Le scénario d’un régime autoritaire dans une France ingouvernable n’est -il pas aujourd’hui d’actualité ?

— Par Jean-Marie Nol —

Vu la gravité de la situation actuelle en France, il s’avère indispensable et essentiel d’avoir une vue d’ensemble pour avoir une longueur d’avance sur la réflexion. La meilleure façon d’appréhender les problèmes à leur juste mesure est de prendre du recul et d’y réfléchir de manière critique. Quelle est la cause du problème de la France ? Quelles sont les solutions possibles face à l’impasse probable ?

Depuis la décision du président Emmanuel Macron de la dissolution de l’Assemblée nationale la France se trouve à un carrefour critique de son histoire. Les résultats des élections législatives du 7 juillet détermineront si le pays peut être gouverné de manière stable ou s’il sombrera dans une crise politique prolongée. Face à un Parlement potentiellement ingouvernable, Emmanuel Macron pourrait être contraint de recourir à des mesures extraordinaires pour maintenir l’ordre et la continuité de l’État. Ainsi que nous l’avions déjà évoqué dans plusieurs articles précédents, la probabilité de l’émergence d’un régime autoritaire en France est plus que jamais d’actualité,car l’activation de l’article 16 de la Constitution conférant les pleins pouvoirs au président serait une réponse drastique à une situation extrême, soulignant les défis auxquels la démocratie française est actuellement confrontée.

En cas de débordements après les élections, Emmanuel Macron pourrait activer l’article 16 de la Constitution. Face au blocage des institutions, Emmanuel Macron pourrait certes démissionner, mais cette hypothèse ne tient pas la route car le chef de l’État dispose d’une autre solution : le recours à l’article 16 de la Constitution, qui lui confère les pleins pouvoirs. Selon nos informations puisés dans la presse, Emmanuel Macron aurait discuté de cette hypothèse avec plusieurs proches. Ainsi le 7 juillet prochain, si aucun parti politique n’obtient de majorité absolue, le pays pourrait plonger dans une crise politique majeure. Le risque d’une Assemblée nationale ingouvernable est réel, surtout en cas de victoire de l’extrême droite. Les récentes déclarations de Jordan Bardella, président du Rassemblement National (RN), soulignent l’enjeu de ces élections anticipées : « Pour gouverner, j’ai besoin d’une majorité absolue ». Cette ambition est partagée par l’ensemble du parti, qui vise à envoyer au moins 289 élus à l’Assemblée nationale, soit le nombre de députés nécessaires à une majorité absolue. Cependant, l’hypothèse d’une majorité relative pour le rassemblement national est la plus proche de la réalité, et de fait même avec une majorité relative, gouverner pourrait s’avérer impossible pour l’un ou l’autre des deux camps d’extrême droite et du nouveau Front Populaire. Le programme du nouveau Front Populaire inquiète vraiment les chefs d’entreprises et les marchés financiers.

En l’absence d’une majorité absolue, le premier ministre, issu du camp majoritaire, pourrait être constamment menacé par des motions de censure. Cela pourrait conduire à des chutes fréquentes de gouvernements et à une paralysie législative. Une telle situation plongerait la France dans une crise de régime, comme l’a averti Bruno Le Maire, ministre de l’Économie. Dans ce cas de figure l’option de l’Article 16 pourrait s’imposer comme la seule alternative pour sortir de cette impasse. Emmanuel Macron pourrait se tourner vers cette solution radicale de l’article 16 de la Constitution. Cet article permet au président de la République de prendre les pleins pouvoirs en cas de crise grave. Bien que cette possibilité soit rarement évoquée, elle n’est pas à exclure dans un contexte de blocage total des institutions. Macron a déjà utilisé des mesures exceptionnelles comme l’article 49.3 pour faire passer des lois sans vote, s’exposant ainsi à des motions de censure répétées. L’activation de l’article 16 serait une escalade significative, marquant un tournant autoritaire dans son mandat. L’article 16 a été activé pour la dernière fois par le général de Gaulle en 1961, lors du putsch des généraux lors de la guerre d’Algérie. Cette mesure d’urgence est conçue pour être temporaire et strictement encadrée, mais son utilisation en période de paix démocratique serait sans précédent et pourrait susciter des réactions vives tant au niveau national qu’international. Les conséquences d’une telle action seraient profondes, mettant en jeu la stabilité démocratique du pays et la confiance des citoyens dans leurs institutions. Mais l’élément déclencheur de l’article 16 serait à notre avis non pas le blocage des institutions mais le risque très réel d’insurrection et d’émeutes en cas de crise économique et financière. Sans conteste, c’est la crise de la dette qui menace demain la cohésion sociale de la France. Déjà que le 19 juin, la Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une procédure de sanction pour déficit public excessif à l’encontre de sept États membres, dont la France. Cette décision pourrait entraîner des sanctions financières de l’ordre de 2,5 milliards d’euros par an pour le pays. Ce développement met en lumière la situation financière précaire de la France et les risques accrus de crise de la dette. Dans nos précédentes tribunes nous avons déjà explorer les éléments déclencheurs potentiels de cette crise et ses conséquences pour les Français. Mais vu l’importance de l’heure, retracons de nouveau quelques éléments clés d’une situation financière précaire de la France, qui comme plusieurs autres pays européens, est confrontée à un déficit public excessif. Les dépenses publiques élevées, combinées à une croissance économique stagnante et à une inflation persistante, ont conduit à une détérioration significative des finances publiques. Le déficit budgétaire de la France a régulièrement dépassé les seuils fixés par le Pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne, qui limite le déficit public à 3 % du PIB et la dette publique à 60 % du PIB.

