Le rôle des Jésuites dans les débuts des « bagnes » coloniaux de Guyane

  — par Danielle Donet-Vincent —

L’Ancien Régime avait ponctuellement eu recours à l’exil afin de débarrasser le territoire d’individus jugés encombrants : condamnés de droit commun, opposants politiques, prostituées avaient ainsi été mis à la disposition d’entrepreneurs chargés de développer certains territoires coloniaux français ; ils avaient été dirigés essentiellement vers le Canada et la Louisiane. La première de nos Républiques inscrivit ce processus dans l’arsenal législatif ; elle envoya en Guyane ses contingents d’indésirables, parmi lesquels les prêtres réfractaires. Le taux de mortalité fut dramatiquement élevé. Supprimée en 1801, la déportation fut rétablie par le code pénal de 1810. Faute de destination établie, la peine a été commuée en détention en forteresse en 1815. Le premier Empire puis les Restaurations étudièrent longuement le moyen de reprendre le processus interrompu pour des raisons essentiellement politiques. En 1816, un Comité fut mis sur pied afin de trouver une solution à cette situation ; il étudia avec attention les mesures prises par les Anglais en Australie. Dès cette époque, la Guyane est pressentie pour recevoir les exilés. L’Angleterre donnait un exemple magistral avec sa colonie pénale d’Australie, et la Deuxième République, déjà en marche vers le Second Empire, s’en inspira pour instaurer ce que nous appelons improprement les « bagnes » coloniaux. Les condamnés d’opinion, puis les condamnés aux travaux forcés puis enfin, après 1885, les multirécidivistes prirent ainsi le chemin d’une terre coloniale devenue lieu d’exécution d’une condamnation pénale.

Le Ministère de la Marine avait souhaité cette mesure devant permettre, selon lui, la mise en valeur de la Guyane, dont il avait la charge, et d’en augmenter la population blanche. Dès 1826 déjà, la Marine avait vu dans ce système le moyen de remplacer en Guyane les « Nègres », dont la traite était abolie, par les « esclaves de la loi ».

Ces objectifs ouvertement déclarés furent appuyés par des arguments sociaux, économiques et humanitaires. Les forçats des bagnes portuaires, augmentés des condamnés d’opinion surtout à partir de 1848, passaient en effet pour corrompre la population libre des ports, pour la priver de son ouvrage et pour coûter cher à l’Etat. Le travail de la terre, pour sa part, dans un des avatars de la pensée rousseauiste, devait permettre aux forçats de s’amender et de retourner à une vie décente. La « moralisation » des proscrits fut présentée comme un des objectifs majeurs.

Cette composante de l’argumentation permit aux Jésuites, qui s’étaient déjà intéressés à la population des bagnes portuaires, de participer à la mise en place des « bagnes » de Guyane. Leur correspondance, notes et rapports, toujours superbement rédigés et soigneusement documentés, nous présentent une vision de la peine et des condamnés bien différente de celle laissée par les documents administratifs de la même époque.

L’Administration et les Jésuites

Le décret du 27 mars 1852 ouvrit la route de la Guyane. Il visait à vider les bagnes portuaires, sur la base du volontariat, de l’essentiel de ses condamnés ; les individus en rupture de ban, en revanche, furent d’office inclus dans la mesure.

L’opinion salua cette démarche qui devait débarrasser le sol français de ses forçats, tout en permettant la mise en valeur de la plus ancienne de nos colonies, « de raviver son ancienne splendeur perdue par la suite de l’émancipation des noirs, en lui fournissant les bras nécessaires ». De plus, les condamnés, « amendés » par le travail de la terre, étaient présentés comme devant désormais être « utiles » au pays.

Avant même la signature de ce texte, Ducos, ministre de la Marine, entreprit de convaincre les forçats de l’intérêt du dispositif en gestation : il ne s’agissait pas, déclarait-il aux Préfets maritimes en charge des condamnés, « de la continuation de leur peine des Travaux forcés dans les conditions actuelles, mais [d’] un régime nouveau qui leur procurerait un grand adoucissement de situation combiné avec un certain temps de travail obligatoire et d’épreuve quant à la conduite ». Les fers devaient être supprimés, sauf inconduite notoire, la « tenue d’infamie » avec ses couleurs violentes et ridicules serait supprimée, la libération serait « beaucoup plus prompte qu’en France », des concessions de terre seraient accordées, les familles seraient encouragées à rejoindreles nouveaux colons. L’ensemble des comportements des « garde chiourme », devenus des « gardiens », serait humanisé. Ce châtiment d’un type nouveau devait permettre le relèvement moral des condamnés, « leur ouvrir la voie de la réhabilitation, et tout ce qui pourrait tendre à les dégrader à leurs propres yeux (devait être) évité avec le plus grand soin » [Le Constitutionnel, 30 septembre 1852].

Sur ces bases prometteuses, dans leur présentation par le discours politique, la Compagnie de Jésus se porta volontaire pour l’essai entrepris. Elle avait pour elle l’expérience d’éducateur de ses membres ainsi que le travail autrefois effectué en Guyane, auprès des Indiens et des esclaves. La démarche, de plus, lui permettait de reprendre pied dans la colonie d’où elle avait été chassée en 1773 (Pour l’ensemble de l’histoire des Jésuites, voir Jean Lacouture, Les Jésuites, Paris, Seuil, 1992).

Ducos regardait la présence d’aumôniers dans les colonies pénales futures comme indispensable à l’oeuvre de redressement annoncée. Le Prince-Président partageait ce point de vue ; il reçut les Pères Hus et Studer, le 12 mars 1852. A l’issue de ces rencontres, une convention fut signée le 3 avril 1852 entre la Compagnie et l’Administration. Cet accord attribuait l’aumônerie de la colonie pénale aux seuls Jésuites et fixait le montant de leurs rémunérations : indemnité de séjour égale à la solde des militaires aux colonies, remboursement des frais de route, dépense de trousseau.

