— Par Marie Delcas —
Plus que jamais, les plus radicaux des chavistes rêvent d’un grand soir vénézuélien, fait de nationalisations, contrôles et arrestations. Pour leur plus grande satisfaction, jeudi 5 février, deux directeurs de la chaîne de pharmacies Farmatodo ont été arrêtés, accusés de » boycott et déstabilisation de l’économie « . Quatre jours plus tôt, les 167 succursales de l’entreprise avaient été occupées par la police. La force publique a également investi, lundi, les 36 magasins de la chaîne de supermarchés Dia a Dia.
Pas sûr que cela règle ce qui est devenu l’un des premiers problèmes du Venezuela : des problèmes d’approvisionnement. Promenez-vous à Caracas. Et vous verrez partout… des queues. Des files d’attente pour acheter de la farine de maïs ou des couches de bébé. Pour un litre de lait. Ou du shampoing. Les Vénézuéliens font la queue, parlent des queues et, toutes tendances politiques confondues, râlent contre les queues. Elles durent depuis des mois. Et cela empire.
Comment un pays immensément riche en pétrole en est-il arrivé là ? Détenteur des plus grandes réserves mondiales de brut, le Venezuela importe plus de 70 % de ce qu’il consomme. Or, le baril de brut a perdu plus de 60 % de valeur en six mois. Mais, selon l’économiste Victor Alvarez, » la dégringolade des prix du brut a aggravé la crise. Mais elle n’en est pas la cause « .
Tous les indicateurs étaient au rouge avant le contre-choc pétrolier. L’inflation annuelle dépasse 64 % selon la banque centrale, 120 % selon les opérateurs privés. Réajusté au 1er février, pour la quatrième fois en un an, le salaire minimum est désormais de 5 622 bolivars, soit 900 dollars au taux de change préférentiel (792 euros). Et 32 à celui du marché noir. Hors des magasins d’Etat, les produits sont vendus au prix cher…
Les mauvaises nouvelles s’accumulent pour le président Nicolas Maduro. Deux récents rapports (l’un de la Commission économique pour l’Amérique latine, l’autre produit par trois universités privées vénézuéliennes) confirment que la pauvreté est repartie à la hausse et touche 30,1 % de la population. Elle a plus augmenté au pays de la révolution bolivarienne (+ 6,7 % en 2013) que dans les pays voisins. La lutte contre la pauvreté a été le fer de lance, et la fierté, d’Hugo Chavez (1998-2013).
» La risée du continent «
» Nous sommes en train de devenir la risée du continent « , a déclaré Jorge Giordani, qui fut bras droit d’Hugo Chavez en matière économique et ministre de la planification jusqu’à juin 2014, à la presse. A l’entrée de l’hypermarché Bicentenario, dans le centre de Caracas, trois policiers refoulent les journalistes trop curieux. » Vous êtes là pour dire du mal de la révolution « , s’excuse l’un d’eux. Il est interdit de prendre des photos des files d’attente. Et des rayons. Ils ne sont pas vides, mais ils sont tristes. Une seule marque de chaque produit est offerte, quand produit il y a. Un arrivage provoque bousculades et empoignades….
Lire la suite dans Le Monde des 08 et 09 février 2015