Intervention à la demande des enseignants du L.P. Dumas Jean-Joseph Jeudi 09 Février 2017
— Par Robert Saé —
En premier lieu, je voudrais vous parler de la manière dont le texte du discours de William (ou Willy) LYNCH nous est parvenu. C’est un ami rasta qui, Il y a plus d’une vingtaine d’années, me l’a porté. Son épouse qui est d’origine anglophone, l’avait découvert alors qu’elle faisait des recherches dans une bibliothèque londonienne. Elle l’avait traduit et ramené en Martinique avec l’intention de le vulgariser.
A cette époque, je l’ai lu et commenté à plusieurs occasions dans une émission que j’animais en radio. L’objectif était surtout de dénoncer l’application du fameux principe « diviser pour régner ». Nous avons aussi entrepris de diffuser le texte auprès des contacts que nous avions à l’extérieur du pays et nous avons pu observer qu’il a été largement propagé.
A la même période, j’effectuais une recherche, en m’appuyant sur les éclairages théoriques de Frantz FANON, pour tenter de comprendre les contradictions comportementales qu’on pouvait observer dans notre société. Chez une même personne : alternance de l’amour et de la haine envers de mêmes individus, violence circulaire cohabitant avec une extrême générosité ; autodénigrement systématique et, contradictoirement, culture du paraître, volonté de supplanter ses pairs et, en même temps, refus viscéral de la « pwofitasyion», etc. Vous conviendrez avec moi que ces comportements ambivalents sont très largement répandus dans notre communauté. (Si nous osons une introspection, nous réaliserons, peut-être, que nous pouvons être personnellement concernés.)
Privilégiant une approche psychologique, les investigations ont permis que nous nous écartions du terrain strictement politique et de la seule dénonciation de la perversité de l’oppresseur, pour parler du « SYNDROME DE LYNCH ». Avec ces mots, nous voulions désigner ce qui relevait d’une forme très spécifique de l’aliénation qui gangrène notre communauté.
Un syndrome, rappelons-le, c’est l’ensemble de symptômes caractérisant une maladie. Alors, pourquoi parler de syndrome et de quelle maladie s’agit-il précisément? Nous avons dit qu’il s’agit d’une forme d’aliénation. Pour éviter toute ambigüité, il faut préciser ce que nous mettons derrière ce terme.
En Psychiatrie, l’aliénation recouvre les «Troubles psychiques sérieux, rendant problématique la vie en société. Lorsque s’installent avec persistance des dysfonctionnements psychiques sérieux : perte de contact avec le réel et autrui, vision altérée de l’environnement, incohérence, impossibilité de contrôler ses actes, on peut parler d’aliénation mentale. » (Cf. Bordas). Plusieurs des comportements sur lesquels nous nous pencherons sont concernés par cette définition. Hâtons nous de dire que notre réflexion ne doit pas être altérée par la connotation péjorative du mot aliénation ou par le regard généralement irrationnel porté sur la maladie mentale. D’autre part, en parlant de « syndrome de Lynch », nous ne saurions suggérer que notre communauté serait un regroupement d’aliénés. Il est question pour nous de reconnaitre certains blocages psychiques qui font obstacle à notre plein épanouissement individuel et collectif. A cet égard, il est intéressant de noter que le vocabulaire anglais distingue «insanity » (folie, trouble mental important) de « aliénation » (asservissement ou frustration d’un individu suite à des contraintes extérieures).
Frantz Fanon a exposé de façon particulièrement lumineuse les symptômes liés à l’asservissement des peuples colonisés*. En essayant de tenir compte de ses enseignements et en observant plus particulièrement la société martiniquaise, nous avons pu noter des caractéristiques qui sont propres à notre communauté.
Ne percevons-nous pas tous au sein de celle-ci ces réalités que sont : une hyper sensibilité, une méfiance facile ou, au contraire, une confiance irraisonnée, un rapport ambigu à la possession « pa menyen bagay bétjé-a », tendance à l’accumulation, une crainte exacerbée de l’abandon, une propension à sombrer dans l’anxiété. Tout cela à des degrés divers, bien sûr, car, comme en cas d’attaque d’un virus, l’environnement et l’état de la personne touchée entrent en ligne de compte pour déterminer l’intensité de l’affection.