La rémunération des Jésuites en Guyane n’avait rien d’exceptionnelle ; elle s’inscrivait dans la politique générale à l’égard du clergé. La congrégation du Saint-Esprit, présente dans la Colonie où elle assurait le service des paroisses, percevait de même des indemnités de l’Etat. Les émoluments versés aux missions des Frères des Ecoles Chrétiennes et des Frères de l’Institut de Ploërmel furent rappelés à cette occasion et servirent de base aux arrangements.

Les différences de rémunération entre les congrégations et les Jésuites provoquèrent néanmoins quelques tensions. En 1861 encore, des discussions avaient lieu qui aboutirent à l’harmonisation des rétributions. La même année, les Jésuites furent autorisés à prendre un congé régulier de six mois en France, rémunéré sur la base de la solde d’Europe des militaires. Les rapports entre les Jésuites et les pères Spiritains, qui assuraient le service des paroisses, nous venons de le dire, n’ont pas toujours été cordiaux, ni paisibles : les Spiritains ne favorisèrent pas l’installation à Cayenne du Père Hus, et ils veillèrent à ce que les Jésuites limitent strictement leur mission aux forçats. La frontière entre les deux types de « paroissiens » était si stricte qu’un des aumôniers, sollicité une nuit pour le baptême d’une petite Indienne, se montra très inquiet des conséquences éventuelles de son acte hors du champ autorisé. Les religieuses, pour leur part, tant celles assurant les soins que celles en charge des femmes condamnées, montrèrent au contraire compassion et serviabilité à l’égard des Jésuites, prodiguant des soins, et améliorant l’ordinaire des rations fournies, ou oubliées par l’Administration, avec le produit de leur jardin. Parallèlement, la question des rapports entre le personnel administratif local et les aumôniers resta en suspens, évoluant en fonction des personnalités en présence et également au gré des variations politiques du pays. Dans ce monde pénal colonial non encore structuré, le personnel local, des responsables de camps aux simples gardiens, chercha le plus souvent à entraver et limiter les intervention des Jésuites tandis que ces derniers, de leur côté, tentaient d’asseoir leur position et d’étendre largement leurs actions auprès des condamnés.

Le redressement des punis ne pouvait se réaliser, aux yeux des Jésuites, sans le suivi attentif des individus, sans un enseignement religieux soigné, sans une adhésion entière des condamnés à la religion catholique et à ses pratiques. A cela devait s’ajouter une éducation plus large fournie par le bon exemple du personnel, par l’encouragement et la récompense des efforts, et, éventuellement, par des châtiments justes et modérés ne visant pas à humilier mais à redresser. Le rôle moral qui leur était confié ne pouvait, à leurs yeux, être désolidarisé de l’ensemble de la vie pénale. De son côté, la majorité du personnel pénal ne tarda pas à regarder les actions des aumôniers comme une ingérence dans un système punitif qui aurait dû leur rester étranger. Le désaccord entre les deux parties portait bien sur le fond ; tandis que l’Administration, par exemple, regardait comme une intrusion dans son domaine les interventions régulières, et très modératrices, des religieux à propos de la discipline et de l’atroce bastonnade, les Jésuites n’y voyaient qu’une des composantes de leur fonction. De plus, le personnel, qui devait donner l’exemple à suivre, aux yeux des religieux, fut l’objet de rapports en cas d’impiété, d’abus d’alcool, et même de vie sociale et sexuelle ; des livres personnels jugés immoraux furent saisis à quelques gardiens, ce qui ne manqua pas d’accroître les tensions en cours.

Les réclamations des uns et des autres aboutirent à de nombreuses directives ministérielles et règlements locaux qui n’apaisèrent que modérément une discorde vive et constante. Un des pères Jésuites se vit du reste renvoyé en métropole par l’Administration en raison de ses positions tranchées.

Certains gouverneurs de la Guyane, tels Fourichon, ou Baudin, accordèrent cependant confiance et prérogatives aux aumôniers et leur attribuèrent une place au sein de diverses commissions.Ces responsables, cependant, dès l’origine, se montraient sans illusions sur le devenir du processus en cours et sur le succès des Jésuites. Revenu en métropole après sa démission, Fourichonécrivait au Père Hus, à la tête de la mission de la Compagnie en Guyane : « Il en est deux [sentiments] qui dominent les autres, c’est le bonheur d’avoir mérité votre affectueuse estime et le chagrin de vous savoir enchaîné à une oeuvre condamnée à finir dans un inévitable désastre et qui vous a coûté de si douloureuses pertes ».

