— Par Jean Gabard —
Des méthodes pédagogiques ont été considérablement améliorées et elles continuent d´être perfectionnées pour rendre plus intéressants et plus efficaces les apprentissages. L´élève, de milieu aisé ou défavorisé, devenu le centre du système scolaire, est pourtant de moins en moins motivé et l´échec scolaire, loin de diminuer, s´accroît.
Le système scolaire aura toujours besoin d’être amélioré mais la multiplication des réformes a aussi des effets pernicieux. Des débats enflammés sur le sujet, il en ressort souvent que l’Ecole reste beaucoup trop inadaptée et qu’elle a des difficultés à trouver les solutions pour faire réussir les élèves. Ces derniers, qui ne sont pas toujours inattentifs, trouvent alors de bonnes raisons de ne pas être motivés et ainsi d’hésiter à faire l´effort de travailler.
Comment, d´ailleurs, les élèves d’aujourd’hui pourraient-ils avoir envie d´écouter des maîtres (le mot « maître » lui-même est devenu tabou) quand ce qu´ils entendent dans les médias, dans la famille et même parfois dans la bouche de responsables de l´Education Nationale, va souvent dans le sens d´une critique des établissements et des enseignants qui ne seraient jamais assez bienveillants, assez justes, assez compétents, assez modernes… Ces élèves sont confrontés à une injonction paradoxale totalement perverse: on leur demande de s’intéresser aux cours d’un enseignant auquel très peu de personnes sont prêtes à accorder du crédit. S’ils ne l’écoutent pas, les parents leur reprochent de ne pas obtenir les résultats scolaires tant attendus et s’ils l’écoutent, ils ont la honte de suivre un adulte qui ne le mériterait pas. Ainsi, alors que les méthodes traditionnelles traumatisantes ont pu être accusées d’occasionner des névroses, il se pourrait que la société dite moderne soit très déstabilisante et risque de favoriser les psychoses!
Parce que la fonction éducative, qui devrait être une fonction symbolique de père, a été détournée en autoritarisme pendant des siècles, des « pédagogues », des «éducateurs», dans la réaction, « jettent le bébé avec l´eau du bain » et donnent l´impression de prendre le rôle d´une mère qui viendrait écouter l´enfant et le défendre, en lui donnant raison contre le «père». En insistant sur la bienveillance jusqu’à ne devenir que maternant, ils contribuent à saper le peu d’autorité que pouvait conserver l’enseignant.
L´évanouissement de la fonction symbolique de « père » a pourtant une responsabilité certaine dans la crise de l’autorité que traverse notre société. Quand le père symbolique est absent et que le petit enfant se retrouve avec une mère qu’il ne peut concevoir que toute-puissante, celui-ci a, en effet, des difficultés à intégrer la loi. Comment pourrait-il assumer facilement des limites, venant d’une personne qu’il perçoit comme une déesse n’en ayant aucune?
Sans repère ces enfants deviennent souvent des enfants-rois, difficiles à gérer en famille et en société et incapables, à l´école, de respecter les règles de l’Ecole(la discipline, l’écriture, l´orthographe, la grammaire, le calcul…) indispensables pour pouvoir apprendre.
S´il n´est pas question de les faire revenir à des méthodes peu performantes et inhumaines, est-ce en les maintenant dans un cocon fusionnel et en continuant à en faire des enfants «hors la loi», qu´ils apprendront à devenir des citoyens adultes, responsables, capables de faire vivre la démocratie ?
Jean GABARD, Ex-enseignant, auteur de:
«Le féminisme et ses dérives – Rendre un père à l’enfant-roi»
Les Editions de Paris Max Chaleil, 2006 réédité en 2011
«Materner ou éduquer? – Refonder l’école»
Les Editions de Paris Max Chaleil, 2016