— Par Danielle Laport, sociologue —
Les débats sur les législatives dans les médias ont débuté. Dans sa définition générique, le député participe au travail législatif et au contrôle du gouvernement. Le travail législatif est important afin de faire évoluer positivement les dimensions sociétales et réduire les déséquilibres. Aussi, pourrait-on légitimement s’attendre à une présentation systématique du bilan des députés afin d’apprécier l’impact de leur travail, dans l’intérêt des Martiniquais, pour l’amélioration de notre vivre ensemble en Martinique. Cet exercice est quasi-inexistant ! Pourtant, il participe à l’éveil des consciences. En empruntant les voies de la clarification traçant « ce qui est » et « ce qui est fait », les citoyens pourront alors choisir en connaissance de cause. Car, les Martiniquais sont encore nombreux à s’interroger sur l’action des députés.
« Ce qui est »
Une analyse comparative sur le travail effectif des députés a été réalisée par le magazine Capital à partir du travail de compilation des données du collectif Regards citoyens. 6 critères jugés représentatifs du travail d’un député ont été retenus : le nombre de rapports rédigés, d’amendements proposés, de présences en commission, d’interventions dans l’hémicycle, de propositions de loi écrites et de questions orales posées aux membres du gouvernement. Par ailleurs, pour bien tenir compte de l’exigence de l’analyse comparée, le magazine Capital retient les députés qui ont effectué un mandat complet depuis l’élection législative de 2012. Ils sont 504 sur 577. C’est donc sur la base des 504 députés qu’un classement des députés est opéré.
Comment donc se comportent les députés de Martinique face au travail exigé dans le cadre du mandat confié par les Martiniquais ?
Cette mise en perspective de la réalité permet de noter que tout en assurant la présidence du Conseil Régional, Serge Letchimy a assumé activement son mandat de député ; ce qui le place en tête des députés de Martinique. En outre, si on jette un regard sur le travail des députés de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Réunion, on constate que Serge Letchimy (Martinique) occupe également la première place des députés d’Outre-mer. En effet, les députés de la Guadeloupe se situent entre la 400ème et la 502ème place ; les députés de la Guyane entre la 196ème et la 330ème place ; et les députés de la Réunion entre la 205ème et la 458ème place.
« Quelle est la réalité martiniquaise des 6 critères identifiés traduisant l’effort et l’implication au travail des députés ?»
Sur 47 mois d’activité parlementaire, nos députés ont consacré :
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Letchimy : 69 semaines
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Marie-Jeanne : 46 semaines
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Azérot : 38 semaines
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Nilor : 50 semaines.
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« Quel est le sens de ces critères ? »
Ces 6 critères ne sont pas d’égale valeur dans le travail du député si l’on tient compte de l’intensité et de l’effort au travail. En effet, les rapports rédigés et les amendements proposés exigent un travail de réflexion, de recherche plus long, plus approfondi et soutenu ; ce qui conduit d’ailleurs le magazine Capital à leur donner un coefficient double. C’est dire leur importance dans l’activité d’un député ! La volonté de modifier la situation en Martinique se traduit alors, pour les députés, par leur mobilisation et présence en commission pour défendre et se battre pour leurs rapports rédigés et amendements proposés en vue de faciliter leur adoption par l’Assemblée ; car c’est au niveau des commissions que 90 % du travail s’effectuent. Or, pour 3 députés on note moins de 50 présences en commission.
Peu de propositions de lois ont été concrétisées. Cependant, il convient de noter que celle proposée par Serge Letchimy a abouti. Il s’agit de la loi relative aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer. Une autre proposition de loi initiée par Serge Letchimy mais identifiée sous l’appellation du chef de groupe Bruno Le Roux (comme le prévoit le nouveau règlement) a été concrétisée ; il s’agit de la loi sur la diplomatie territoriale et la coopération régionale Caraïbe et Amérique Latine.
Concernant les questions orales, on peut les assimiler à un exercice de style de 2 minutes en présence des médias ; questions qui ne changent guère le cours des choses.
« Aperçu de ce qui est fait » ou « Se battre pour le mieux-être des Martiniquais »
Si on parcourt 20 amendements proposés récemment par nos députés, on note pour :
-Letchimy : 12 amendements adoptés sur 20.
-Marie-Jeanne : 5 amendements adoptés sur 20
-Azérot : 2 amendements adoptés sur 20
-Nilor : 5 amendements adoptés sur 20.
Il est à souligner que Marie-Jeanne, Azérot et Nilor portent les mêmes amendements ; ces derniers ne sont donc pas cumulatifs.
Le décryptage des rapports rédigés est également instructif. 2 députés n’ont déposé aucun rapport. Alfred Marie-Jeanne en a déposé 5 dont 4 portent sur les différentes lois de finances (2013, 2014, 2015, 2016) et 1 sur la suppression du mot race dans la législation. Serge Letchimy a déposé 10 rapports. 5 rapports portent sur les différentes lois de finances (2013, 2014, 2015, 2016, 2017) et 5 autres rapports concernent les thématiques suivantes : l’égalité réelle (amélioration des petites retraites, obtention pour les travailleurs indépendants du droit à prestations familiales, alignement du complément familial entre Martinique et Hexagone…), l’ouverture des collectivités territoriales d’outre-mer à leur environnement géographique pour rendre effective la coopération régionale grâce à la loi sur la diplomatie territoriale, les conséquences du changement climatique dans les outre-mer, la question de la transition énergétique pour la croissance verte, la prolongation de la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin.
La mise à plat de ces quelques éléments, facilement vérifiables par la population, est nécessaire pour bien comprendre la réalité de l’activité des députés, ouvrir et nourrir le débat à partir des faits et des actes, ce qui permet d’identifier les députés qui œuvrent réellement dans l’intérêt de la Martinique et des Martiniquais.