Pourtant, ni la Marine, ni Napoléon III n’envisageaient de revenir sur la mesure. La loi du 30 mai 1854 inscrivit définitivement la transportation en Guyane pour les condamnés aux Travaux forcés. Fourichon avait suivi les débats laborieux entourant l’élaboration puis le vote de ce texte et en avait rapporté l’esprit au Père Hus : « L’Empereur, les ministres et M.Ducos lui-même savent à quoi s’en tenir(…). On dira qu’il y a des craintes à concevoir sur la possibilité de colonisation européenne, que l’expérience toutefois n’est pas concluante (…). S’il est démontré qu’on doit y renoncer, on se tournera vers la Nouvelle-Calédonie. Ce sera folie pour folie ». Parvenus dans la colonie avec le second convoi des proscrits, parti de Brest le 25 avril 1852 et arrivé aux Iles du salut le 20 mai, les Jésuites avaient assisté à la mise en route des premières installations et avaient déjà pu juger des méthodes employées. Les bagnes coloniaux n’étaient alors, selon leurs observations, « qu’un déplacement des bagnes » métropolitains. En quittant la Guyane, vingt ans après, ils tenaient les mêmes propos. Les punis furent initialement cantonnés sur les Iles du Salut. Ils y effectuèrent un « travail digne des Romains »selon un des aumôniers : creusement d’une citerne, arasement du sommet de l’île Royale, constructions diverses dont le premier hôpital. Puis, le premier des chantiers sur la « Grande Terre » fut ouvert à la Montagne d’Argent le 28 octobre 1852. Un père Jésuite accompagna le groupe. Les besoins en main d’oeuvre servile de la ville de Cayenne amenèrent alors au transport de quelques hommes – une quarantaine à l’origine – sur les lieux : ils portaient la chaîne, étaient accouplés, ainsi qu’il se voyait dans les bagnes de métropole, et dormaient dans la prison, ceci dans le but de « rassurer » la population ; la prison étant trop exiguë, le premier ponton de Cayenne fut mis en place en 1855 ; 150 condamnés étaient alors présents, soutenus par un des aumôniers détaché à leur service. A propos de ce groupe, l’Administration parlait de « l’atelier » de Cayenne, terme en usage jusqu’en 1848 pour désigner un groupe d’esclaves relevant de la même « habitation ». Le premier bagne de Cayenne, « en forme de prison » selon l’aumônier, fut envisagé à partir de 1857. La même année, le futur centre de Saint-Laurent du Maroni reçut son premier contingent de condamnés, lui aussi pourvu d’un aumônier.

Au fur et à mesure de la mise en place des différents camps, un aumônier suivait le mouvement. Lorsque les camps principaux générèrent des camps satellites, camps de défrichage essentiellement, l’aumônier s’efforçait de visiter une fois par semaine au moins ces installations et de demander, pour ces hommes isolés et travaillant très dur, une journée de repos hebdomadaire permettant l’assistance aux offices religieux, une reconstitution des forces, le lavage des effets et un meilleur approvisionnement alimentaire. L’Administration locale se montra au mieux indifférente à ces interventions. Le cas échéant, elle n’hésitait pas à refuser un cheval à l’aumônier pour la visite d’un chantier forestier, alors que les chemins étaient impraticables par le défaut d’entretien et les fortes pluies.

Les Jésuites participèrent au choix des hommes destinés à quitter les Iles puis à fonder les différents pénitenciers. Ils donnèrent leur avis, très rarement voire jamais suivi bien qu’il fut parfois sollicité, sur la mise en place des camps, sur les cultures à mettre en route ; ils demandèrent, généralement sans succès, un effort physique « mesuré » pour les hommes et une nourriture convenable, en particulier pour les Noirs dont les rations étaient différentes de celles des Blancs et qui, dans certains camps, devaient fournir un nombre plus élevé d’heures de travail : « Les noirs qui font de gros travaux et qui n’ont de pain que deux fois la semaine, se plaignent et aimeraient bien voir améliorer un peu leur ration. Leur désir me paraît juste, écrit l’aumônier des Roches. (…) Ils font tous les travaux pénibles : ils n’ont point de vin ».

Les condamnés les plus assidus aux offices religieux bénéficièrent de leur appui, au détriment d’hommes de confession protestante ou ne pratiquant aucune religion : « Je me suis servi du pouvoir que m’a laissé le Commandant pour éliminer (d’une liste établie par l’Administration) une quinzaine de francs vauriens qui auraient pu jeter le désordre aux Hattes (…) entre autres deux protestants (…). J’ai eu beaucoup de peine à éliminer ce dernier [un des deux] dont le Commandant estimait la religion [souligné dans le texte] et le travail ». Il les remplaça par « de braves gens dont la plupart pratiquent la religion » le Maroni devant être, en effet, « l’établissement modèle, le pénitencier religieux », car la religion « seule (…) ferait pour coloniser ces gens-là, si la colonisation était réalisable, plus que tous les moyens humains et tous les raisonnements de la politique humaine ».

Au nom de la moralisation des condamnés, ils réclamèrent pour eux l’obligation d’assistance aux offices religieux. Le personnel ne se rendant pas à ces mêmes célébrations fut l’objet de plaintes et récriminations diverses jusqu’à ce que le Gouverneur Baudin, sur la pression des Jésuites, lui imposât d’assister aux cérémonies du dimanche.

Les Jésuites, de même, obtinrent que les religieuses de Saint-Joseph de Cluny assurent la « formation » des femmes transportées, destinées à fonder des familles avec les transportés. Plus tard, ils obtinrent que les enfants nés des unions entre anciens condamnés soient retirés aux parents et placés en pension chez les religieuses, afin de leur éviter le mauvais exemple de leurs père et mère. Les enfants, qui voyaient leur famille six semaines dans l’année, furent si marqués par l’éducation prodiguée que certains pratiquèrent des mortifications, mettant leur vie en danger, dans le but de racheter les fautes de leurs parents.

En 1872, la situation était toujours si tendue entre l’Administration et la Compagnie qu’un simple gardien s’autorisa à adresser à Paris un véritable réquisitoire contre les religieux, les accusant de « neutraliser la discipline », d’être des « courtiers en mariage » entre libérés, d’avoir la haute main sur la commission des grâces et de favoriser les individus assidus aux offices. Les forçats, de leur côté, accusaient régulièrement les aumôniers de les avoir trompés en les encourageant à se porter volontaires pour un nouveau camp, par exemple, et de soutenir les abus de l’Administration. L’ensemble des reproches résultait, en premier lieu, d’une conception différente de la place de la religion – et de ses représentants – dans la société ; la fin de l’Empire et l’avènement de la IIIe République ne firent qu’accentuer ce point de désaccord. Il découlait également et surtout d’une vision divergente du système pénitentiaire colonial : alors que le personnel de l’Administration appliquait une discipline militaire brutale, privilégiant la masse au détriment de l’individu, le développement colonial au préjudice de la réhabilitation du coupable, et ne reculait pas devant les trafics les plus divers, les Jésuites continuaient à croire au changement possible des transportés, sans doute à long terme, sous l’effet de l’enseignement religieux et d’une surveillance « paternelle » : « La discipline doit rendre les transportés meilleurs, laborieux, tempérants, chastes, justes, doux, religieux, ou elle est mauvaise » écrivait le Père Beigner qui affirmait les gardiens militaires incapables d’une telle démarche.

