Jim Harrison, l’écrivain américain qui qualifiait son pays de « Disneyland fasciste » s’est éteint à l’âge de 78 ans, a-t-on appris dimanche 27 mars. Cet amoureux des grands espaces et des bons vins laisse une œuvre considérable : quatorze romans et dix recueils de poésie.
La mère de Jim Harrison est d’origine suédoise. Son père est agent agricole, spécialisé dans la conservation des sols. Jim Harrison naît le 11 décembre 1937 à Grayling, dans le Michigan, Etat boisé auquel il restera fidèle, y possédant par la suite un chalet isolé. Ses grands-parents sont fermiers. Jim Harrison grandit au sein d’une famille nombreuse et aimante. D’abord ouvrier agricole puis agronome-conseil, son père l’initie à la pêche et lui enseigne le nom des plantes.
Lorsqu’il a trois ans, la famille emménage dans la ville de Reed City (Michigan). Pour ses 7 ans, Jim reçoit un manuel de survie où deux jeunes Blancs apprennent à vivre dans la forêt pendant un mois, tels des Indiens. Il s’identifie à eux : ce Two Little Savages, de Thomas Seton le marque profondément, concentrant deux passions que Jim Harrison ne cessera de cultiver : la vie sauvage, à laquelle il sera attaché par les sens et par l’esprit, et les cultures autochtones, pour lesquelles il entretiendra une profonde curiosité. Elle se traduira dans son œuvre par la présence d’une multitude de personnages d’Indiens, de digressions mystiques, de dénonciations des crimes contre l’humanité qu’avaient été, pour lui, les guerres indiennes. À l’âge de huit ans, son œil gauche est accidentellement crevé au cours d’un jeu. À 16 ans, il décide de devenir écrivain « de par mes convictions romantiques et le profond ennui ressenti face au mode de vie bourgeois et middle class ». Il quitte le Michigan pour vivre la grande aventure à Boston et New York.
En 1960, à l’âge de 23 ans, il épouse Linda King. Ils ont eu deux filles, Jamie et Anna. Il obtient cette même année une licence de lettres. En 1962, son père et sa sœur Judith décèdent dans un accident d’automobile, percutés par la voiture d’un chauffard ivre. En 1965, il est engagé comme assistant d’anglais à l’Université d’État de New York à Stony Brook mais renonce rapidement à une carrière universitaire. Pour élever ses filles, il rédige des articles de journaux, des scénarios, en même temps que sont publiés ses premiers romans et ses recueils de poèmes. Grand lecteur de poésies, il est un grand admirateur du poète français René Char.
En 1967, la famille retourne dans le Michigan pour s’installer dans une ferme sur le rives du Lake Leelanau. Jim Harrison rencontre Jack Nicholson, que Thomas McGuane qui travaille à l’écriture de scénarios pour Hollywood, lui présente. Nicholson devient son ami et lui prête l’argent suffisant pour qu’il puisse nourrir sa famille tout en passant du temps à écrire. Il entretient une correspondance avec son ami Gérard Oberlé. Elle est publiée en partie dans Aventures d’un gourmand vagabond : le cuit et le cru (Raw and the Cooked : Adventures of a Roving Gourmand, 2001). Cet écrivain des grands espaces a partagé son temps entre le Michigan, le Nouveau-Mexique et le Montana.
Traduit en français d’abord par Serge Lentz, Marie-Hélène Dumas, Pierre-François Gorse et Sara Oudin, puis par Brice Matthieussent, il est publié dans vingt-trois langues à travers le monde.
La réputation de Jim Harrison, qui n’est pourtant plus à faire depuis bien longtemps, se confirme avec les publications de Une odyssée américaine (Flammarion) en 2009. Il revient en 2012 avec Grand Maître : faux roman policier, son douzième roman.
L’homme était bon vivant jusqu’à l’excès, mais il revenait toujours aux piliers de sa vie, la littérature, la vie sauvage. Dans sa maison près de Missoula (Montana), où il s’était installé après avoir quitté le Michigan, Jim Harrison possédait des peaux de serpents, des crânes de coyote ainsi que des photos de Rimbaud, de René Char et du chef indien Sitting Bull. Il était parti sur les traces du poète russe Essenine en Russie et de Rimbaud en Afrique, avait pris la route 66 jusqu’à San Francisco…