : Frente Popular), était une coalition électorale et un pacte signé en janvier 1936 par plusieurs organisations de gauche, à l’initiative de Manuel Azaña dans la perspective des élections de 1936. Manuel Azaña, du Front populaire espagnol, fut élu démocratiquement en février 1936 et fut le président de la Seconde République espagnole jusqu’à 1939.

Pendant ce temps, en France, le Front populaire français gouverne.

Historique
Le Front populaire incluait le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), le syndicat UGT (Union générale des travailleurs, proche du PSOE), le PCE (Parti communiste d’Espagne), le POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) et les républicains : IR (Gauche républicaine, dirigée par Azaña) et UR (Union républicaine, dirigée par Diego Martínez Barrio). Ce pacte fut soutenu par des nationalistes galiciens et catalans (tels que l’ORGA et l’Esquerra Republicana de Catalunya) et par la CNT (Confédération nationale du travail, syndicat anarchiste).

Le Komintern préconise en 1935, en réponse à la croissance du fascisme, la formation de fronts populaires alliant les partis communistes (staliniens) avec les autres partis anti-fascistes, tels que les partis socialistes et républicains. En Espagne, c’est une coalition entre républicains de gauche et organisations ouvrières pour défendre les réformes sociales du premier gouvernement (1931-1933) de la Seconde République espagnole, et libérer les prisonniers politiques détenus depuis l’insurrection des Asturies de 1934.

Le Front populaire bat le Front national contre-révolutionnaire le 16 février 1936.

En juillet 1936, Francisco Franco et plusieurs généraux fascistes lancent un coup d’État provoquant la guerre civile espagnole (1936-1939). Le gouvernement dissout l’armée sur le territoire restée fidèle à la République. N’ayant pas d’armes, il encourage les citoyens à défendre la République. Des comités et groupes mixtes, formés spontanément par des syndicats (UGT et CNT), partis politiques (PCE, POUM) et d’autres organisations, unis contre les fascistes, parviennent à les battre dans de grandes villes comme Madrid, Barcelone, Bilbao et Valence, en plus de nombreux villages et petites villes. Sans armes et sans le soutien moral des autres démocraties européennes (non-intervention) ils perdent la guerre trois ans après.

Franco imposa une dictature pendant 40 ans, jusqu’à sa mort.

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Au Vatican, le pape François confirme la réduction à l’état laïc du cardinal Theodore McCarrick, accusé d’abus sexuels sur mineurs le 16 février 2019.

Abus sexuels sur mineurs dans l’Église catholique

 L’Église catholique fait face depuis la fin du xxe siècle à la révélation de nombreuses affaires d’abus sexuels sur mineurs commis par des prêtres, des religieux ou des laïcs en mission ecclésiale sur différents continents. Certaines de ces affaires ont été portées en justice, mais d’autres sont prescrites, souvent parce qu’elles ont été couvertes ou étouffées par la hiérarchie ecclésiastique. Le haut clergé catholique a réagi tardivement à ces sujets largement médiatisés. Les papes Benoît XVI et François ont pris la parole clairement, en présentant leurs excuses pour les dommages causés à des enfants, mais l’accumulation des révélations provoque aussi une crise de confiance à l’intérieur de l’Église catholique et le départ de fidèles. La proportion de ces affaires concernant l’Église reste toutefois difficile à évaluer.

Histoire récente
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France
Condamnation d’un évêque pour non-dénonciation en 2001
Avant les années 2000, les cas d’abus sur mineurs étaient souvent traités, d’après les témoignages des évêques eux-mêmes, dans la confidentialité. La principale mesure prise était le plus souvent un changement d’affectation du prêtre, sans que ni le risque de récidive, ni la nécessité d’une thérapie et d’une sanction pénale, soient réellement pris en compte.