Deux mondes s’affrontaient en Guyane : celui de l’Administration, à la recherche du rendement de la colonie mais aussi de la promotion de quelques carrières et, par ailleurs, celui des Jésuites, préoccupés du devenir des hommes, sans pour autant perdre de vue le développement de la Guyane et leur rôle dans ce processus.

Des Jésuites au bagne

Dès l’origine, les pères Jésuites vécurent parmi les transportés. Ils connurent comme eux, et comme le personnel militaire, installation extraordinairement précaire en regard même des conditions de l’époque, rations insuffisantes, eau non assainie, climat pénible, maladies tropicales, mal du pays. Ils souffraient en outre de solitude car chacun était seul dans chaque camp, si l’on excepte le frère assurant les besognes matérielles. Leur correspondance exprime régulièrement cette douleur : « je vous remercie de ne point oublier mon isolement. Une lettre de Cayenne est une fortune à la Montagne ». Parfois, une note d’amertume transparaît : « Ici sur mon rocher, sans relation avec personne, n’ayant jamais rien à dire, je vous écris de longues lettres et vous ne m’envoyez que de petites réponses (…) ». A cela s’ajoutait la souffrance physique liée aux maladies et aux conditions générales éprouvantes. Mais, dit l’un d’eux, tout cela n’est rien « surtout lorsque je pense aux souffrances des infortunés au milieu desquels je vis ». Sans doute, leurs difficultés personnelles rapprochèrent-elles les Jésuites des transportés soumis à un mode de vie plus dramatique encore.

28Certains des Pères ont vu dans la désolation des débuts, alors que les hommes mouraient en masse sous les effets croisés de la maladie et du mauvais traitement, un signe divin devant conduire chacun d’eux au paradis : « J’admire comment la Miséricorde Divine a été choisir dans chaque pénitencier ceux qui en étaient comme la lie et dont on désirait le plus être débarrassé, pour les amener ici et en faire presque autant d’élus en quelques mois, car je n’ai aucun doute sur le salut de ceux qui sont morts dans mes bras ».

Un autre a vu dans les souffrances et la mortalité souvent effrayante des installations de la Comté, en particulier, « l’Avenue du paradis ». Tous les aumôniers n’exprimaient pas ce point de vue : si le sauvetage des âmes les préoccupait bien légitimement, celui des vies terrestres leur tenait tout autant à coeur.

Le Père Bigot s’insurgea contre la mortalité des condamnés soumis à un excès de travail : en février 1854, consterné, il signalait à son supérieur que sur 75 hommes de Saint-Georges, 40 étaient à l’hôpital, « et le reste en voie d’y entrer prochainement » ; les locaux sont pleins, disait-il, et il faudrait une autre salle, mais « le cimetière y pourvoira ». Et le Père concluait : « ce n’est là que la mille et unième partie de ce dont je suis témoin et qui me fait saigner le coeur ».

A Saint-Georges, le Père Nicou constatait que la coupe des cannes était un travail « horrible » : « je visite les coupeurs de cannes, quel travail, quelle chaleur ! », écrivait-il. Il déplorait que la machine à broyer les cannes tournât plus de 12 heures par jour, samedi compris, soumettant les hommes à une besogne accablante, cette même besogne que les esclaves avaient fuie « pour n’y plus revenir », dès l’abolition annoncée. Une des machines inutilisée depuis fut, du reste, remise en service à Saint-Maurice où elle ne tarda pas à exploser, tuant et blessant, car trop vétuste. Les Jésuites sont sans cesse intervenus pour qu’un temps de repos soit laissé aux hommes. Le Père Jardinier fut certainement le plus direct dans l’expression de son désaccord. Il s’est élevé constamment contre l’injustice et l’inhumanité des châtiments, contre la sous-alimentation qui ruinait les santés et poussait les hommes au vol de nourriture, contre l’avilissement général. Il intervenait auprès du commandant des camps ; il écrivait à son supérieur qui, lassé de ses longues lettres, lui demanda d’être plus concis. Il continua néanmoins de réclamer et de dire ce qui heurtait sa conscience d’homme et de religieux : « Pour être moins prolixe, comme vous me le reprochez avec raison, j’énonce des faits » disait-il avant d’établir la liste des situations dramatiques et des faits révoltants relevés. Il dénonça le Commandant de la Montagne d’Argent qui oubliait de faire figurer dans ses rapports les punitions infligées : « Je ne veux point qu’on me jette à la figure : vous l’avez vu, su, vous prêtre… et vous n’avez rien dit… donc vous autorisez », écrivait-il. Il se battit pour que la visite médicale se fît dans la dignité : « Croiriez-vous qu’ils [les transportés] n’ont que la chemise, (et encore ne l’ont-ils pas toujours eue ! ) qu’il leur faut présenter la face et le dos, comme des bêtes que l’on va acheter (…) ». A aucun moment, il ne désarma : à la fin de 1859, toujours outré par l’arbitraire et la cruauté des moyens, il explosait d’indignation : « C’est une vérité telle que je vous assure, mon Révérend Père, que si je n’avais le bonheur d’être Religieux et obligé de rester là où mes supérieurs m’envoient, si j’étais prêtre séculier, j’aurais donné (après réclamation préalable) ma démission pour ne pas autoriser par ma présence (…) le mal patent et les injustices criantes (…) ».

