— Par Jean-Marie Nol, économiste —
La nouvelle science de la neuro-psychogénéalogie explore les liens entre les expériences passées de nos ancêtres et leur impact sur notre actuelle santé mentale, émotionnelle et comportementale. Dans le contexte des Antilles, notamment en Guadeloupe et en Martinique, où l’histoire est marquée par des événements traumatisants tels que l’extermination des Indiens Caraïbes, l’abomination du système esclavagiste et la dépossession de la personnalité du colonisé du fait de la colonisation, plusieurs raisons peuvent pousser à rechercher un lien de nature économique et anthropologique avec cette discipline de la neuro-psychogénéalogie.
Nous sommes bien en présence d’une transmission intergénérationnelle du trauma dixit Frantz Fanon. La ligne de crête dangereusement précaire des non dits qui a longtemps forgé un relatif équilibre de la personnalité des membres de communautés aux Antilles est en fait une véritable bombe à retardement qui serait corrélée avec la crise économique en suspens pour les prochaines années. Aborder aujourd’hui les relations de l’individu et de la société, du point de vue sociologique, c’est entrer dans le domaine économique,car c’est bien l’économie qui façonne la configuration sociale de la société antillaise et les mentalités ainsi que les personnalités des individus. Les traumatismes historiques peuvent avoir un impact durable sur les générations suivantes à travers des mécanismes conscients ou encore inconscients de transmission intergénérationnelle pouvant à tout moment attiser le ressentiment des uns contre les autres, d’où le boom actuel des recherches généalogiques à partir des tests ADN. Mais attention à ces velléités généalogiques, car nous serions en toute vraisemblance en présence d’une bombe à fragmentation de la société antillaise. La question identitaire et le communautarisme en Martinique, notamment chez les Békés, qui sont les Blancs créoles descendants d’esclavagistes, comportent plusieurs dangers potentiels dont une perpétuation des inégalités sociales pouvant déboucher sur des actes de violence intramuros.
Le maintien de l’identité racialiste et du pouvoir économique des Békés peut contribuer à la perpétuation des inégalités économiques et sociales dans la société Martiniquaise et Guadeloupéenne. Cela peut créer des tensions et des frustrations au sein des autres groupes ethniques et sociaux de l’île. Le déséquilibre économique et l’injustice foncière qui découlent de la colonisation ont pour conséquence une fragmentation sociale et surtout à terme sociétale. Ainsi, le communautarisme békés peut entraîner une fragmentation de la société martiniquaise, mais aussi une fracture avec d’autres groupes se regroupant autour de leurs identités ethniques ou culturelles au détriment d’un sentiment d’unité locale voire également au plan national. Cela peut affaiblir la cohésion sociale et compromettre le développement harmonieux de la société à l’ère de l’intelligence artificielle et de la mutation sociologique de la France hexagonale. La forte présence continue des Békés au sein de l’économie en tant que descendants d’esclavagistes peut raviver et surtout exacerber des tensions historiques et des traumatismes liés à l’esclavage. Cela peut créer des divisions profondes au sein de la société antillaise et entraver le processus de réconciliation et de guérison collective. Lorsque les communautés se replient sur leurs identités ethniques ou culturelles, cela peut entraver les efforts visant à promouvoir l’égalité des chances et le progrès social pour tous les citoyens guadeloupéens et martiniquais.
Les politiques et les initiatives visant à résoudre les problèmes sociaux comme l’émergence d’un nouveau modèle économique peuvent être contestées ou rejetées au nom de la préservation de l’identité communautaire. En foi de quoi, le danger de la question identitaire et du communautarisme en Guadeloupe et surtout en Martinique réside dans le risque de division sociale, de stagnation du progrès économique et de résurgence de tensions historiques, ce qui peut compromettre la cohésion sociale et le développement harmonieux des deux îles. Et tout ce questionnement ressort de l’œuvre poétique de Saint-John Perse qui est souvent considérée comme difficile à comprendre en raison de sa complexité linguistique, de son style abstrait et de ses images symboliques. Son utilisation de la langue est très riche et métaphorique, ce qui peut rendre la compréhension difficile pour certains lecteurs non avertis de la biographie d’Alexis Léger alias Saint john Perse. De plus, il explore des thèmes universels de manière très personnelle, ce qui peut également ajouter une dimension de mystère à ses écrits. Il existe en effet des théories et des récits qui suggèrent que les ancêtres de Saint-John Perse étaient des Irlandais déportés en tant qu’esclaves en Guadeloupe au 17ème siècle, appelés les « Irois ». Cette histoire a été largement discutée et est souvent citée comme un élément du mystère entourant la poésie et les œuvres littéraires de Saint-John Perse.Cependant, il convient de noter que cette théorie est controversée et qu’il n’existe pas de preuves solides pour la confirmer de manière concluante.
