— Par Jean-Marie Nol —
Le dessous des cartes de la stratégie du président Emmanuel Macron le « Mozart » de la finance pour réformer en secret la France ?
L’étude des sciences économiques est intéressante à plusieurs égards. Elle nous aide à répondre aux questionnements soulevés par le monde de la politique dans lequel nous vivons quotidiennement, à confronter les défis pour trouver des solutions et à profiter des opportunités offertes à nous tout en étant rationnels. En fait, tout relève de l’économie dans le fonctionnement de la société, et cela bon nombre d’hommes politiques et de citoyens n’ont pas encore vraiment compris et intégré cette donnée incontournable. En France hexagonale, la situation économique et financière apparaît très compliqué comme le dénote les difficultés à voter le budget 2025, car selon le journal économique Les Échos même si la croissance économique atteint 0,3 % au troisième trimestre grâce à un « effet Jeux Olympiques », elle ne dépassera pour l’année 2024 que marginalement sa moyenne de 1,15 % sur la période 2001-2024. Or, avec une dépense publique à 57 % du PIB en 2024, soit 8,5 points de PIB de plus que la moyenne de la dépense publique de la zone euro hors France, le pays doit croître à 2 % ou 2,15 % par an pour compenser l’effet de freinage de la lourdeur administrative et créer les emplois industriels ou de service à forte valeur ajoutée qui commandent des salaires élevés.
Les Français réclament des hausses de pouvoir d’achat qui ne peuvent venir que de l’augmentation de la productivité du travail ou de la hausse de la quantité de travail fournie. La France est de plus frappée par la « maladie » du double déficit : déficit extérieur qui appauvrit le pays et déficit public gigantesque de près de 300 milliards d’euros et une dette de l’ordre de 3270 milliards d’euros finançant une dépense sociale boursouflée : 33,5 % du PIB, soit 7 points de PIB de plus que la moyenne de la dépense sociale des autres pays de la zone euro.
Tous ces éléments ont conduit dès le début Emmanuel Macron à un diagnostic tout aussi évident que violent dans sa nature et ses effets, et pour bien cerner la stratégie politique et économique du président Emmanuel Macron,il faut lire son livre écrit quand il était candidat à sa première élection présidentielle et intitulé ‘Révolution « . A ce propos, j’ai décidé de relire le livre écrit par Emmanuel Macron en 2016. Et un extrait a particulièrement retenu notre attention et je cite l’auteur : » « Depuis plus de trente ans, droite et gauche ont remplacé la croissance défaillante par de la dette publique. Ils ont octroyé des aides sans les financer et en les gageant sur les générations à venir sans rien régler des déséquilibres profonds. (…) En y consentant, nous avons commis la faute la plus grave : rompre la continuité historique en laissant à nos enfants la charge d’une dette insoutenable, faute d’avoir eu le courage d’affronter la réalité. De cette lâcheté nous sommes tous coupables. Un pays ne peut vivre durablement dans l’inertie et le mensonge. » Cinq ans et un « quoi qu’il en coûte » plus tard, la dette publique est passée de 97 % à 116 % du PIB ! »
Alors se pose de façon subliminale et surtout lancinante, la question de la stratégie politique et économique suivi par le président Emmanuel Macron, à savoir pourquoi et quand avec le concours du ministre de l’économie et des finances Bruno le Maire, le déficit et la dette ont explosé ces dernières années ?