Sa révolte semble parfois bousculer sa foi : « Dieu fait bien ce qu’il fait mais il y a des faits qu’il permet dans sa Providence et qui sont bien pénibles, mon Révérend Père supérieur, pour le coeur et pour la foi », écrit-il après le suicide de trois hommes, un poussé par la faim, l’autre par une punition injuste et le troisième par les séquelles irrémédiablement invalidantes de la bastonnade. Contre l’avis du chef de camp, le même aumônier accorda une sépulture chrétienne à un évadé qui s’était noyé en voulant échapper aux gendarmes ; le commandant voyait un suicide là où le Père voyait la réaction « normale » d’un homme fuyant les cruautés du bagne et non la vie. Le Père Jardinier a passé douze ans en Guyane ; à la fin de son séjour, il se disait épuisé. Les modifications intervenues dans son écriture disent le prix payé pour l’accomplissement de sa tâche. Le personnel religieux, comme le personnel militaire, qui n’était guère ménagé, fut durement touché par la maladie et la mort.

Les aumôniers ont sans cesse cherché à maintenir les liens entre les transportés et leur famille, transmettant, contre les règlements de l’Administration, lettres et paquets. A un moment où l’Administration retint les correspondances, privant les hommes de leur courrier, le Père Berriaud écrivait : « Ces liens de famille sont un des moyens les plus puissants de moralisation. Cette idée que nos transportés ont des égards qu’ils doivent avoir pour leur famille les maintient dans le devoir. Quand ils sont sans communication avec leurs parents (…) ils tombent plus facilement dans le désespoir ». Les aumôniers insistaient sur l’intérêt d’une fête annuelle dans chaque pénitencier, fête qu’ils disaient libératoire des tensions et facteur de rapprochement entre condamnés et personnel. Tous pensaient importants le son de la cloche – obtenue avec difficulté -, les chants, la musique, les décorations lors des cérémonies religieuses, les transportés retrouvant dans ces sonorités et dans les décors éphémères, une part du merveilleux et du sacré qui avaient baigné leur enfance lors des solennités religieuses. Nous ne pouvons qu’être frappés par la modernité de leur remarque, à une époque où les théories freudiennes étaient inconnues.

Ils ont mis sur pied et entretenu à leurs frais une bibliothèque de prêts, tant pour les condamnés que pour le personnel ; ils ont cherché à alphabétiser les militaires et gardiens illettrés, se faisant envoyer des ouvrages par leur supérieur.

Plus tard, après que les premières concessions eurent été accordées dans le Maroni et que les premiers couples de condamnés furent apparus, l’aumônier déplorait le taux de mortalité élevé, chez les femmes en couches comme chez les nouveaux nés. La Colonie, écrivait-il en avril 1871, « ne peut que végéter puisque les maladies et la mort viennent si fréquemment entraver et arrêter le travail et les progrès des concessionnaires. Les enfants meurent en masse et je ne sais si ceux qui vivent aujourd’hui atteindront leur majorité avant d’être orphelins ». Sous leur plume se dessine une humanité fragile, ployant sous le poids d’un châtiment exorbitant broyant les êtres. Les condamnés sont nommés, – alors que l’Administration indique leur numéro matricule – , dépeints avec leurs travers, leurs habitudes de vol et de violence, leur attrait pour le tafia procurant l’ivresse et l’oubli, leurs pratiques sexuelles perverties par la promiscuité, leur ignorance profonde, leur maigreur et leurs plaies « hideuses », leurs pathétiques cris de souffrance dans le terrible supplice de la bastonnade, leur épuisement dans les travaux des concessions. Cependant, les condamnés ne cessent d’être des êtres humains aux yeux des religieux : « Voilà la profonde aberration de ce régime de force brutale envers des hommes qui sont autres que des bêtes brutes privées de raison. La brute, on peut la réduire par la force et par la crainte, mais non des êtres doués de raison, quelque dégradés qu’ils soient ou qu’on le suppose ». Le Père Hus, responsable de la mission Jésuite, en 1853 déjà, s’interrogeait : « Avait-on le droit de condamner à une mort presque certaine des hommes venus librement de France pour faire des essais de colonisation ? ». Ces volontaires « n’avaient pas même de surveillance à subir (en France). Or les voilà courbés sous un joug de fer (…). Mal nourris, à peine vêtus, car les effets d’habillement se faisaient souvent attendre au-delà du trimestre réglementaire », ils pataugeaient dans la boue, sans souliers, proies choisies pour les maladies et l’épuisement jusqu’à la mort. L’ensemble des remarques des aumôniers pose la question, perdue de vue par l’Administration, de la « nature » du condamné et de l’intérêt de la peine. L’envoi des condamnés en Nouvelle-Calédonie, à partir de 1864, provoqua la fermeture progressive de camps pénitentiaires en Guyane. L’arrivée croissante de condamnés d’Afrique du Nord augmenta la population de confession musulmane. Les aumôniers virent peu à peu leur rôle se réduire ; poussés par l’Administration, déçus par la limitation croissante de leur rôle auprès des condamnés et dans l’organigramme de l’Administration pénitentiaire, ils décidèrent de quitter la Guyane. Le responsable de la mission adressa alors au Président de la République un bilan détaillé de la situation, bilan accablant, concluant à la faillite totale du système, à ses injustices fondamentales tant à l’égard des punis qu’à l’égard de la Guyane. Les Jésuites ont quitté la Colonie en 1874, sans avoir pu mener à bien l’essai de redressement des hommes punis, promis par la loi de 1854. Ils ont emmené avec eux plusieurs orphelines, filles d’anciens condamnés décédés, afin de leur épargner, déclaraient-ils, les misères diverses de la Guyane peu à peu envahie des rebuts de la société française et devenue, selon la formule qu’emploiera Gaston Monnerville un demi siècle plus tard, « la sentine » de la métropole.