Ce qui est paradoxal, c’est que tous les traumatismes psychiques que nous avons cités cohabitent, presque toujours, avec une formidable capacité d’adaptation et un très grand pragmatisme. Ce que, dans le langage courant, hélas avec une connotation injustement péjorative, traduisent les termes « Konpè lapen» ou « débrouyia ».
C’est donc toute cette réalité là que nous englobons dans le syndrome de Lynch.
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Nous parlions plus haut de « cibler des blocages psychiques qui font obstacle à notre plein épanouissement individuel et collectif», c’est évidemment avec l’objectif de surmonter ceux-ci. Nous ne saurions y parvenir sans distinguer précisément les causes qui sont à la source de cette forme d’aliénation.
Même si, les circonstances, nous ont conduits à adopter la dénomination « syndrome de Lynch », nous considérons que la propagation du virus idéologique – en particulier la « méthode » élaborée par l’esclavagiste LYNCH – n’est qu’un facteur aggravant de la maladie, la cause première résidant dans la situation même de la personne esclavagisée. Le maintien en servitude, les violences physiques et, surtout, la négation de son humanité entrainant forcément des conflits internes et des troubles psychiques. (On peut établir le parallèle avec les troubles persistants affectant les personnes ayant subi la torture.)
Quand nous disons que le syndrome de lynch gangrène encore notre société, certains, faisant valoir que l’esclavage relève d’un passé lointain et révolu, rétorquent qu’il s’agit la d’une affirmation « idéologique» à visée politique. Qu’en est-il vraiment ?
La question a été traitée dans le cadre du colloque organisé en octobre 2016 par le professeur Charles Nicolas sur le thème : « L’esclavage : quel impact sur la psychologie des populations? ». Je vous renvoie à l’article de Roland SABRA sur le site « madinin-art » qui en présente un compte-rendu dont je vous livre un extrait :
« Ariane Giacobino, généticienne s’est appliquée à expliquer comment un traumatisme psychique s’inscrit sur l’ADN et comment cette inscription se transmettait de façon épigénétique. Le patrimoine génétique n’est pas modifié mais l’expression du gène est soit stimulée soit inhibée. L’épigénome est donc sensible à l’âge, à l’environnement et donc aux traumas. Les travaux d’Ariane Giacobino montrent que les modifications épigénétiques se transmettent sur trois générations, tant du côté des descendants des esclaves que du coté des fils et filles d’esclavagistes. Les modifications de l’épigénome sont réversibles, reste à penser les articulations possibles avec la notion de résilience. »
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Mais, au-delà des séquelles liées au passé, il faut insister sur la permanence des conditions génératrices de la maladie.
A ce stade de notre exposé, nous tenons à préciser que c’est l’ensemble de notre communauté, et pas seulement les populations esclavagisées ou leurs descendants, qui est concernée par le syndrome de Lynch. Un regard lucide sur l’évolution de la société martiniquaise pendant et après la période esclavagiste peut en attester. Chez nous, comme dans tous les autres territoires colonisés, pendant plus de trois siècles de domination directe, les institutions, les religions, l’école et les médias ont été instrumentalisés pour prôner l’idée de la supériorité de la «race blanche.» La civilisation occidentale a été présentée comme l’idéal à atteindre, pendant que toutes les autres étaient caricaturées, diabolisées et dénigrées. Les élites ont été éduquées avec l’idée que les conceptions occidentales en matière d’organisation et de fonctionnement de la société, en particulier sur les plans politique et économique, étaient incontournables.
C’est sur l’ensemble de la population qu’a pesé cette chape idéologique et la même logique prévaut encore en dépit de la disparition des empires coloniaux.
Comment serait-il possible que notre imaginaire ne soit pas déformé quand
– premièrement, dans l’environnement médiatique « l’autre » est non seulement omniprésent mais surtout hégémonique. C’est particulièrement le cas dans les représentations servies par la pieuvre télévisuelle,
– deuxièmement, la hiérarchisation raciale reste visible dans l’organisation sociale. L’encadrement dans l’administration et dans le privé en est une parfaite illustration.
– troisièmement, l’idée se maintient et s’exprime régulièrement que notre survie dépend de l’autre. La population s’entend dire quotidiennement qu’elle sombrerait dans la misère sans les aides sociales venant de l’extérieur et que, sans « l’autre », aucun développement économique n’est possible.
