— Par Florent Grabin, président de l’association écologique PUMA —
Économie circulaire. Voici un concept qui devrait faire émerger une croissance économique durable.
En effet, dans le contexte des pressions exponentielles qu’exercent la production et la consommation sur les ressources et l’environnement de la planète, le modèle économique linéaire « extraire-fabriquer-jeter » utilisé essentiellement à ce jour, montre ses limites.
Le concept d’économie circulaire est utilisé dans le langage régulièrement par certains, lors de leur très nombreuses interventions publiques.
Cependant, au-delà du discours, nous observons sur le terrain des pratiques inadaptées à la construction de notre Martinique. Les technocrates pondent des marchés selon les normes. On y met de l’insertion sans réfléchir, parce que c’est dans les textes et la morale politique, pas d’analyse de provenances des matériaux par exemple, car c’est au libre choix de l’entreprise qui doit respecter un faisceau de normes et de contraintes du Cahier de clauses administratives particulières (CCAP) et du Cahier des clauses techniques particulières (CCTP). Puis d’une procédure d’agrément du Maître d’ouvrage, qui se borne à un contrôle, plus juridique que technique « proprio sensu » si l’on ne note pas de défaillances par rapport aux exigences. .. Sauf si des emmerdeurs s’en mêlent et qu’on ne peut balayer leurs observations d’un revers de main. Prenons le cas de tout ce qui englobe le déblai. De nombreux terrassiers déversent à travers champs des milliers de mètres cubes de matériaux. Et, lorsque nous posons la question sur ce mode opératoire, il nous est répondu qu’il n’y a pas de lieu prévu à cet effet. Nombreuses sont les collectivités qui, pour diverses raisons, ne réagissent pas ; alors qu’elles ont pour obligation d’exiger la traçabilité de ces opérations d’évacuation des matériaux de déblai.
Quant aux rivières, le maintien d’un écoulement hydraulique suffisant dans leurs embouchures par une opération de « faucardage » n’est pas régulièrement assuré pour dégager les alluvions et autres matériaux exportés par les eaux. Aussi, pour éviter une fermeture écologique du milieu, une gestion maîtrisée de la végétation du site s’avère indispensable. Cette logique a permis, durant des années, à toute une économie de fonctionner.
S’agissant de tout ce qui provient de la déconstruction dans le BTP, ce sont des milliers de tonnes de matériaux traités pour recyclage, qui ne sont pas utilisées dans les remblais, particulièrement au sein des marchés publics.
Aussi, de nombreux projets sont en cours de réalisation ou à l’étude. Mais, les clauses particulières pour l’utilisation et la valorisation de ces matériaux et autres sous-produits des carrières y sont absentes.
L’exemple de l’extension du port
Nous pensons que nos donneurs d’ordres n’ont ni la fibre écologique, ni la pratique de l’économie circulaire. L’exemple le plus criant est celui de l’extension du Grand port de Fort-de-France, dont le corps de remblai représente 35 000 tonnes ; précisons que ce dernier est actuellement composé que d’andésite. Malheureusement, c’est de la bonne roche qui est enfouie dans la mer, donnant un remblai en masse, moins fermé, ce qui est moins bon, plus lourd et résiste moins au séisme.
Partisans de la construction de l’extension du port, nous avions préconisé une variante avec du remblai de roche et autres sous-produits. Après différentes péripéties et troubles publics, l’opération a été validée avec la retenue de notre variante. N’oublions pas que ce chantier important a connu la fronde de nombreux intellectuels qui, sans connaître le dossier d’exécution, ont tout tenté pour arrêter cette opération au seul motif qu’il ne fallait pas fouiller dans la plaque de corail. Nous, PUMA avons été les seuls à répondre à l’invitation du promoteur. Et, dès le départ, nous avons fait remarquer que la mise en oeuvre des prévisions telles qu’annoncées n’était pas la plus efficace des solutions. Quoi de plus curieux que ce silence assourdissant de notre ingénierie, du monde du BTP et de nos intellectuels ? Ceux-là même qui avaient promis leur très grande vigilance et qui, par leur calme plat, permettent à l’entreprise mandataire de se faire un remblai et autre chose en or. À ce propos, avec ce volume de roche, dont une partie provient de la seule carrière qui permet de réaliser le bitume, on peut aussi construire plus de 800 logements HLM.
Alors, nous sollicitons tous nos décideurs quant à l’urgence d’imposer l’arrêt immédiat de ce fonctionnement très préjudiciable à la Martinique. Oui, il est possible d’associer harmonieusement de la roche et les sous-produits des carrières ; le tout, avec même du sable produit par l’erreur manifeste de la construction du port de Grand-Rivière et les alluvions de l’embouchure de la Lézarde.
Constamment, nous assistons à l’obsession de certains, arguant d’être les hommes de l’Art, de persister dans l’erreur. Ne rien faire, ne rien dire, c’est maintenir la Culture de la bêtise durable. Cette posture nous oblige, Pour Une Martinique Autrement de tout mettre en oeuvre pour faire vivre l’économie circulaire.
Florent Grabin, président de l’association écologique PUMA