Mais dans le même ordre d’idée, nous devons nous interroger sur le fait de savoir pourquoi Emmanuel Macron a choisi de dissoudre l’assemblée nationale, alors même que rien ne l’y obligeait politiquement en laissant au futur gouvernement des déficit et dette à gogo, à savoir un mur à plus de 100 milliards pour le gouvernement de Michel Barnier. Pour bien comprendre notre analyse de la situation, il faut savoir que la stratégie économique et politique d’Emmanuel Macron a suscité un large débat depuis son arrivée à la présidence, notamment face aux défis économiques auxquels la France fait face : une dette publique élevée, un déficit chronique et des dépenses sociales parmi les plus importantes d’Europe. Bien que les décisions économiques de son mandat aient été présentées comme des réponses aux crises et aux défis structurels du pays, un examen attentif de ses actions et de ses déclarations laisse entrevoir une stratégie plus complexe, peut-être même machiavélique, visant à réformer en profondeur le modèle social français. À travers une série de choix économiques pour la politique de l’offre, notamment en matière fiscale, Emmanuel Macron semble avoir pris la voie d’une transformation structurelle que peu avaient anticipée, sous couvert de pragmatisme et de réponse à l’urgence. Cette stratégie n’a jamais été mise à jour comme le prouve la décision de mise en place d’une commission d’enquête par l’assemblée nationale ainsi que le sénat.
Lorsqu’il publie Révolution en 2016, Macron expose son diagnostic sans concession : la France vit au-dessus de ses moyens, s’appuyant sur la dette pour compenser un manque de croissance et de compétitivité. Pour Macron, l’État-providence, tel qu’il est conçu aujourd’hui, serait un frein au développement économique du pays, un modèle insoutenable pour les finances publiques. Il condamne sans équivoque cette dynamique, l’associant à une « lâcheté collective » qui a laissé s’installer une dette écrasante, pesant sur les générations futures. Ce constat semble guider ses choix politiques et économiques une fois élu, mais la réalité des mesures prises s’avère plus nuancée, voire paradoxale. En effet, en dépit de ce diagnostic, les premières années de son mandat et surtout la réponse à la crise sanitaire et sociale ont entraîné une explosion de la dette publique, atteignant 116 % du PIB, contre 97 % lorsqu’il a pris ses fonctions. C’est plus de 1000 milliards d’euros de dettes supplémentaires depuis 2017.
Cette augmentation vertigineuse de la dette pourrait sembler en totale contradiction avec les convictions affichées de Macron, qui fustigeait le recours à l’endettement pour maintenir un modèle social coûteux. Pourtant, moi je vois ici en toute hypothèse personnellement une stratégie délibérée : par le choix de cette dette massive, Macron et son gouvernement semblaient délibérément vouloir créer une situation de crise financière dans laquelle les réformes, habituellement impopulaires, deviendraient nécessaires et inévitables. Les réformes structurelles sont toujours délicates à mener dans un pays attaché aux acquis sociaux de son modèle social et peu enclin aux sacrifices, comme le montrent les nombreux mouvements sociaux récents en réponse aux changements et réformes du gouvernement. Ainsi, en acceptant de « laisser filer » la dette de façon très légale, Emmanuel Macron, aurait encore selon nous, bien préparer le terrain pour des réformes drastiques, sous la pression des impératifs budgétaires de l’union européenne et financiers des marchés financiers.
À cet égard, le déficit public constitue une autre facette de cette stratégie. En juin dernier, la France a été placée sous la procédure pour déficit excessif par la Commission européenne, une situation qui n’est pas nouvelle, mais qui pourrait cette fois avoir des conséquences bien plus lourdes. Cette mise en garde européenne accentue encore le besoin de réduire les dépenses, de réformer le modèle social et de trouver des recettes supplémentaires. Selon les économistes, le gouvernement devra économiser 110 milliards d’euros au cours des prochaines années, un effort sans précédent qui nécessitera inévitablement des ajustements profonds. Le plan suggéré par le Cepremap, consistant en une réduction progressive et répartie sur sept ans, pourrait offrir une opportunité au gouvernement de justifier des réformes de grande ampleur, rendues « inévitables » par la situation d’endettement du pays.