– quatrièmement, la vulgarisation de supports racistes n’a jamais vraiment cessé ; Le livre « Contes et légendes des Antilles » de Thérèse Georgel qui justifie la hiérarchisation raciste se trouve encore dans la bibliothèque de certaines écoles. Ceux de ma génération ont pu entendre chanter dans les colonies de vacances que les assassins de 6 jeunes filles à Paris étaient « noirs comme du cirage » ou Gérad Lavigny entonner sur l’ORTF que « nèg ni mové mannyiè ». Les manuels scolaires enseignent toujours que « l’Afrique est un continent pauvre » et que c’est l’Europe qui a inventé démocratie et liberté, pendant que de hauts dirigeants politiques déclarent que les Africains ne sont pas entrés dans l’histoire.
Pour faire le lien avec la question de l’aliénation, rappelons ici, que l’étymologie du mot aliénation nous ramène au latin “alienus” qui désigne “l’étranger” ou ce “qui appartient à un autre”.
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A ce stade où nous pensons avoir établi la réalité du syndrome de Lynch, il nous semble important d’en présenter les conséquences
On ne peut douter que la psyché* en soit impactée. (*ensemble des phénomènes psychiques qui forment l’unité personnelle d’un individu)
Consciemment ou inconsciemment, beaucoup s’évaluent par rapport aux canons de la beauté physique tels que promus par l’occident (couleur de la peau, grain du cheveu, forme du nez et des lèvres), mais aussi par rapport à ses codes vestimentaires ou ses pratiques culturelles. La perception que la personne a d’elle-même s’en trouve biaisée.
Plus on se sera rapproché du modèle, plus on se sentira valorisé. Mais plus on se sera écarté de ce qu’on est vraiment et plus on sera psychologiquement fragilisé. L’estime de soi est profondément affectée et cette situation donne facilement prise au mal-être, voire à des troubles psychiques plus ou moins graves.
Au-delà de ses effets sur les individus et du fait de sa nature endémique, le syndrome de Lynch a aussi un impact déstructurant sur l’ensemble de notre société : Il a des incidences négatives quant à la cohésion sociale et il est facteur de mal-développement.
A propos des dommages constatables sur le plan social, voilà un exemple significatif :
L’une des explications au caractère très souvent conflictuel des relations au sein des couples et, plus généralement, dans les familles, réside dans le fait que les comportements attendus pour manifester l’amour en leur sein sont inspirés par la culture occidentale mais sont le plus souvent en déphasage avec ceux qui avaient cour dans nos cultures ancestrales.
Un deuxième exemple peut être pris dans le secteur de l’enseignement où, nous en sommes convaincus, le niveau record atteints par ce qu’on qualifie d’ «échec scolaire » a pour principale explication la permanence d’un système générant le syndrome de Lynch et non pas le fait que les parents auraient « démissionné» ou que les élèves «ne respecteraient plus rien».
Quant aux conséquences en matière de mal-développement, on imagine aisément l’impact ravageur que peut avoir sur l’économie une forme d’aliénation qui conduit la majorité à consommer des produits exogènes (Y compris culturels) ne correspondant pas vraiment à ses besoins et à son environnement. Cela, dans une société où les injustices liées à l’embauche, à la rémunération et aux conditions de travail ne permettent pas l’utilisation des compétences locales et entrainent une démotivation dans le travail. On peut également évoquer l’importance des dépenses publiques, dans le domaine de la santé, qui relèvent de situations provoquées par les troubles psychiques et le mal être.
Une telle situation rend particulièrement difficile la recherche de réponses collectives au problème du développement endogène de notre pays.
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Nous abordons la dernière partie de l’exposé. Il nous avait été demandé de parler du « syndrome de lynch » cela nous a contraint à aborder des sujets quelques peu déprimants, mais notre réalité fort heureusement n’est pas que celle-là !
Que ce soit pendant la période esclavagiste ou encore dans celle qu’il a vécu jusqu’à aujourd’hui, le peuple martiniquais, comme tous les autres peuples a fait preuve d’une formidable capacité de résistance ; dans notre pays, comme dans tous les autres, les hommes et les femmes ont prouvé une spectaculaire aptitude à la résilience.