La procédure de sanction initiée par la Commission européenne constitue un signal d’alarme majeur. Une sanction financière de 2,5 milliards d’euros par an aggraverait encore le déficit public et pourrait précipiter une crise de la dette. La France serait alors contrainte de trouver des moyens de réduire son déficit, soit par une réduction drastique des dépenses publiques, notamment des coupes budgétaires drastiques dans les dépenses sociales, soit par une augmentation des recettes fiscales. Ces mesures pourraient s’avérer politiquement impopulaires et économiquement douloureuses.

Les conséquences pour les Français seront la mise en œuvre d’une véritable austérité budgétaire. Pour éviter une crise de la dette, le gouvernement français pourrait être contraint de mettre en place des mesures d’austérité sévères. Cela pourrait inclure des coupes dans les services publics, les prestations sociales et les investissements publics. Les secteurs de l’éducation, de la santé et des infrastructures pourraient être particulièrement touchés, affectant la qualité de vie des citoyens et la capacité du pays à soutenir une croissance économique à long terme.

Une autre option pour réduire le déficit serait d’augmenter les impôts. Cela pourrait inclure des hausses de la TVA, de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés. Une telle politique fiscale pourrait peser lourdement sur les ménages et les entreprises, réduisant leur pouvoir d’achat et leur capacité d’investissement, ce qui pourrait freiner la croissance économique et accroître le mécontentement social. Des réformes structurelles pourraient être nécessaires pour améliorer l’efficacité des dépenses publiques et stimuler la croissance économique. Cela pourrait inclure des réformes du marché du travail, des retraites et des systèmes de protection sociale. Bien que ces réformes puissent apporter des bénéfices à long terme, elles sont souvent difficiles à mettre en œuvre et peuvent rencontrer une forte opposition de la part des syndicats et des citoyens.

Une crise de la dette pourrait entraîner une perte de confiance des investisseurs et des marchés financiers dans la capacité de la France à gérer ses finances publiques. Cela pourrait se traduire par une nouvelle dégradation de la note de la France par les agences de notations à la rentrée conduisant à une augmentation des taux d’intérêt sur la dette publique, rendant le service de la dette ( intérêts ) plus coûteux et aggravant encore la situation financière du pays. Une crise de confiance pourrait également entraîner une fuite des capitaux et une dévaluation de l’euro, affectant l’économie dans son ensemble. Pour conclure, il nous semble évident que la décision de la Commission européenne d’ouvrir une procédure de sanction pour déficit public excessif contre la France met en lumière les défis financiers auxquels le pays est confronté. Les conséquences potentielles pour les Français sont significatives, allant des mesures d’austérité et des hausses d’impôts aux réformes structurelles et à une crise de confiance qui devrait provoquer une très grave crise sociale. C’est pourquoi le nouveau

gouvernement français devra naviguer prudemment pour éviter une crise de la dette tout en minimisant l’impact sur la population et l’économie. Dans cette nouvelle configuration,on comprend mieux les hésitations renoncements et reculs de Jordan Bardella et Marine le Pen du Rassemblement National.

Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer la voie que prendra la France pour rétablir la stabilité de ses institutions ainsi que la crédibilité de ses finances publiques et assurer une paix sociale, mais là ça sera une toute autre affaire… aléa jacta es !

A méditer ce proverbe créole :

« Ravet’ pa janmen ni rézon douvan poul’ « 

Traduction littérale :

Le cafard n’a jamais raison devant la poule

Moralité :

La raison du plus fort est toujours la meilleure. Le président aura toujours raison du premier ministre…

Jean-Marie Nol, économiste et juriste en droit public