— par Laurence Aurry —
LE TOUR DU MONDE en 80 Jours, joué à guichets fermés les 6, 7 et 8 mars 2008 au Théâtre de Fort-de-France, nous a offert un vrai moment de détente.
Les auteurs, Sébastien Azzopardi et Sacha Danino, ne se sont pas contentés d’une simple adaptation de l’œuvre romanesque de Jules Verne, comme on a pu en voir au cinéma. Tout en gardant la trame narrative et les principaux personnages du récit de Verne, ils ont su faire preuve d’originalité et de créativité. Le charme du spectacle vient de ce constant décalage entre l’époque représentée, celle de Phileas Fogg, qui pense gagner son pari grâce aux nouveaux moyens de locomotion que l’ère industrielle a développés à la fin du XIXè siècle, et les nombreuses allusions à notre monde contemporain. Les multiples anachronismes qui jalonnent le texte offrent une réécriture amusée et amusante qui nous permet de voyager à travers notre propre époque ou plutôt à travers les représentations que nous nous faisons encore du monde. C’est un tour du monde des caricatures et des clichés, des images toutes faites dans lesquelles nous enfermons volontiers l’Autre. Du marchand de tapis égyptien, docteur en négoce, au sage chinois, qui ne s’exprime qu’en proverbes, en passant par le cow-boy américain, expert du crachat et de la gâchette, sans oublier le valet typiquement franchouillard et le maître imperturbablement british se dessine ainsi une galerie de portraits incontournables.
Avec le petit théâtre de planches que représente la scène et qui constitue donc un théâtre dans le théâtre, le metteur en scène nous invite à ne pas prendre au sérieux ces différents tableaux, sortes de sketches de café théâtre ou de saynètes de la commedia dell’arte mais en même temps il nous tend un miroir déformant de nos propres préjugés. Le rythme endiablé de l’action ne nous laisse aucun répit. Les cinq acteurs enchaînent avec une grande virtuosité 39 personnages différents et ceci quelquefois en l’espace de quelques minutes.
Dans cette pièce, le propos est bien de faire rire, fidèle en ce sens au principe de Molière, pour qui il n’y pas de vraie comédie sans franche gaîté. Ici tous les moyens sont mis au service de cet objectif : des situations cocasses, une gestuelle comique, des plaisanteries grivoises, certes plus ou moins faciles, de nombreuses blagues et clins d’œil que l’enchaînement rapide ne nous laisse malheureusement pas toujours le temps d’apprécier… Bref, une comédie que l’on souhaiterait revoir.
Sans prétention littéraire, mais avec beaucoup de légèreté, de générosité et d’originalité, elle a le mérite de nous divertir et de nous donner du plaisir. C’est un spectacle vivant et enjoué comme on aimerait en recevoir ou en concevoir plus souvent en Martinique.
10 mars 2008