— Par Yves- Léopold Monthieux —
« C’est ma faute, c’est ma très grande faute… », il y a peu d’élus et de partis politiques se partageant aujourd’hui les travées ou les lucarnes de visioconférence de la CTM qui n’aient été, à un moment ou un autre, concernés par le scandale de l’eau, et ne soient en posture de battre leur coulpe. C’est ce que peut suggérer le vote inattendu de la CTM concernant l’achat du terrain du quartier Séguino, au Lorrain : un « sémafot » aux frais du contribuable, bien entendu.
Avec 14 voix contre 12, les autres s’étant abstenus ou fait porter pâles, la décision est prise par l’assemblée d’accepter le prix fixé par le vendeur du terrain d’emprise des conduites d’eau. Ainsi, en un large geste budgétaire, les élus de l’assemblée ont voulu effacer des années d’irresponsabilité collective – « nous sommes tous responsables », admet l’un d’eux -, les uns ouvertement, comptables d’un passé pas si lointain qu’ils sont pressés de faire oublier ; les autres moins franchement, aujourd’hui aux manettes mais complices de toujours. Tous ont intérêt à mettre fin au problème de l’eau alors que s’y opposent deux hommes dont l’un, le propriétaire foncier, semble détenir des moyens de droit, tandis que M. « C’est moi qui paie » a déjà en perspective les futures élections territoriales.
Ce dernier qui, par-dessus les élus, a toujours su séduire les martiniquais, ne devrait avoir aucune difficulté à convaincre du bien-fondé de son refus de payer 315 000 € un terrain qui avait été évalué à 15 000 € par les services des Domaines. Montant qui, soit dit en passant, est proche du budget prévu pour la venue de la quinzaine de médecins cubains attendus comme Sœur Anne. Que le budget final intègre diverses indemnités et frais accumulés au cours d’un différend judiciaire qui dure depuis plus de 10 ans, le commun du peuple n’en voudra certainement pas au président de la CTM de refuser de payer une somme plus de 20 fois supérieure à l’estimation initiale.
Avec ses 12 résistants, Alfred Marie-Jeanne refuse de mettre un genou à terre et de participer à cet acte de contrition collective. Ni l’architecture abracadabrantesque de la CTM ni la contexture politique ne paraissent être en mesure de l’obliger à s’exécuter. Même une motion de défiance, écrite sur le modèle improbable de la constitution allemande et de fait quasiment inapplicable, ne pourrait être de grand secours à l’expression de la démocratie.
En réalité, dans cette institution qu’il conviendrait d’appeler « démocrature », on est bien loin de l’insatisfaction des usagers de l’eau que les pluies de l’hivernage aideront sans doute à oublier.
Fort-de-France, le 15 juin 2020
Yves-Léopold Monthieux