Le thème de la pédophilie est abordé ouvertement, en 1998, dans un article du bulletin du secrétariat de la conférence des évêques de France. Plusieurs affaires éclatent en France à la fin des années 1990. Une dizaine de prêtres et de religieux sont ainsi mis en examen. Le cas le plus grave est celui de l’abbé Bissey, accusé, en septembre 1998, d’une douzaine de viols et agressions sur mineurs entre 1985 et 199682 et condamné, le 6 octobre 2000, à 18 ans de réclusion criminelle. Cette affaire marque un tournant, car l’évêque du diocèse de l’abbé Bissey, Mgr Pierre Pican, a aussi été mis en examen, le 24 janvier 2000, pour « non-dénonciation de crime » et « non-dénonciation d’atteinte sexuelle sur mineurs de 15 ans », et sera condamné en septembre 2001 à 3 mois de prison avec sursis. Depuis 1992, le Code pénal français, entré en vigueur le 1er mars 1994, prévoit en effet que le secret professionnel ne s’applique pas dans les situations de sévices sur mineurs de 15 ans.

Assemblée des évêques de France en 2000

Le procès annoncé de Mgr Pican entraîne une plus grande prise de conscience de la responsabilité pénale des évêques86. Ceux-ci, lors de leur assemblée annuelle à Lourdes en novembre 2000, décident d’aborder de front le problème des abus sur mineurs commis par des prêtres. Ils entendent notamment des experts leur présenter les conclusions d’un rapport de 200 pages sur la pédophilie86. Beaucoup comprennent alors qu’ils ont sous-estimé la gravité de ce problème86,87. Le 9 novembre 2000, les évêques de France publient une déclaration commune pour condamner la pédophilie. Ils reconnaissent que l’Église, comme d’autres institutions, n’est pas épargnée « par une réalité dont elle découvre toute la complexité ». Ils manifestent leur compassion et leur solidarité pour les victimes et leurs familles. Les évêques déclarent qu’ils ne peuvent rester passifs, ou couvrir des actes délictueux : « Les prêtres qui se sont rendus coupables d’actes à caractère pédophile doivent répondre de ces actes devant la justice ». Ils notent toutefois « qu’il n’est pas facile à un évêque de réunir les éléments suffisants et sûrs lui permettant de savoir si un prêtre a effectivement commis des actes à caractère pédophile »88.

À la suite de cette déclaration, les évêques de France créent un Comité consultatif en matière d’abus sexuels sur mineurs, chargé de travailler de façon interdisciplinaire sur la question des abus commis au sein des institutions ecclésiales. S’ensuivra, en 2002, une brochure intitulée Lutter contre la pédophilie, repères pour les éducateurs. Elle donne des pistes pour détecter les comportements à risque, pour saisir la justice et insiste sur la nécessité d’en finir avec la loi du silence. Tirée à 100 000 exemplaires, elle est remise à jour et rééditée en octobre 2010.

Le 4 septembre 2001, Mgr Pierre Pican est condamné à 3 mois de prison avec sursis pour non-dénonciation aux autorités des actes pédophiles commis par un prêtre S’il avait appris certains faits de façon confidentielle, d’autres informations sur l’existence de victimes avaient été obtenues par une recherche de sa part et ne relevaient pas, selon le tribunal, du secret professionnel. C’est la première condamnation pénale d’un évêque depuis la Révolution française.

Droit de perquisition dans les institutions diocésaines

En août 2001, un juge d’instruction enquêtant sur des affaires de pédophilie imputées à des religieux ordonne une perquisition dans l’officialité interdiocésaine lyonnaise. L’officialité était chargée, dans le cadre de la procédure canonique interne à l’Église, d’instruire sur les faits reprochés aux religieux. Mgr Louis-Marie Billé, archevêque de Lyon, proteste contre cette méthode qu’il juge bafouer la confidentialité nécessaire à l’instruction des procès ecclésiastiques. La chambre de l’instruction de Versailles est saisie et annule la perquisition, au motif que la recherche d’une possible preuve dans une procédure canonique diligentée par l’official, pour être utilisée dans une procédure pénale laïque, peut être considérée comme déloyale. Le 17 décembre 2002, la Cour de cassation casse l’arrêt de la chambre d’instruction, en motivant sa décision comme suit : « l’obligation imposée aux ministres du culte de garder le secret des faits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur ministère ne fait pas obstacle à ce que le juge d’instruction procède à la saisie de tous documents pouvant être utiles à la manifestation de la vérité ».

