Lancement en pleine 1ère Guerre Mondiale du Canard enchaîné le 10 septembre 1915
« La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas »
Le Canard enchaîné est un hebdomadaire de la presse satirique en France paraissant le mercredi. Fondé le 10 septembre 1915 par Jeanne et Maurice Maréchal, aidés par Henri-Paul Deyvaux-Gassier, c’est l’un des plus anciens titres de la presse française actuelle, notamment le plus ancien titre de presse satirique encore actif. Depuis les années 1960, c’est aussi un journal d’enquête qui révèle nombre d’affaires scandaleuses.
Pour l’historien Laurent Martin, ce journal, très attaché à la protection des sources d’information des journalistes, représente « une forme alternative de presse qui n’a guère d’équivalents en France et dans le monde ».
Histoire
Son nom fait allusion au quotidien L’Homme libre édité par Georges Clemenceau, qui critiquait ouvertement le gouvernement lors de la Première Guerre mondiale. Il subit alors la censure de la guerre5 et son nom fut changé pour L’Homme enchaîné. S’inspirant de ce titre, les journalistes Maurice et Jeanne Maréchal, aidés par le dessinateur H.-P. Gassier, décident d’appeler leur propre journal Le Canard enchaîné, « canard » signifiant « journal » en français familier. Le premier numéro parût le 10 septembre 1915.
La première série, faite avec des moyens limités, se termine au cinquième numéro. Le journal renaît cependant le 5 juillet 1916, point de départ de la série actuelle. Le titre du journal a connu une variante : Le Canard déchaîné, du 15 octobre 1918 au 28 avril 1920.
Les deux canards de la manchette du journal (chacun dans une des oreilles du titre du journal) et les canetons qui s’ébattent dans les pages sont l’œuvre du dessinateur Henri Guilac, un des premiers collaborateurs du journal.
À la suite de l’attentat du 7 janvier 2015 contre le journal Charlie Hebdo, la rédaction du Canard enchaîné indique dans son édition du 14 janvier avoir reçu des menaces le lendemain de l’attaque. À cette occasion, le journal rend hommage à Cabu, dessinateur dans les deux journaux.
Le 25 mars 2020, durant la pandémie à coronavirus, le journal sort pour la première fois en version numérique (n° 5185) après la mesure de confinement en France, afin d’assurer le relais des diffuseurs mis en difficulté pour l’abonnement papier et la livraison dans les magasins de presse. Il est téléchargeable, gratuitement pour les abonnés et au prix de 1 euro pour les autres lecteurs, depuis le site du Canard. De ce numéro et jusqu’au n° 5191 du 6 mai 2020 (soit 7 numéros consécutifs), la pagination du journal est réduite à 4 pages.
Format de journal et prix
Le Canard enchaîné est au format « quotidien », composé de pages de 360 mm par 560 mm. Deux feuilles libres forment les huit pages de chaque numéro. L’impression est en bichromie, en noir et rouge écarlate, sur la première et la dernière page ; en monochrome noir sinon. À titre exceptionnel le 18 septembre 2013, la première page du numéro 4847 a été en trichromie (noir, rouge et jaune).
Grâce à des frais de gestion limités et stables, et étant indépendant de revenus publicitaires, ce journal est un des rares en France dont le prix n’a pas augmenté depuis 1991 (et même diminué : il était à 8 francs avant le passage à la monnaie européenne, soit 1,22 €).
En Suisse, le journal est vendu en 2017 au prix de 2,60 francs (suisses). 3 500 exemplaires sont écoulés chaque semaine en Suisse romande sans compter les lecteurs romands achetant l’hebdomadaire en France voisine. Ces derniers sont estimés à 2 000.
L’hebdomadaire est imprimé le mardi en début d’après-midi
La pandémie de Covid-19 en France a entrainé la diminution du nombre de collaborateurs actifs et le journal a été réduit temporairement à un feuillet de 4 pages.