A cet égard, je ne résiste pas à l’envie de citer Silyane LARCHER qui, dans son ouvrage « L’autre citoyen », que je vous invite tout particulièrement à découvrir, nous rapportait ceci :
« Loin de coïncider avec l’image, certes romantique, mais réductrice et trompeuse du marron, la lutte des esclaves contre la domination prend donc plutôt le contenu d’une connaissance fine et astucieuse des règles de leur société. Elle s’exprime à travers leur maîtrise dans l’art de les contourner, par la négociation, la stratégie, voire l’adaptation, en vue de se ménager un espace relatif d’autonomie personnelle et ainsi rendre plus supportable le quotidien. Surtout, dans cette configuration sociale complexe prenait corps la conscience diffuse que la position dominante des maîtres pouvait être modifiée ou affaiblie. En un mot l’autorité des maîtres pouvait être attaquée. En fonction des contextes historiques, dans des îles dont la vie sociale était rythmée par les échanges maritimes, la circulation des idées politiques, des nouvelles, voire des rumeurs, jouerait un rôle central dans la perception que les esclaves faisaient des rapports de force engageant la possible fin de leur sujétion, mais aussi in fine dans la transformation éventuelle de leur société. »
Vous pourrez retrouver le document dont cette citation est extraite dans le recueil de texte publié par le Comité Ti Jo Mauvois sur le thème des « résistances pendant la période esclavagiste » (tijomauvois.e-monsite.com).
La mise en œuvre par les personnes esclavagisées de stratégies, pour imposer leur humanité, pour s’arrimer à leurs racines et préserver leur culture, n’a jamais cessé. Noms savane, maintien de pratiques animistes, dénigrement des maîtres et de la culture de ceux-ci, en sont autant de manifestations.
Ces stratégies ont été favorisées par l’importance objective de leur rôle dans la société et la reconnaissance subjective de celui-ci. Nous pensons ici aux « Nègres à talents », aux guérisseurs, aux « Associations serviles » ou au pécule.
En dépit du fameux syndrome de Lynch, un socle culturel solide a pu être préservé et constamment enrichi, se traduisant par exemple, par la création de la langue créole, de danses et de musiques originales, mais aussi par le développement d’alternatives économiques et sociales salvatrices.
La question qui se pose alors, c’est celle de l’émancipation.
Avec Alain ACCARDO, nous croyons qu’ «Il n’y a pas d’émancipation possible sans la prise de conscience explicite de ce par quoi on est asservi et, plus fondamentalement, sans la conscience même de l’asservissement jusque là étouffée, anesthésiée par les habitudes et le poids des conformismes.» C’est ce qui nous a conduits à décortiquer le syndrome de Lynch.
Nous avons déjà énoncé notre objectif qui est de surmonter les blocages psychiques qui font obstacle à notre plein épanouissement individuel et collectif. Notre société, en effet, ne pourra s’épanouir sans se défaire de toute forme d’aliénation.
Le syndrome de Lynch est l’une des aliénations que nous devons impérativement éradiquer. La difficulté est, qu’ici, Il n’y a pas de « psy » en face de patients. C’est l’ensemble de notre communauté qui en subit les effets ; la prophylaxie doit donc être collective et globale.
En matière d’émancipation sociale, il n’existe pas de touche « delete » qui permettrait d’effacer les programmes défectueux de la mémoire. L’alternative est d’amplifier un processus d’autoréparation qui, nous l’affirmons, est déjà en cours. Le phénomène « Nappy hair» en est un révélateur.
Nous parlons du processus qui permet
– de changer notre regard sur nous-mêmes et sur les autres,
– de changer de paradigme dans l’interprétation et l’analyse des situations ainsi que dans la gestion des conflits (par exemple entre hommes et femmes, adultes et enfants, enseignants et élèves).
– de débusquer et d’évacuer toute forme de mimétisme en ce qui concerne notre mode de vie, les choix relatifs à l’organisation sociale et au développement économique, la conception de l’éducation et de l’enseignement, etc.
En tout état de cause, le syndrome de Lynch ne suffit pas à expliquer toutes les situations et n’est pas responsable de tous les maux de notre société. Certes, il peut être facteur aggravant, mais les dysfonctionnements et les drames sociaux que nous vivons peuvent être observés dans les tous les pays du monde et leurs causes sont diverses. (Toxicomanies, violences de tous ordres, inégalités, etc.)