Autres affaires depuis les années 2000

En juin 2005, le père François Lefort, figure de l’humanitaire et soi-disant dénonciateur de réseaux pédophiles, est condamné à huit ans de prison par la cour d’assises des Hauts-de-Seine pour tentatives de corruption, agressions sexuelles et viols sur mineurs. Il avait clamé son innocence sans faire appel. Sorti de prison, il demanda une révision de son procès. La justice devait rendre sa décision en mars 2017 mais repoussa sa décision.

En 2008, un membre de la Communauté des Béatitudes, association catholique proche du Renouveau charismatique, est mis en cause pour de nombreuses agressions sexuelles. L’homme reconnaît les faits concernant plus de 50 enfants. Des témoignages confirment l’inaction des responsables de la communauté, lesquels en ont même exclu quatre membres ayant révélé l’affaire. Le dossier est placé sous la responsabilité de la justice et l’affaire est jugée en novembre 2011. Le frère Pierre-Étienne Albert est accusé de 38 cas d’agressions sexuelles commis sur des mineurs, d’autres faits avoués étant prescrits. Il est condamné à 5 années de prison ferme. Ce procès révèle aussi les manquements des anciens responsables de cette communauté1. Mis en cause pour « non-dénonciation d’atteintes sexuelles », ceux-ci bénéficient cependant d’un non-lieu pour prescription. Par ailleurs, l’OCRVP (Office central de la répression de la violence faite aux personnes) avait enquêté en 2008 au sujet des plaintes déposées pour manipulation mentale, mauvais traitements, abus sexuels, et suicides d’adolescents liés à la communauté des Béatitudes.

A Lyon, le père Guy Gérentet de Saluneaux est renvoyé de l’état clérical en septembre 2012 et condamné le 12 février 2016, à 81 ans, à deux ans de prison avec sursis pour agressions sexuelles sur 8 jeunes filles entre 1989 et 2000. L’archevêque de Lyon Louis-Marie Billé l’avait interdit de tout ministère public en 2001; son successeur Philippe Barbarin, contacté par une victime vers 2003, avait renouvelé cette interdiction sans alerter la justic0.

Le cardinal archevêque de Lyon Philippe Barbarin est condamné en première instance en mars 2019 pour ne pas avoir signalé à la justice les agissements pédocriminels du prêtre Bernard Preynat. À l’issue de ce jugement il donne sa démission, en mai 2016, au Pape François qui la refuse. Il se met alors en retrait du diocèse et fait appel du jugement et comparaît à partir du 28 novembre 2019.

Informé des faits de pédophilie, dès 2009, commis par Jean-François Sarramagnan, prêtre au sein du diocèse de Bayonne, l’évêque Marc Aillet a écrit au procureur le 15 avril 2016. Le prêtre était toujours en contact avec des enfants. Ainsi, il anime, le 6 février 2016, une journée diocésaine pour des élèves de 4e et 3e. De même en 2012, le prêtre célèbre une messe de rentrée dans un lycée du diocèse, en septembre 2015, il accompagne des enfants de 6e pour un voyage à Lourdes. Or Marc Aillet affirme que Jean-François Sarramagnan n’avait « pas de responsabilité directe auprès des enfants et de jeunes ».