L’arrivée en Guyane d’une autre congrégation religieuse, la protestante et rigoriste Armée du Salut, en 1933, remit à l’honneur, par l’exemple et par delà les oppositions toujours fortes entre catholiques et protestants, la question de la dignité des condamnés et de leur réinsertion sociale par le travail, leur peine achevée.

Bibliographie Sources et bibliographie Centre des Archives de l’Outre-Mer, série H. Archives de la Compagnie de Jésus. 15, rue Raymond Marcheron, 92 170 Vanves.

AUBINEAU Léon : Les Jésuites au bagne, Paris, Charles Douniol, 1862. BEGIN Christophe : Souvenirs de Cayenne. Histoire de la Mission des pères jésuites près des transportés de la Guyane française. 1852/1874, manuscrit, Archives de la Compagnie de Jésus.

BRULEAUX Anne-Marie : « La rémunération du clergé catholique de Guyane », Pagara, N°1, pp. 141/146, Cayenne, 1996.

DONET-VINCENT Danielle : De soleil et de silences, Paris, Boutique de l’Histoire Eds., 2003.

DONET-VINCENT Danielle : « Les Jésuites et le bagne de Guyane », Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses, T 8O, N° 3, p. 397-407, Strasbourg, Université Marc Bloch, 2000.

KRAKOVITCH Odile : Les femmes bagnardes, Paris, Orban, 1990.

LÉCRIVAIN Philippe : Pour la plus grande gloire de Dieu. Les missions Jésuites, Paris, Gallimard Découvertes, 1991.

PIERRE Michel : La terre de la grande punition, Paris, Ramsay, 1982.

*****

***

*

Les « bagnes » des Indochinois en Guyane (1931-1963)

L’histoire des peines coloniales, déportation, transportation et relégation, improprement confondues sous le terme populaire et générique de bagne, relève tout à la fois de l’histoire des peines judiciaires et de l’histoire coloniale de la France. Le temps de gestation puis de fondation des « bagnes » de Guyane en reste une des illustrations, répétée par la mise en place des « bagnes » de Nouvelle-Calédonie [ Barbançon Louis-José, cf. bibliographie]. Cependant, c’est sans doute la création de « bagnes » spécifiques pour les Indochinois, au début des années 1930, qui met le plus en relief l’intrication profonde, l’emboîtement serait-on tenté d’écrire, des politiques pénale et coloniale françaises.

Photo suivante : Les vestiges du camp de Crique Anguille (mars 2006) Mars 2006 : Les vestiges du camp de Crique Anguille, affecté aux détenus indochinois, sont aujourd’hui perdus au coeur de la forêt guyanaise. On distingue sur ce cliché des cellules de réclusion, bâties sur le modèle des cellules de l’île Saint-Joseph.

Crédit photo : Thomas Sagnimorte www.sagnimorte.info

En Indochine, l’indépendance en marche

Des condamnés issus des colonies françaises d’Extrême Orient avaient été envoyés en Guyane dès la fin du XIXe siècle : 997 hommes avaient été extraits d’Indochine de 1885 à 1922, pour être envoyés dans notre colonie sud-américaine. Ces hommes étaient-ils des condamnés de droit commun ou des condamnés politiques ? A notre connaissance, aucune étude spécifique n’a été faite sur ce sujet. A peine conservait-on, en Guyane, le souvenir de l’origine de ces condamnés en nommant « village chinois » le secteur de Saint-Laurent où un grand nombre d’entre eux, libérés astreints à résidence, survivaient du produit de leur lopin de terre.

Nous savons, par ailleurs, que l’opposition à la présence française en Extrême-Orient avait conduit l’autorité coloniale à prendre des mesures particulières. Un arrêté du 10 janvier 1913, complété par un arrêté du 11 janvier 1915, avait décidé que les « indigènes » dont le transfert hors de l’Indochine n’était pas décidé, purgeraient leur peine de déportation au pénitencier de Poulo-Condor. La déportation, il faut le rappeler, était la sanction appliquée aux condamnés d’opinion. Poulo-Condor, pour sa part, est une île située à environ cent kilomètres à l’est de la Cochinchine, au sud de Saïgon (aujourd’hui Côn-Dao, rattaché au Viêt-Nam du Sud), où un pénitencier avait été créé. Le régime général des détenus y fut fixé essentiellement par un texte de 1916 dont la sévérité, jointe aux abus et trafics du personnel, engendra des révoltes violentes, suivies de répressions plus violentes encore, à l’issue desquelles 437 condamnés avaient été extraits de ce camp et envoyés en Guyane en 1922.

La crise économique mondiale des années 1925 vivifia le mouvement d’indépendance de l’Indochine et augmenta la population pénale dans les camps et prisons de la Colonie. Les autorités locales redoutaient, dans les établissements pénitentiaires, la cohabitation des condamnés d’opinion et des « droit commun » ; elles demandèrent à Paris de trouver un moyen afin de « débarrasser le territoire indochinois d’individus susceptibles de prendre part, sous l’action de meneurs [les condamnés d’opinion] à des rébellions ».