Les historiens débattent encore de l’ampleur de la déportation d’Irlandais en tant qu’esclaves aux Caraïbes notamment à la Barbade, Antigua, Montserrat et Guadeloupe pendant cette période, et il y a des opinions divergentes sur la question.En résumé, bien que cette histoire contribue à l’aura mystérieuse entourant la vie de Saint-John Perse, sa véracité reste sujette à débat et nécessite une exploration plus approfondie par les historiens et les chercheurs en généalogie. Quant au « secret inavouable » qui transpire beaucoup dans l’œuvre de ce grand poète, il est difficile de spéculer sans une connaissance approfondie de sa vie et de son œuvre. La raison pour laquelle Saint-John Perse, prix Nobel de littérature, n’est jamais retourné dans son pays natal, la Guadeloupe, depuis son départ très jeune pour la France en 1899, peut être due à plusieurs facteurs. Mais, il est possible qu’il ait eu des raisons personnelles ou familiales qui l’ont empêché de retourner en Guadeloupe. En fin de compte, les motivations exactes de son choix de ne pas retourner dans son pays natal restent souvent privées et peuvent être sujettes à spéculation comme des ascendants esclaves irlandais les Irois. Le mystère qui entoure sa vie ainsi que la signification de son pseudo anglophone et qui imprègne son œuvre littéraire a été très longtemps une énigme pour les historiens et critiques littéraires, et il est possible que cela réside dans la nature intime et profonde de son inspiration poétique, ainsi que dans la façon dont il a pu traduire ces expériences personnelles en un langage poétique universellement captivant. Dans le même ordre d’idée, l’on peut relever une similitude inverse de l’aliénation individuelle qui plonge dans l’imaginaire coloniale au coeur de l’œuvre de Maryse Condé née dans un milieu bourgeois tout comme saint John Perse. Donc la problématique que pose la neuro-psychogénéalogie de l’homme antillais n’est pas seulement d’ordre politique et identitaire, elle réside également pour l’essentiel dans l’ordre économique injuste actuel de la société antillaise.
La neuro-psychogénéalogie pourrait aider à comprendre comment ces traumatismes ont été transmis à nos concitoyens et comment ils influencent aujourd’hui le bien-être mental et émotionnel des Antillais contemporains. Avant toute chose il faut tenter de décrypter la compréhension des comportements et des schémas répétitifs dans l’organisation de la sphère économique en Guadeloupe et Martinique. Tous les derniers épisodes à connotation identitaire de l’affaire Lambert à l’affaire Pinto qui ont défrayé la chonique médiatique relèvent de l’économie et de la notion marxiste de possession du capital et non pas seulement du milieu familial. Les expériences traumatisantes vécues par les ancêtres peuvent influencer les comportements, les croyances et les schémas de pensée des individus d’aujourd’hui.
La neuro-psychogénéalogie pourrait aider à identifier ces liens et à explorer comment ils se manifestent dans la vie quotidienne. Comprendre l’impact des traumatismes historiques sur la santé mentale et émotionnelle des populations antillaises peut faciliter le processus de guérison individuelle et collective de la crise identitaire, un futur facteur de désordre social en raison du sentiment de ressentiment ainsi que de dépossession vécu comme tels par les antillais. En identifiant les racines des défis contemporains, il devient possible de mettre en place des stratégies de résilience et de guérison adaptées, mais à signaler que cela passera par le renversement de l’ordre économique établi et non comme certains le croient à tort par un changement des institutions. Et cela pourrait passer par l’affirmation de l’identité et de la culture et pour ce faire il faudrait au préalable explorer les liens entre le passé et le présent de manière à renforcer le sentiment d’identité et de connexion culturelle chez les Antillais. De même comprendre les défis et les résiliences hérités de leurs ancêtres avec l’attachement à la question foncière peut contribuer à renforcer le sentiment de fierté et de solidarité au sein de la communauté Afro descendante des Antilles.
En résumé, la neuro-psychogénéalogie offre un cadre pour explorer les liens entre l’histoire traumatique des Antilles et le bien-être mental et émotionnel contemporain, et peut jouer un rôle important dans le processus de vivre ensemble individuelle et collective en évitant un processus de disruption dommageable et une fracture irréversible de la société Antillaise.
« Sé an lanmen ka lavé lot ».
– traduction littérale : C’est une main qui lave l’autre.
– moralité : On a besoin les uns des autres./ Il faut savoir s’aider les uns les autres sans acrimonie !
Jean marie Nol économiste