Début juin 2017 est mis en examen pour n’avoir pas dénoncé des faits présumés d’attouchements sexuels sur mineurs l’ancien évêque d’Orléans, Mgr André Fort. Le 13 avril 2018, Olivier de Scitivaux de Greische, recteur de la basilique de Cléry-Saint-André et également aumônier de plusieurs collèges et lycées d’Orléans dans les années 2000 a été mis en examen pour agressions sexuelles sur un jeune garçonainsi que Pierre de Coye de Castelet, soupçonné d’avoir abusé en 1993 d’au moins une dizaine de garçons entre 11 et 13 ans lors d’un camp de vacances à Arthez-d’Asson, dans les Pyrénées-Atlantiques116. Le mardi 30 octobre 2018, Pierre de Castelet est jugé pour atteintes sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans par personne ayant autorité, et André Fort pour non dénonciation; celui-ci dit avoir ignoré le caractère obligatoire de la dénonciation; ses prédécesseurs entre 1981 et 2002, Mgr Picandet et Mgr Daucourt, n’avaient pas non plus transmis à la police les informations qu’ils détenaient118. André Fort échappe à l’audience pour raisons médicales; Pierre de Castelet ne nie pas les faits mais reste « impassible de bout en bout, y compris face aux larmes [des victimes] ». Le 22 novembre, André Fort et Pierre de Castelet sont respectivement condamnés à huit mois de prison avec sursis et deux ans de prison ferme (sans mandat de dépôt ni incarcération immédiate).

En mai 2018, plusieurs informations judiciaires sont ouvertes pour des soupçons d’abus sexuels et de maltraitance dans une communauté catholique traditionaliste du Pas-de-Calais122,123; six prêtres de cette communauté sont placés en garde à vue le mercredi 16 janvier 2019, mais pour des faits de violences non sexuelles.

Un jeune prêtre se suicide à l’automne 2018 à Orléans à la suite d’accusations d’agression sexuelle sur mineurs.

Jean-Marc Schoepff, un prêtre et aumônier niçois ayant été au contact de jeunes pendant plus de trente-cinq ans est mis en examen et placé en détention provisoire le 22 novembre 2018, à la suite d’une information judiciaire pour « agressions sexuelles sur mineurs par personne ayant autorité ». Une dizaine de ses victimes se sont manifestées après que l’une d’entre elles a témoigné à visage découvert mais le procureur de la République de Nice estime que les victimes pourraient être beaucoup plus nombreuses. Selon les informations du Monde, des signalements auprès de l’inspection générale et du collège dont Jean-Marc Schoepff était l’aumônier ont été ignorés. Le diocèse l’avait écarté des mineurs depuis 2017. Jean-Marc Schoepff nie les faits qui lui sont reprochés.

Régis Peyrard, un ancien prêtre aumônier de 85 ans, est condamné le 21 décembre 2018 par le tribunal correctionnel de Saint-Étienne à dix-huit mois de prison, dont six mois ferme, pour des agressions sexuelles sur un mineur dans les années 1990. Il reconnait avoir fait des dizaines de victimes mais la plupart des faits sont prescrits. Sa condamnation devrait être aménagée de façon à lui éviter la prison.

L’agression de lycéennes dans les années 1960 par le père Hubert Guiochet (1923-2011), ancien aumônier de Enghien-les-Bains, est dénoncée par les victimes cinquante ans plus tard. Des archives dévoilées à la demande des victimes en 2019 montrent que le diocèse avait été alerté.

En février 2019, les guides et scouts d’Europe et l’association diocésaine de Perpignan sont parties civiles dans le procès d’un ancien prêtre, jugé pour agressions sexuelles sur mineurs entre 2006 et 2009.

En 2019 l’ancien prêtre Jean-Marc Desperon est condamné à trois ans de prison pour avoir abusé sexuellement d’un enfant.

Un prêtre tahitien est placé sous statut de témoin assisté puis mis en examen138 à Papeete en mars 2019 pour agressions sexuelles sur mineurs ; il clame son innocence.