De son côté, la Guyane réclamait sans cesse de nouveaux bras pour « développer » le territoire colonial. Cet objectif, autrefois mis en avant par les fondateurs des « bagnes » guyanais, avait gardé toute son actualité dans le discours politique : « L’Arabe et l’Asiatique résistent au climat (…). Pour le développement de la Guyane, l’Asiatique et le Malgache sont plus intéressants que l’Arabe ; ils sont plus résistants au climat, plus travailleurs, plus sobres ; c’est donc cet élément qu’il serait souhaitable de voir importer » écrivait le Gouverneur Siadous en 1929. L’idée, en termes tout à fait similaires, avait été exprimée par son prédécesseur Chanel, « l’homme lige de Paris », selon l’expression de Rodolphe Alexandre, spécialiste de l’histoire politique de la Guyane du XXe siècle. Varenne, en charge de l’Indochine à la même époque, s’était dit favorable à la reprise des convois vers le continent Sud-Américain à condition que la Guyane en finançât le coût. La démarche générale, comme le lexique employé, nous éclaire grandement sur le regard que les autorités d’alors portaient sur les peuples colonisés et sur les condamnés.

Sur la pression conjointe de Cayenne et de Saïgon, Paris dépêcha, en janvier 1930, une commission d’inspection en Indochine afin de voir quels condamnés pouvaient être transférés en Guyane. De nouveaux « incidents » éclatèrent au pénitencier de Lao-Bao, sensiblement au même moment et précipitèrent les conclusions de cette commission ; l’envoi des condamnés asiatiques en Guyane, ou en Afrique Equatoriale Française, fut déclaré mesure « humanitaire » en raison de la surpopulation pénale, et nécessaire sur le plan politique afin d’éviter la propagation des idées d’indépendance. Pour sa part, le Gouverneur général de l’Indochine demandait le transport d’urgence des condamnés politiques vers les Iles du Salut.

L’ensemble de ces interventions se déroulait sur fond de vive et durable campagne publique contre le « bagne » de Guyane. Le reportage d’Albert Londres, paru en 1923, avait fait grand bruit ; il avait demandé une refonte de l’institution avec la suppression du doublage (obligation à résidence un temps égal à celui de la peine, celle-ci achevée) et une humanisation des pratiques ; l’Armée du Salut, de son côté, après une enquête effectuée en 1928, faisait campagne pour l’abolition pure et simple du système, soutenue par de grands noms de la Justice, dont Paul Matter, premier président de la Cour de Cassation, et un jeune avocat guyanais, Gaston Monnerville. Sous la pression de l’opinion publique, la classe politique restait sur le qui-vive et ne ménageait pas les déclarations, se disant favorable à une amélioration avant, à long terme, une éventuelle disparition de ce que chacun appelait le « bagne ».

Avec la question des condamnés asiatiques, cette campagne trouva un renfort du côté des parlementaires et de la Ligue des Droits de l’Homme. Le 22 mai 1930, une importante manifestation d’Indochinois et de membres de la Ligue se déroula à Paris, en protestation contre les moyens de coercition mis en oeuvre en Indochine, où des villages avaient été bombardés. Par ailleurs, le 6 juin, le territoire de l’Inini était créé en Guyane. Cet espace administratif nouveau visait à soustraire une large part de la Guyane à l’influence de l’Administration pénitentiaire, et surtout à celle des élus Guyanais, pour la placer sous la seule direction de Paris, par l’intermédiaire du Gouverneur. Le Ministère des Colonies déclara immédiatement vouloir mettre en place, sur ces terres qu’il souhaitait mettre en valeur, des camps destinés aux seuls Indochinois : ce processus, écrivait-il à Cayenne, « facilitera opportunément [la] tâche à entreprendre dans [le] territoire autonome [de l’] Inini que [je] viens [de] créer pour assurer [le] développement [de l’]hinterland [de] Guyane : [les] indochinois fourniront [une] utile main d’oeuvre pour [l’] équipement [du] pays […] [j’] envisage [la] création [d’un] établissement pénitentiaire spécial pour [les] indochinois dans l’Inini ». Le 13 juin, le vote du budget des colonies à la Chambre vit l’intervention remarquée de la gauche qui s’éleva contre la répression générale menée en Indochine, contre la transportation prévue des Indochinois en Guyane et, plus spécifiquement, contre l’emploi de condamnés politiques à des travaux de colonisation. Ces controverses replaçaient la question du « bagne » au coeur du débat sur la politique coloniale, domaine dans lequel la Ligue des Droits de l’Homme était très active.

Devant ces mouvements, le Ministère des Colonies sembla reculer et refusa à Saïgon la déportation de ses politiques aux îles du Salut. Cependant, indiquait Paris, « les individus condamnés [ à une] peine [de] droit commun, c’est à dire mort, travaux forcés, réclusion, dégradation civique [devaient] être considérés comme [des] détenus de droit commun », quel que soit le motif de la condamnation. Les listes de prisonniers répondant à ces critères, et qui furent envoyés en Guyane, montrent que nombre d’entre eux avaient bien été condamnés pour « complot contre l’Etat », c’est à dire pour des faits politiques. Afin d’éviter de plus amples manifestations de la gauche, et d’apaiser la Ligue toujours attentive, Paris sut rappeler les textes de loi autorisant l’envoi hors de leurs pays d’origine des condamnés du Cambodge, de l’Annam, du Tonkin. Est-il utile de dire que les textes en question avaient été élaborés par la France colonisatrice, dès 1890, et avaient déjà servi de base à l’envoi de ressortissants asiatiques en Guyane ? De plus, par une mesure d’exception à souligner, Paris décida que les hommes ayant participé aux mouvements nationalistes de Yan-Bay, en février 1930, seraient également envoyés en Guyane. « Il est donc possible, écrivait le Ministre des Colonies au responsable de L’Indochine, en vertu de [ces] textes, de créer dans l’Inini des établissements spéciaux aux condamnés d’origine annamite, complètement indépendants de l’Administration pénitentiaire ». Comme lors de la mise en place de la transportation, en 1852, le développement de la Guyane était présenté comme l’objectif essentiel. Le percement de routes et pistes nouvelles, l’aménagement de centres de colonisation sur les terres hautes par ces nouveaux condamnés étaient annoncés. L’éducation « morale »des hommes était également inscrite au programme, l’objectif étant, selon les Colonies, de les conduire, leur peine achevée, à demeurer en Guyane et à mener « une vie normale ». Les pouvoirs publics des années 1930 tenaient le même discours que les autorités des années 1852/1854.