Ceci nous amène à notre conclusion.
Le discours de Willy Lynch ne peut susciter en nous que révolte et ressentiments. Il n’est cependant qu’une illustration parmi tant d’autres de la nature exécrable du système esclavagiste et de l’oppression coloniale. Ceci posé, avec Frantz FANON, nous croyons que, pas plus que l’oubli, ni la victimisation ni les désirs de vengeance posthume ne sauraient nous conduire à l’émancipation, encore moins à l’épanouissement. « La densité de l’Histoire, disait Fanon dans « Peau noire et masque blanc, ne détermine aucun de mes actes. Je suis mon propre fondement. Et c’est en dépassant la donnée historique, instrumentale, que j’introduis le cycle de ma liberté. ».
Autrement dit, ce sont nos actes d’aujourd’hui qui nous permettront
– de faire face au syndrome de Lynch et à toutes les autres aliénations,
– de surmonter tout obstacle à notre émancipation et à notre épanouissement individuel et collectif,
– et donc de porter notre contribution au progrès de l’entière humanité.
Le discours de William LYNCH
« Mesdames, Messieurs, Je vous salue ici, en cette année de notre seigneur, 1712. J’aimerais d’abord vous remercier de m’avoir invité. Si je suis là aujourd’hui, c’est pour vous aider à résoudre les problèmes que vous avez avec vos esclaves. J’ai expérimenté dans ma modeste plantation, des méthodes nouvelles de contrôle des esclaves. La Rome antique nous envierait si mon programme était appliqué. Non seulement vous perdez de l’argent en pendant vos esclaves, vous avez aussi des insurrections, des révoltes, vos champs restant ainsi longtemps sans être cultivés, vos propriétés sont souvent victimes d’incendies, votre cheptel est tué. Je ne suis pas là pour énumérer tous les problèmes que vous avez avec ces esclaves, mais pour vous aider à les résoudre.
Je dispose d’une méthode qui vous permettra de contrôler définitivement vos esclaves noirs, et qui a fait ses preuves dans ma propriété. Je vous garantis à tous que si vous l’appliquez correctement, elle vous permettra de contrôler vos esclaves pendant au moins 300 ans. Ma méthode est simple, tout membre de votre famille ainsi que vos ouvriers blancs peuvent l’utiliser. Je fais ressortir un certain nombre de différences parmi les esclaves; il me suffit de reprendre ces différences, de les agrandir, de les exagérer. Puis je suscite la peur, la méfiance, l’envie, la méfiance en eux, afin de les contrôler; par exemple, prenez cette liste de différences: l’âge, la couleur, l’intelligence, la taille, le sexe, la superficie des plantations, l’attitude des propriétaires, le lieu d’habitation des esclaves (vallées, montagnes, l’est, l’ouest, le nord, le sud), le type de cheveux des esclaves (fins ou crépus), la taille des esclaves (grands de taille ou courts).
Je vais ensuite vous donner une stratégie d’action pour mettre tous ces éléments ensemble; mais avant tout, j’aimerais vous dire que la méfiance, le manque de confiance en soi, est plus efficace que le respect ou l’admiration. L’esclave noir, après avoir reçu ce lavage de cerveau, perpétuera de lui-même et développera ces sentiments qui influenceront son comportement pendant des centaines voire des milliers d’années, sans que nous n’avions plus besoin d’intervenir. Leur soumission à nous et à notre civilisation sera non seulement totale mais également profonde et durable. N’oubliez jamais que vous devez opposer les adultes et les noirs âgés aux plus jeunes, les noirs à peau foncée aux noirs à peau plus claire, la femme noire à l’homme noir.
Mesdames, Messieurs, ces solutions sont les clefs qui vous serviront à contrôler vos esclaves. Utilisez-les, faites-en bon usage; faites en sorte que vos femmes, vos enfants, vos ouvriers blancs les utilisent aussi; ne manquez pas cette opportunité. Si vous l’appliquez intensément pendant une année, les noirs eux-mêmes les développeront, les accentueront, et manqueront à tout jamais de confiance en eux-mêmes Cela vous permettra d’asseoir une domination quasi éternelle sur eux. »