Face à cette nécessité de réduction des dépenses, les choix budgétaires d’Emmanuel Macron, qui demeure quoiqu’il en soit le véritable maître des horloges, prennent un relief particulier. L’augmentation de la dépense publique à 57 % du PIB, soit 8,5 points de plus que la moyenne de la zone euro, tout en maintenant une croissance faible de 0,3 % à 1,15 %, apparaît comme un cocktail de stagnation économique et de lourdeur administrative, que certains interprètent comme une stratégie visant à montrer les limites du modèle français actuel. De même, les dépenses sociales représentent 33,5 % du PIB, un niveau bien supérieur à celui de la plupart des pays européens. Cette « maladie du double déficit », un déficit public et un déficit extérieur qui affaiblissent le pays, est d’autant plus préoccupante qu’elle met en lumière un modèle social jugé insoutenable sans croissance économique forte, ce que Emmanuel Macron avait déjà mis en avant dans son ouvrage. Ces choix budgétaires semblent ainsi délibérés, servant à révéler les faiblesses du modèle social actuel et à rendre une transformation nécessaire aux yeux des citoyens et des institutions européennes.
Toutefois, cette stratégie comporte des risques sociaux et politiques majeurs pour les Antilles. La demande croissante des Guadeloupéens et Martiniquais pour une amélioration du pouvoir d’achat, l’augmentation de la productivité et des emplois de qualité répond à une réalité quotidienne difficile, accentuée par la crise de la vie chère et les inégalités sociales, mais dans le contexte actuel de crise,cet aspect des choses semble quasiment insurmontable à réaliser en raison de la rigueur imputable à la réduction de la dépense publique. En dépit de ses choix budgétaires rigoureux, le premier ministre Michel Barnier fait aujourd’hui face à une contestation sociale larvée qui pourrait se révéler à terme explosive notamment pour ce qui concerne les Antilles, car la majorité des Français n’est pas prête à renoncer aux acquis sociaux qui structurent le modèle social français. Le risque d’une fracture sociale est élevé, notamment si le modèle d’État-providence est affaibli sans que des solutions alternatives crédibles soient proposées. En effet, toute réduction des aides sociales ou réforme des retraites pourrait exacerber la colère des classes populaires et moyennes, creusant davantage le fossé entre les citoyens et le pouvoir.
Mais pour Emmanuel Macron, cette impopularité du gouvernement de Michel Barnier semble être le prix à payer pour une refonte de l’économie française, jugée nécessaire pour maintenir la compétitivité dans un monde globalisé. Il est prêt à faire des choix délibérément difficiles, à s’attaquer aux tabous politiques comme une nouvelle réforme des retraites ou de l’assurance chômage, quitte à voir sa popularité décliner. À travers ces choix, Emmanuel Macron souhaite affirmer son pragmatisme et sa vision d’une France moderne ( la startup nation), capable de s’adapter aux mutations économiques et sociales imposées par la mondialisation, la robotisation, l’essor technologique de l’intelligence artificielle et la transition énergétique ainsi qu’écologique.
En somme, la stratégie de Emmanuel Macron dès l’origine repose sur un calcul subtil : s’il parvient à mener ces réformes à bien, il aura transformé la France en profondeur, la rendant plus résiliente et plus compétitive. Mais cette stratégie repose également sur un pari risqué, car elle pourrait aussi laisser derrière elle une société divisée et fragilisée, marquée par des inégalités et une défiance accrue envers l’État et ses institutions. Reste à savoir si le président qualifié en son temps de Mozart de la finance, même avec une réflexion prospective partagée par le premier ministre Michel Barnier, parviendra à concilier sa vision d’une France rénovée avec la réalité sociale d’un pays attaché à son modèle et peu enclin aux sacrifices, ou si cette stratégie laissera un bilan économique et social difficile à assumer pour les prochains gouvernements à venir. En foi de quoi, j’espère de nouveau parvenir à faire nos acteurs économiques et politiques méditer sur la citation suivante de jean Monnet : – Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise.
« Asiré pa pétèt ! »
Traduction littérale : Sûr, pas peut-être !
Moralité : Il y a une différence entre ce qui est sûr, et ce qui n’est pas certain pour cause de hasard et stratégie secrete.
Jean-Marie Nol, économiste et juriste