L’Éducation en France face au défi des mathématiques : un constat préoccupant et des solutions en question

—Par Sarha Fauré —

La récente publication des résultats de l’enquête internationale TIMSS 2023 (Trends in International Mathematics and Science Study) dresse un portrait sombre des performances des élèves français en mathématiques et en sciences. Malgré des efforts pour enrayer la chute constatée depuis les années 1990, la France reste en queue de peloton en Europe et au sein de l’OCDE, révélant des inégalités sociales et de genre qui se creusent.

Des résultats inquiétants pour les élèves français

En mathématiques, les élèves français de CM1 affichent un score moyen de 484 points, bien en dessous de la moyenne européenne de 524 points, ce qui place la France dernière de l’Union européenne et avant-dernière au sein de l’OCDE, juste devant le Chili. En classe de 4e, le constat est similaire, avec un score de 479 points, positionnant les élèves français parmi les plus faibles. À l’opposé, des pays comme Singapour, Taïwan et la Corée du Sud continuent de dominer le classement.

En sciences, bien que les résultats soient légèrement meilleurs, la France reste parmi les moins performantes, confirmant une stagnation depuis 2019. En CM1, 15 % des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base en mathématiques, contre une moyenne européenne de seulement 7 %.

Une fracture sociale et de genre préoccupante

L’enquête met également en lumière des inégalités croissantes. En CM1, l’écart entre les élèves issus de milieux favorisés et défavorisés atteint 81 points, soit l’équivalent de deux années de scolarité. En parallèle, les disparités entre filles et garçons se sont accentuées : en mathématiques, les garçons surpassent désormais les filles de 23 points, un écart qui a presque doublé depuis 2019. Ce phénomène fait de la France un des pays les plus inégalitaires en Europe dans ce domaine.

Les causes d’un malaise structurel

Les résultats décevants des élèves français s’inscrivent dans un contexte pédagogique difficile. Les enseignants, souvent issus de filières littéraires, manquent de formation spécifique en mathématiques. En 2023, 26 % des enseignants du primaire déclaraient n’avoir suivi aucune formation en mathématiques au cours des deux dernières années, contre 15 % en 2019. Cette lacune s’accompagne d’une faible satisfaction professionnelle et d’un manque de confiance dans l’enseignement de cette discipline.

Par ailleurs, l’instabilité chronique des programmes scolaires alimente les difficultés. Les oscillations entre apprentissages répétitifs et résolutions de problèmes contribuent à une double faiblesse : une maîtrise insuffisante des nombres et une incapacité à résoudre des problèmes complexes.

Des réformes aux effets encore limités

Malgré la mise en place de plans d’action, comme celui porté par Cédric Villani en 2018, visant à former les enseignants et renforcer l’apprentissage des mathématiques, les résultats tardent à se faire sentir. Charles Torossian, co-auteur de ce plan, admet que si la baisse a été enrayée, les progrès restent modestes. L’introduction récente des fractions dès le CE1, prévue pour 2025, témoigne d’une volonté d’agir, mais ses effets devront être évalués à moyen terme.

Quels leviers pour inverser la tendance ?

Pour améliorer durablement le niveau en mathématiques et en sciences, plusieurs pistes sont envisagées :

  • Renforcer la formation des enseignants, en particulier en mathématiques, pour les rendre plus confiants et compétents.
  • Stabiliser les programmes scolaires pour offrir une continuité pédagogique et éviter les allers-retours incessants.
  • Réduire les inégalités sociales et de genre, avec des dispositifs ciblés pour les élèves en difficulté et une vigilance accrue sur les biais genrés dans l’enseignement.

Le défi est de taille. Si les résultats de TIMSS 2023 marquent une stabilisation, ils soulignent aussi l’urgence d’une réforme éducative cohérente, axée sur la formation, la pédagogie et la lutte contre les inégalités. Une mobilisation collective est indispensable pour redonner aux élèves français les clés d’une réussite mathématique et scientifique à la hauteur des ambitions nationales.