Le silence des moutons

Par Guy Flandrina

Inflation, vie chère, coût de l’essence… Chacun y va de son couplet larmoyant sur la hausse des prix et la pwofitasyon.

Pourtant, des compétitions de sports mécaniques, aussi coûteuses en énergie que pétaradantes et polluantes, sont organisées à grand renfort de communication ; avec la bienveillance de collectivités publiques et de « responsables » politiques.

C’est la grande distraction des vacances au grand air !

Des familles entières sont massées aux abords des routes, avec parfois des enfants en bas âge, pour respirer le bon air, agrémenté de particules fines des pots d’échappements de bolides déchaînés.

A l’heure où nous sommes tous, théoriquement, supposés lutter pour une plus faible empreinte carbone,

A l’heure où nous sommes tous appelés à faire des économies d’énergie,

A l’heure où chacun doit faire preuve de responsabilité vis-à-vis de la planète : des collectivités publiques encouragent la tenue de compétitions automobiles…

Des politiques sensés prendre soin de la population, sont ceux-là même qui contribuent à les exposer à des risques sanitaires.

En effet, la qualité de l’air en Martinique est, depuis le 18 juillet 2023, selon les spécialistes : à l’indice 10 ; donc « très mauvaise » ! Les scientifiques font d’ailleurs passer des messages, de prévention des risques, sur les médias préconisant : « d’éviter d’intenses activités physiques et sportives intérieures ou extérieures ».

Ils signalent la présence de « polluants primaires : PM10 (Particules en suspension de moins de 10 microns).

Pourtant, cela n’aura pas empêché la tenue, par exemple : de la Martinique Rallye Tour (MRT) et autres sorties en quads pour « découvrir -et polluer- l’environnement martiniquais ».

Être un responsable politique, ce n’est pas forcément toujours prendre des décisions pour séduire et caresser dans le sens du poil.

Être un responsable politique c’est aussi, parfois prendre le risque de déplaire par des décisions courageuses et donc pas forcément populaires.

Faire face à la réalité

Peut-on, au nom du populisme ambiant, ruser tant avec la santé de nos concitoyens qu’avec les exigences que nous réclament les graves changements climatiques et de nouveaux paradigmes économique et géopolitique ?

Le prix de l’essence flambe.

La planète s’enflamme, certaines régions avoisinent les 50°.

Pourtant, d’aucuns tournent la tête pour ne pas voir la réalité en face.

Le plus grand nombre se réfugie dans un silence assourdissant ; il est tellement plus aisé de se complaire dans les bras du conformisme que d’affronter les dangers de la vérité.

Quand on crie à tue-tête pour un hymne, afin de hisser un drapeau identitaire, l’on ne peut se contenter de sortir de vieilles recettes millénaires, panem et circenses, pour distraire et faire taire le peuple. Il s’agit là de moyens soporifiques destinés à le détourner de véritables revendications (accès régulier à l’eau potable, traitement des déchets, éducation, vie chère, accès aux crédits bancaires, transports publics, continuité territoriale, pollutions des sols, des rivières et de la mer, contamination des humains et des cheptels…).

Combien de foyers Martiniquais, singulièrement les plus modestes, se sont rendus au Musée Pinchon ?

Combien de jeunes scolarisés ont visité l’Observatoire volcanologique du Morne des Cadets, le Jardin d’Émeraude, la Maison du Volcan, le Musée Franck Perret de Saint-Pierre, la Fondation Clément, la Maison de la Canne, le musée de la Pagerie ou tous les autres lieux de culture et d’éducation que compte la Martinique ?

Puisque Matinik sé tanou, ne serait-il pas plus enrichissant pour notre jeunesse de se retrouver dans ces lieux, patrimoniaux et de connaissances, plutôt que sur les bas-côtés de routes à… regarder passer des voitures et à respirer des gaz toxiques ?

Il peut paraître surprenant que, de nos jours, des saintannais ne connaissent pas le Macouba et vice-versa !

Ne vaut-il pas mieux soutenir une démarche favorisant la découverte de nos sites naturels , industriels ou culturels plutôt que de voir ces personnes plantées en bordure de routes ; parfois innocentes complices d’une empoisonnante pollution ?

Bien entendu, j’entends d’ici les cris, horrifiés, d’amoureux de sports mécaniques mais ma nature optimiste me laisse à penser que certains chasseurs sont devenus de fervents défenseurs des espèces naguère ciblées car devenus (enfin !) conscients de leurs méfaits…

Guy FLANDRINA