Alfred Dreyfus est emprisonné à l’Île du Diable le 12 mars 1895
Déportation et détention à l’île du Diable
Dreyfus dans sa maison à l’île du Diable, 1898 (Stéréoscopie vendue par F. Hamel, Altona-Hambourg, collection Fritz Lachmund).
Le 21 février 1895, Alfred Dreyfus est embarqué sur le Ville-de-Saint-Nazaire, qui accoste à l’île Royale le 8 mars. Gardé secrètement sur l’île Royale, il pose pied sur l’île du Diable cinq jours plus tard.
Les conditions de détention sont pénibles : il est surveillé jour et nuit par des gardiens relevés toutes les deux heures. Il a interdiction de parler à ses geôliers, qui ne peuvent à leur tour lui parler. Sa liberté de mouvement est limitée aux 200 mètres à découvert entourant la case, local de 4 m sur 4 m, où il loge. Lucie, son épouse, n’est pas autorisée à le rejoindre contrairement aux lois de 1872 et 1873 Le climat équatorial est particulièrement éprouvant, chaleur et sécheresse alternant avec des pluies torrentielles.
À partir du 14 avril 1895, le prisonnier tient son journal mais l’interrompt le 10 septembre 1896 « tellement las, tellement brisé de corps et d’âme ».
En septembre 1896, la nouvelle de son évasion, répandue par la presse britannique à l’instigation de Mathieu Dreyfus pour que son frère ne tombe pas dans l’oubli, est reprise par les journaux français mais démentie le lendemain. Néanmoins, par précaution, le ministre des Colonies, André Lebon, ordonne de faire construire une double palissade autour de sa case et de le faire mettre aux fers, la nuit, du 6 septembre au 20 octobre 1896. De jour comme de nuit, Dreyfus est consigné dans sa case.
Sa santé et son moral déclinent rapidement. Le bagnard Charles Benjamin Ullmo, qui occupe la case après Dreyfus, raconte que celui-ci disait parler aux requins et que ceux-ci venaient à l’appel. Il dort avec l’aide de calmants prescrits par le médecin des îles, écrit à sa femme, à son frère, au général de Boisdeffre, chef d’état-major des armées, au président de la République, alors que sa correspondance est inspectée minutieusement. Dans ses lettres, Dreyfus défend constamment son honneur, clame son innocence, demande la réouverture de l’enquête. Le courrier lui arrive avec deux mois de retard, certaines de ses lettres ne parviennent pas à sa femme et certaines lettres de son épouse ne lui sont pas transmises : elles sont, à partir de mars 1897, recopiées par « une main banale ». Il remplit ses cahiers du nom de sa femme et de figures géométriques[réf. nécessaire]. Tenu dans l’ignorance complète des progrès concernant son dossier, il n’essaie toutefois jamais de s’évader ou de tenter une quelconque violence à l’encontre des autorités du bagne.
« L’Affaire »
En mars 1896, le lieutenant-colonel Georges Picquart, devenu chef du service de renseignements (section de statistique) en juillet 1895, intercepte un document, le « petit bleu », qui ne laisse aucun doute sur les accointances de son auteur, le commandant Esterhazy, avec l’ambassade d’Allemagne. Il découvre par ailleurs que le dossier secret comportant des pièces couvertes par le secret militaire, communiqué au conseil de guerre pendant le délibéré, à l’insu de la défense, est vide de preuves.
L’affaire Dreyfus naît à ce moment-là, à la suite de l’acquittement du véritable traître, Ferdinand Walsin Esterhazy, au moment où Émile Zola publie « J’accuse…! » dans l’Aurore du 13 janvier 1898, une lettre adressée au président Félix Faure où il affirme que Dreyfus est innocent. L’État engage alors un très médiatisé procès en diffamation à rebondissements, au terme duquel Émile Zola est condamné au maximum de la peine. L’Affaire éclate alors au grand jour et divise les grands courants politiques de l’époque en clans « dreyfusards » et « anti-dreyfusards ».
Parmi les autres défenseurs d’Alfred Dreyfus se situe notamment l’écrivain Charles Péguy, dont la librairie Bellais, qu’il fonde en 1898 avec l’argent de son épouse, sert de quartier général aux « dreyfusards » du Quartier latin ; d’autres dreyfusistes se réunissaient ailleurs car « le dreyfusisme fut éclaté, hétérogène voire hétéroclite et eut au moins une dizaine de ces quartiers généraux : la rédaction de L’Aurore, celles des Figaro, des Droits de l’Homme, du Journal du Peuple, du Radical, de La Revue blanche, la librairie Stock, le bureau de Lucien Herr, etc. ».
Son cas, à nouveau évoqué à la Chambre des députés, provoque un scandale dans le cadre de crises ministérielles. Les « preuves » produites par le ministre de la Guerre devant la Chambre se révèlent être des faux commis par les militaires. L’auteur de ces fausses pièces, le colonel Henry, interrogé par le ministre de la Guerre Godefroy Cavaignac le 30 août 1898, reconnaît les faits. Mis en état d’arrestation, il est emprisonné au fort du Mont Valérien le jour même. Le lendemain matin, il est retrouvé mort dans sa cellule, couvert de sang, la gorge ouverte, un rasoir à la main.
Source : wikipedia