Le 22 août 2019 chez Caraïbéditions
Un couple de jeunes « blancs-France », inodores, incolores et sans saveur, à souhait, décide de plonger à pieds joints dans le mythe du cocotier.
Advient sans surprise ce qui doit arriver : elle cède aux charmes d’un beau rasta, il devient « blanc-gâché ». Rien de neuf sous le soleil…
Si : un auteur qui tente de sortir de l’écriture de l’habitation. Voilà une chose que nous attendions depuis longtemps, lassés que nous sommes de ces touné-viré vers le passé.
Et pourtant, nous ne retrouvons pas dans cet ouvrage le souffle qui portait L’homme au bâton ou Tambour-babel.
L’écriture est là, à fleur de page, avec toutes les qualités qui font qu’Ernest Pépin est l’un des trop rares écrivains à pouvoir être reconnu hors frontières antillaises. Mais il a, semble-t-il, voulu faire du créolisme à tout prix, et le frais débarqué futur bateau à la dérive manie avec brio la langue imagée d’un Aîné guadeloupéen.
De ce livre fourre-tout, nous sortons tour à tour un dépliant touristique, une carte géographique, un monologue canin aux revendications identitaires et sociales, une série de manifestations syndicalo-littéraires UGTGistes, des images sépia de la solidarité d’antan lontan, une timide – vraiment timide, depuis quand n’a-t-elle pas touché la déchirure de la misère ? – main tendue vers les « frères » haïtiens… En résumé, un inventaire à la Prévert d’une Guadeloupe effleurée.
Connaissant et reconnaissant les qualités d’écrivain d’Ernest Pépin, nous regrettons que les personnages n’aient pas plus de densité, que le propos ne soit pas plus défini. Quel est le réel argument de ce roman ? Ces métropolitains en déroute semblent n’être qu’un prétexte à une visite rapide et superficielle en terre de Guadeloupe.
Il semble que le mal endémique du « plaire »… du « complaire »… ait frappé Ernest Pépin dont nous attendons avec impatience de retrouver l’écriture musclée et poétique, parfois bouleversante, que nous lui connaissons. Nous attendons un roman d’Homme écrit pour des Hommes et non pour un lectorat tiède qui n’ose la critique ou pour des professeurs d’Université spécialistes des thèses sur la « créolité ».
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Derrière son apparente simplicité « L’envers du décor » est un roman très complexe qui veut rompre avec les clichés d’une Guadeloupe exotique pour faire l’éloge d’une identité guadeloupéenne assumée et partagée hors toute dimension coloniale. C’est donc une fable où l’on voit se défaire le rêve du personnage principal. Un « métropolitain » nommé Jean-Paul qui nourrit le projet de faire fonctionner un restaurant bien « français ». Hélas, il se heurte aux difficultés du réel au point de déchoir en « blanc gâché » qui se retrouve manœuvre sur le marché aux légumes de Pointe-à-Pitre. C’est là qu’il rencontre Anadine, une vieille guadeloupéenne qui non seulement le prend en pitié mais plus encore l’initie aux subtilités de la vie créole. Commence alors un véritable apprentissage des valeurs, des coutumes et de l’histoire du pays. Jean-Paul va comprendre que vit là une humanité bafouée, héritière de ses blessures, mais qui a su réinventer les armes miraculeuses de sa survie collective. Convaincu par la richesse de la diversité, il décide d’ouvrir un restaurant créole.
Roman généreux, bien servi par une écriture savoureuse, « L’Envers du décor » mérite amplement la qualification de chef-d’œuvre.
– Titre : L’envers du décor
– Collection : ROMAN-POCHE
– Format : 110 X 179 mm, 160 pages
– Auteur : Ernest Pépin
– Editeur : Caraïbéditions
– Date de sortie en librairie : 22 août 2019
– ISBN : 9782373110548
– Prix TTC Antilles-Guyane : 9,90 € (prix TTC Métropole : 8,60 €).
– Public : Tout public