— Par Barbara Jean-Élie —
Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes centrée sur le consentement, féminisation de l’équipe du président des États-Unis, la parole des femmes doit porter de plus en plus haut.
La voix des femmes s’est fait entendre ces dernières années, parce qu’elles sont de plus en plus nombreuses à la suite de la campagne #metoo, à dénoncer publiquement les abus dont elles sont victimes dans les lieux où s’exerce le pouvoir masculin.
Les mécanismes de la domination masculine, que Pierre Bourdieu a analysés sont encore à l’œuvre, en dépit du droit de dire que les femmes arrachent parfois dans la douleur, ou de ce que la loi finit par leur consentir à force de mobilisation.
Long cheminement, long effort, long processus qui accouche dans nos démocraties de lois tardives qui reconnaissent aux femmes leurs droits, leur place… au moins à l’égal des hommes.
Olympe de Gouges n’a pas réussi à imposer la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne en 1791, puisque les droits de l’homme étaient consacrés comme universels en 1789 par la Révolution française !
Quand le suffrage devenait « universel » en 1848, il ne concernait là encore que les hommes. Et il fallut attendre quasiment un siècle, pour que les femmes en France accèdent au droit de vote en 1944. Devenu principe constitutionnel depuis 1946, l’égalité se fait attendre.
La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a inscrit le principe de parité en matière d’accès aux mandats électoraux et fonctions électives.
Mais cela ne suffit pas, la loi du 4 août 2014 veut imposer l’égalité réelle dans tous les domaines.
1789…2014 !… 225 ans… La France n’est pas la moins engagée dans ce combat. Heureusement.
Mais au-delà des droits reconnus et acquis de haute lutte, il y a la pratique. Celle qui consacre par exemple une écrasante domination des hommes aux postes politiques ou administratifs. Du Président de la République, à celui de l’Assemblée Nationale, du Sénat, du Conseil d’État, du Conseil Constitutionnel au niveau national, ou plus près de nous, à la Collectivité Territoriale de Martinique, qu’il s’agisse de son exécutif ou de son assemblée : des hommes.
Bien sûr, les listes étant paritaires, les femmes y sont représentées…à parité.
Il faut aussi rendre hommage aux parlementaires, sénatrice et députées martiniquaises qui, soit au suffrage universel direct ou par les grands électeurs, ont été élues. De même, convient-il de saluer l’élection de 4 femmes (un progrès par rapport au scrutin précédent) à la dernière élection municipale des 15 mars et 28 juin 2020. 4 femmes pour 34 communes ce n’est certes pas beaucoup, mais c’est mieux qu’avant.
Dans ce contexte, l’annonce de la composition de l’équipe du prochain président des États-Unis, Joe Biden est une bonne nouvelle ! À côté de sa vice-présidente, Kamala Harris, le nouveau président a choisi de s’entourer de six femmes compétentes parfois issues des minorités pour gérer sa communication, tandis que Janet Yellen, l’ancienne présidente de la réserve fédérale a été nommée secrétaire au Trésor. Neera Tanden, Cecilia Rouse, Heather Boushey, font encore partie de l’équipe « économique » du nouveau président américain.
Les femmes ont le devoir de prendre la parole
Les femmes ont non seulement leur mot à dire mais elles ont l’obligation de le faire, quand elles sont les premières concernées par les mesures prises ou non prises par les politiques.
En Martinique, les femmes sont plus touchées par les difficultés de la vie.
Pourtant plus scolarisées que les hommes, elles subissent plus que les hommes le déclassement, et les emplois partiels, elles occupent moins souvent un poste en CDI que les hommes, et le taux d’emploi des martiniquaises en CDI est l’un des plus faibles de France (source INSEE).
La précarité et les inégalités les concernent particulièrement, tout comme les discriminations en matière de mobilité, sans parler bien entendu des violences et des abus qui les affectent parce qu’elles sont des femmes.
La vision d’une femme est différente de celle d’un homme en politique parce que le vécu des femmes est différent.
Elles ne sont pas meilleures ou pires, elles peuvent proposer une approche différente.
Elles peuvent avoir une vision particulière en matière d’éducation, de culture, d’entreprise, d’économie, de transport, d’environnement, d’aménagement du territoire, de communication.
Leur expérience est précieuse au fonctionnement de notre démocratie.
Elles doivent faire entendre leur voix à l’occasion du scrutin capital qui se déroulera en juin 2021 pour renouveler les instances de la Collectivité Territoriale de Martinique.
Elles doivent voter, ne pas s’abstenir. S’engager.
Elles doivent dire ce qu’elles attendent de cette élection pour elles, pour leurs familles, pour leurs filles et pour leurs fils.
Matinino, l’île des femmes : c’est ainsi, dit-on, que les Arawaks appelaient la Martinique. Aujourd’hui, les femmes constituent près de 54% de la population de notre île.
Il est grand temps de dire par un engagement massif que le temps des femmes est arrivé et qu’elles ne veulent plus subir mais agir sur le présent pour changer l’avenir.
Alors, bien qu’elles soient moins abstentionnistes que les hommes (8 points de plus selon l’Insee), leur participation aux élections devrait être encore plus importante en 2021, comme électrices ou comme têtes de listes.
Barbara Jean-Élie