Ligne éditoriale
Le Canard enchaîné a pour sous-titre Journal satirique paraissant le mercredi (parfois modifié, par exemple en Journal satirique paraissant exceptionnellement le mardi lorsque la publication est avancée d’un jour si le mercredi est férié), et pour slogan « La liberté de la presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas », allusion à l’inusable slogan de la pile Wonder : « La pile Wonder ne s’use que si l’on s’en sert », qui résume assez bien la ligne éditoriale de l’hebdomadaire : dénoncer tous les scandales publics (politiques, économiques, judiciaires, etc.) survenant en France mais aussi dans les autres pays. Sa devise, inventée par H.-P. Gassier en 1915, est : « Tu auras mes plumes, tu n’auras pas ma peau ». Le Canard enchaîné n’accepte pas de publicité, cherchant à éviter l’influence des annonceurs sur le contenu de ses informations dans ses colonnes. De plus, il ne cache pas l’état des finances du journal ainsi que leurs provenances, et publie son bilan financier dans le journal chaque année.
La stabilité du cadre rédactionnel du journal est l’une de ses caractéristiques.
L’hebdomadaire adhère à la charte de Munich, qui assure la protection des sources d’information des journalistes.
Les journalistes du Canard tirent leurs informations de plusieurs sources :
les sources institutionnelles (communiqués, conférences de presse…) ;
leurs collègues d’autres journaux, qui, quand ils ne peuvent publier leurs informations dans leur propre journal, peuvent les transmettre au Canard ;
leur carnet d’adresses ;
le courrier des lecteurs.
D’après la rédaction, les informations sont vérifiées et recoupées. Parmi les informateurs, seuls ceux qui sont journalistes sont rémunérés.
Du fait de ses investigations régulières touchant aux domaines politique et économique, le Canard est l’objet de nombreuses attaques en justice. Cependant, fort de ses dossiers solidement montés, vérifiés juridiquement, et de témoins, il perd rarement les procès qui lui sont intentés.
Né à gauche
Antimilitariste, on y voit communément une nette sensibilité de gauche. Certains voient en lui, dès ses origines, une gauche anarchiste, voire une droite anarchisante. Il refusera aussi le titre de journal communiste sans renoncer pour autant ni à son indépendance ni à son esprit critique . Il professe un anticléricalisme de bon aloi. Il applaudit quand la gauche arrive au pouvoir (Cartel des gauches en 1924, Front populaire en 1936, Pierre Mendès France, François Mitterrand en 1981) mais avec méfiance et circonspection. Les partis de gauche se sont toujours méfiés de lui. Maurice Thorez, dans un comité central du PCF, fustige « l’esprit blagueur du Canard qui conduit à douter de tout » ; Guy Mollet à la SFIO le poursuit lui aussi de sa vindicte.
Ni plus à gauche, ni plus à droite
Depuis toujours, Le Canard enchaîné est considéré comme un journal politiquement indépendant. Ses partisans disent que, même s’il garde une sensibilité de gauche, il n’hésite pas à dénoncer toutes les dérives des politiques quel que soit leur bord politique. Farouchement attaché à son indépendance éditoriale et à son aspect critique, le journal refuse les annonceurs. Il reste l’un des derniers journaux d’investigation en France. Il ne se réfère pas à l’AFP, contrairement à la majorité des quotidiens. Le Canard est connu pour ses scoops et n’hésite pas, d’après ses partisans, à publier les scandales quelles que soient leur nature et l’orientation politique des personnes impliquées. Ses partisans disent qu’à ce titre, il est craint, lu et informé par l’ensemble de l’échiquier politique, et n’éprouve pas plus de compassion envers une défaite d’un parti de gauche ou de droite, qui plus est si c’est un extrême. André Escaro, dessinateur du Canard enchaîné, a déclaré à cet égard : « la tendance actuelle du Canard, c’est l’objectivité. Ni gauche, ni droite ».
Bon enfant
Il est souvent sévère, parfois cruel, y compris avec ses amis. Il n’est cependant pas vindicatif. Ainsi, le capitaine Nusillard, chef de la censure de 1916 à 1918, est devenu par la suite un fidèle abonné du journal, jusqu’à sa mort à 95 ans, en 1955.
De même, le général de Gaulle une fois devenu président de la République avait pour habitude de demander ce que le « volatile » disait de lui.
Jean Egen, dans Messieurs du Canard, puis Vincent Nouzille, dans un article du Nouvel Économiste en 1993, distingueront « deux clans de journalistes historiquement opposés, les dionysiaques ou buveurs de vin (tradition du juliénas), rois de la satire, et les apolliniens ou buveurs d’eau, preux chevaliers de l’information ». Yvan Audouard dira les choses plus simplement pour employer le vocabulaire de la profession en séparant « chroniqueurs » et journalistes d’information