Mesures prises par les évêques
Depuis le début des années 2000, et en particulier depuis la mise en examen puis la condamnation de Mgr Pierre Pican pour « non-dénonciation de crime », l’Église catholique en France a réagi au problème de la pédophilie, en condamnant ces actes et en décidant des mesures pour éviter qu’ils ne se reproduisent. En octobre 2007, Mgr Albert-Marie de Monléon, évêque de Meaux, est partie civile dans le procès d’un prêtre de son diocèse accusé d’atteinte sexuelle sur un jeune garçon. Le 1er avril 2010, l’archevêque de Rouen, Mgr Jean-Charles Descubes, suspend de leurs fonctions deux prêtres de son diocèse. Comme un signal inverse envoyé aux victimes, les diocèses de Rhône-Alpes, sous l’autorité du cardinal Barbarin, écartent de ses fonctions de juge au tribunal ecclésiastique de Lyon Pierre Vignon, qui avait demandé publiquement la démission de celui-ci; le président de l’association La Parole Libérée lance une pétition pour la réintégration de Pierre Vignon. En 2018, la réunion annuelle à Lourdes des évêques de l’Église catholique met au centre des discussions le sujet des abus sexuels144. Pour la première fois, des victimes y sont invitées à témoigner (mais pas en séance plénière, les évêques n’y étant « pas prêts »), et demandent l’indemnisation des victimes par l’Église.

Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise catholique, mise en place en 2019
Le 7 novembre 2018, les évêques annoncent la création d’une commission, présidée par Jean-Marc Sauvé, qui devra « faire la lumière sur les abus sexuels commis sur mineurs ou personnes vulnérables au sens où l’entend le droit »146 d’ici « 18 mois à 2 ans »; ils proposent aussi de publier régulièrement un « rapport précis sur l’état de la lutte contre la pédophilie » et d’accompagner les prêtres pédophie.. Pour François Devaux, le président de La Parole libérée, « c’est une belle promesse »148. La commission, dont la composition est rendue publique le 7 février 2019, se veut impartiale; elle comprend vingt et un membres, dont l’historien et sociologue Philippe Portier, l’ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny Jean-Pierre Rosenczveig, la théologienne Marion Muller-Colard, l’ancien bâtonnier de Paris Jean-Marie Burguburu etc. Le patron des évêques de France Mgr Pontier demande que la parole des victimes ne soit pas négligée. La « commission Sauvé » décide de prendre en compte aussi les cas d’abus sexuel sur majeurs « dans le cadre d’une relation de hiérarchie ». Elle lance en juin 2019146, et renouvelle en septembre, un appel à témoignages en partenariat avec la fédération France Victimes jusqu’à juin 2020, et demande aux évêques et aux supérieurs de congrégations de produire un état des lieux des cas recensés dans leurs archives sur les soixante-dix dernières années.

Nombre de prêtres incarcérés en France
Selon le journal Le Monde, qui s’appuie sur des sources internes à l’Église catholique en France, une trentaine de prêtres et religieux seraient, début 2010, emprisonnés pour des faits d’abus sexuels sur mineurs et une dizaine d’autres impliqués dans une procédure en cours90. Le cardinal André Vingt-Trois confirme ces données en avril 2010, déclarant qu’une « trentaine de prêtres et de religieux purgent la peine à laquelle ils ont été condamnés, conformément à la loi ». Il demande que l’opprobre ne soit pas pour autant jeté sur « l’ensemble des vingt mille prêtres et religieux de France ». D’après une enquête plus récente, menée dans les diocèses pendant l’été 2010, il y aurait, en France, 9 prêtres emprisonnés pour des faits de pédophilie, 51 prêtres mis en examen et 45 prêtres ayant déjà accompli une peine de prison91.

Demande d’une enquête parlementaire en 2018
En septembre 2018, des personnalités demandent l’ouverture d’une enquête parlementaire sur la pédophilie dans l’église catholique française. L’hebdomadaire Témoignage chrétien lance un appel dans ce sens. À l’exception de LR, la plupart des groupes politiques à l’Assemblée y sont favorables, mais seul le groupe socialiste du Sénat demande officiellement sa création, qui est finalement jugée irrecevable par une majorité des sénateurs, ceux de la droite et du centre y étant opposés.

Source : Wikipedia