France Culture, le 25 avril à 20 heures, puis en podcast
— Par Marie-Valentine Chaudon —
Dissection d’une chute de neige, de Sara Stridsberg France Culture diffuse ce dimanche 25 avril cette pièce de Sara Stridsberg, mise en scène par Christophe Rauck. La radio, qui entretient une longue histoire avec le théâtre, lui ouvre en ces temps de confinement d’autres chemins vers son public.
« Je suis un roi, pas une marchandise. » Dans un royaume figé par le froid, une souveraine refuse de céder à l’injonction que sa fonction lui impose : se marier et assurer sa descendance. Dissection d’une chute de neige, de l’autrice contemporaine Sara Stridsberg, retrace la destinée de Christine de Suède. Esprit brillant, polyglotte, passionnée de lettres et de chasse, mue par une quête existentielle sans fin, elle fit venir Descartes à sa cour, où il mourut en 1650. « Elle cherche à se définir mais n’y arrive pas, commente Marie-Sophie Ferdane, qui l’incarne avec une densité polychromique dans la mise en scène de Christophe Rauck. Chaque situation la précipite dans des émotions contradictoires. Elle saute de l’une à l’autre à chaque instant. » Dans sa soif de liberté, la « Fille Roi », personnage à la profondeur extraordinaire, explore de larges champs de réflexion aux échos très actuels, comme l’identité sexuelle ou la condition des femmes. « C’est une chance de jouer un rôle aussi complexe, une figure quasi shakespearienne, comme il en existe beaucoup pour les hommes et encore si peu pour les femmes, poursuit Marie-Sophie Ferdane. On ne raconte pas si souvent la vie d’une femme au théâtre ! »
Seule une poignée de privilégiés ont pu assister à la création du spectacle, en mars dernier, à huis clos, au Théâtre du Nord à Lille. En attendant l’accalmie de l’épidémie et la réouverture des salles, cette magnifique pièce est à découvrir sur les ondes de France Culture ce dimanche. Depuis fin octobre 2020, la station multiplie les captations et adaptations de pièces. « Notre engagement permet aux spectacles d’avoir une vie, même s’ils ne peuvent être montrés au public, commente Blandine Masson, directrice de la fiction sur France Culture. De nouveaux ponts se créent, notamment avec des compagnies en région. C’est très enthousiasmant : avec ces productions, nous tirons le meilleur de cette période difficile. » Pour la radio publique, ces enregistrements marquent une forme de retour aux sources. « Le théâtre fait partie de notre histoire. Heureusement, ce lien ne s’est jamais rompu, mais ces dernières années nous nous sommes plutôt tournés vers des écritures plus spécifiques au format radio », indique Blandine Masson, qui vient de publier un ouvrage sur cet art passionnant de « mettre en ondes » (1). Rendre accessibles par le son des œuvres conçues pour la scène, faisant donc appel à la mobilisation de plusieurs sens, semble une gageure. Dans le cas de Dissection d’une chute de neige, le public va appréhender par la seule ouïe un spectacle à la scénographie particulièrement visuelle. « Il faut faire confiance au texte, assure Blandine Masson. Le langage produit des images personnelles et chacun peut se faire son cinéma intérieur. Cette approche par l’oreille, majoritairement individuelle, est très différente de l’expérience de la salle où les spectateurs vibrent ensemble. C’est une relation intime, mystérieuse, qui se dessine entre le monde de l’auditeur et l’histoire qui l’emporte. »
Maître d’œuvre de cette magie, le réalisateur Baptiste Guiton a dû opérer des ajustements, faisant par exemple disparaître l’élément principal du décor – une grande boîte, dont les déplacements et l’acoustique auraient brouillé l’écoute. « Il était impossible de faire comprendre à l’auditeur à quoi cela correspondait, donc nous l’avons gommé, indique-t-il. Mais par le son, nous avons essayé de rétablir des effets de dedans/dehors. Notre mission est de faire entendre le plus fidèlement possible les intentions du metteur en scène. » Un travail de fourmi étroitement mené avec Christophe Rauck ainsi qu’avec Xavier Jacquot, le créateur sonore du spectacle. L’équipe de France Culture, composée du réalisateur, d’un assistant et de trois techniciens, a enregistré deux représentations devant un public restreint et demandé aux acteurs des raccords effectués en silence et sans mouvement. « Nous avions 16 entrées sonores, détaille Baptiste Guiton. Nous avons utilisé les micros haute fréquence dont sont équipés les comédiens pour la pièce, mais leur spectre n’est pas suffisamment large. Nous avons rajouté des micros dans les cintres, en nez de scène et disséminés sur le plateau, pour donner plus de profondeur aux acteurs. Nous voulions faire entendre leurs corps en jeu et capter l’air du plateau.» Cinq jours de montage et de mixage ont ensuite été nécessaires pour affiner le grain des voix, harmoniser l’ensemble. Et ouvrir en grand les portes de l’imaginaire.
Marie-Valentine Chaudon
France Culture, le 25 avril à 20 heures, puis en podcast
(1) Mettre en ondes, Actes Sud-Papiers, 210 p., 18 €
Source : La Croix.com