Avec deux pièces, « les Afriques à Paris et à Ivry » ont un but : rénover des centres culturels à Bamako et Bangui.
Une opération de solidarité artistique avec le Mali et la Centrafrique aura lieu, avant une tournée française et européenne, au Grand Parquet et au Théâtre Antoine-Vitez d’Ivry (1). Le Théâtre de la Ville s’y associe, le 10 mars, avec un grand concert. Cela s’intitule « les Afriques à Paris et à Ivry ». À l’affiche, deux pièces de théâtre venues de deux pays meurtris, la Centrafrique et le Mali. Il s’agit de sensibiliser le public et de récolter des fonds pour aider à la reconstruction des deux centres culturels de BlonBa (Bamako) et de Linga Tere (Bangui). Songo la rencontre a été coécrit et co-mis en scène par le Centrafricain Vincent Mambachaka, directeur de l’espace Linga Tere, et le Français Richard Demarcy, à la tête du Naïf Théâtre. Richard Demarcy nous a dit : « C’est un conte universel et emblématique du patrimoine centrafricain. Deux bureaucrates bossus chargés d’annoncer la destruction de la forêt vont être initiés par des esprits… » Quant au projet, il consiste à « reconstruire l’espace, à l’équiper et à mettre sur pied une caravane culturelle qui sillonnera les villes et les villages du pays ». Vincent Mambachaka a créé l’espace Linga Tere après avoir économisé sou par sou : « Linga Tere est implanté dans un des quartiers les plus populaires. Les Sélékas ont pris les ordinateurs, les équipements techniques et ils ont cassé notre unité audiovisuelle. » « Avec Linga Tere, poursuit-il, je voulais miser sur le théâtre et éduquer les jeunes à la citoyenneté et à la réinsertion. » Rassidi Zachari, qui joue l’un des deux bossus, nous a déclaré : « Je suis musulman, ma femme est catholique. Quand les Sélékas sont rentrés chez moi, ils ont vu la photo du Christ et ont saccagé ma maison. Quant aux anti-balakas, ils ont détruit le peu qui restait parce que j’habite dans un quartier musulman ! » « Le problème chez nous, conclut-il, c’est la misère et la mal-gouvernance que la religion instrumentalise. » Côté malien, la pièce s’intitule Ala Te sunogo/Dieu ne dort pas. Elle a été écrite par Jean-Louis Sagot-Duvauroux, qui la met en scène avec Ndji Yacouba Traoré. Elle est symbolique de la situation du BlonBa, cofondé en 1998 par Alioune Ifra Ndiaye et Jean-Louis Sagot-Duvauroux. BlonBa a dû abandonner sa salle de spectacle – un des plus beaux équipements de l’Afrique de l’Ouest –, au début de la crise. Le couvre-feu a vidé la salle. Sans rentrées régulières, impossible de continuer de payer le loyer. Le spectacle joué par des comédiens et danseurs d’exception était prémonitoire puisqu’il y est question de la fermeture d’une entreprise artistique. La pièce était montrée l’an passé au Grand Parquet. Elle y revient cette année grâce au directeur François Grosjean. Pour BlonBa, retrouver une salle est une question de survie. Le terrain est trouvé. Il faut reconstruire.
(1) Du 5 mars au 5 avril, avant une tournée française et européenne d’avril à juin. Renseignements et réservations au : 01 40 05 01 50.
Muriel Steinmetz
http://www.humanite.fr/culture/le-theatre-solidaire-de-deux-pays-meurtris-560375