Le 27 octobre 1930, le Gouverneur général de l’Indochine pouvait annoncer les conclusions de cette gestation politico-pénale à l’ensemble des responsables territoriaux : « Les condamnés dont l’éloignement de l’Indochine s’impose, seront envoyés dans ces pénitenciers de l’hinterland guyanais », qu’ils soient condamnés aux travaux forcés par des tribunaux français ou indigènes.

Le texte fondateur de ces camps spéciaux fut signé le 22 janvier 1931 [parution au Journal Officiel, Lois et Décrets, le 31 janvier ]. Paris, redoutant de nouvelles agitations parlementaires, insistait auprès de Saïgon afin que les politiques, c’est à dire les hommes condamnés à la déportation, soient écartés du processus. Pourtant, personne n’était dupe. Le Général de division Billotte, commandant supérieur des troupes en Indochine, lui-même, écrivait à propos du personnel de surveillance désigné pour l’encadrement du convoi : « il [le personnel] sera chargé d’assurer le maintien et le bon ordre à bord du vapeur La Martinière qui transportera un convoi de condamnés politiques de Poulo-Condor à Cayenne (…) ».

Saïgon et Paris souhaitaient le transport de plus de 1 400 condamnés. Malgré la diligence déployée, et en raison de la vigilance de la gauche parlementaire, les autorités locales ne purent rassembler que 535 individus répondant aux critères imposés par Paris. Les Colonies, tout au projet de développement de l’Inini, insistaient : « Le Ministre […] insiste, écrivait le Gouverneurgénéral de l’Indochine aux responsables locaux, […] afin que [le] premier convoi nécessaire pour expérience [dans] l’Inini, soit complété à 700 […]. Vous prie faire tous efforts possible pour donner satisfaction [au] Département. Pourriez-vous rechercher [dans] toutes [les] prisons tous [les] condamnés susceptibles [de] transportation ». [lettre du 27 avril 1931]. Cependant, les 700 hommes ne furent pas trouvés.

L’Indochine et la Guyane se disputèrent longuement pour savoir laquelle des deux colonies devait assumer les dépenses de l’opération. Le transport et l’entretien des hommes incombèrent finalement à l’Indochine.

En raison des manifestations nationalistes récurrentes et de l’évidente structuration du mouvement d’indépendance, Paris et Saïgon redoutaient un attentat visant à empêcher le départ du La Martinière, bâtiment chargé du transport vers la Guyane. Les mesures entourant l’embarquement furent très sévères, le personnel surveillé, la prise de clichés interdite, l’accès au navire restreint. Le premier et seul convoi pour l’Inini quitta Saïgon le 17 mai 1931, sans incident.

Quelques aménagements alimentaires exceptés, les conditions de vie à bord furent celles connues par tous les individus transportés en Guyane. Trois hommes moururent pendant le voyage.

Le nombre de condamnés étant inférieur à ce que le contrat avait prévu, la Compagnie Nantaise, propriétaire du La Martinière, menaça d’un procès le ministère des Colonies. Elle empocha finalement le paiement initialement prévu pour deux convois de 700 hommes chacun, si bien que le Gouverneur général de l’Indochine, non sans amertume, pouvait constater que l’opération ainsi réalisée était « excessivement onéreuse pour les finances [de la Colonie] et (avait perdu) tout intérêt pour l’Indochine », les condamnés à la déportation ayant été exclus.

Punir ou coloniser ?

Le convoi parvint à Cayenne le 30 juin 1931.

Les hommes furent conduits par camion jusqu’au dépôt central, tenus à l’écart des condamnés venus de France et d’Afrique du Nord. En juillet, une partie du groupe fut dirigé vers Saint-Laurent du Maroni ; les Indochinois y furent séparés du reste de la population pénale.

Trente cas d’oreillon se déclarèrent dès l’arrivée du convoi. Bientôt apparurent des troubles pulmonaires et intestinaux graves nécessitant l’hospitalisation de 137 des hommes ; six d’entre eux en moururent. Mais ce qui caractérisa l’ensemble des Asiatiques ainsi exilés en Guyane fut leur capacité à s’organiser pour résister aux pressions diverses des autorités françaises.

A Cayenne, en juillet, les hommes demandèrent une augmentation des rations de viande et de riz, exigeant que les vivres soient fournis en quantité égale à celle donnée en Indochine. Devant le refus du Gouverneur, un mouvement de grève de la faim apparut, aussitôt maté par une sévère répression : quelques hommes semblent avoir été nourris de force.

Cette rébellion à peine maîtrisée, une bagarre éclata à l’hôpital entre un malade et un infirmier, lui-même condamné asiatique. Le malade fut envoyé dans les locaux disciplinaires ce qui déclencha immédiatement une nouvelle grève de la faim dans le camp. Le Gouverneur usa de nouveau de la force face à ce qu’il considérait comme des manifestations d’indépendance provoquées par les « meneurs [présents] (…) dans ce contingent très spécial ».

Un peu plus tard, les Indochinois se trouvant dans les camps spéciaux créés à leur intention, des troupes sénégalaises furent affectées à leur surveillance. Les prisonniers manifestèrent immédiatement une vive « répugnance vis à vis des tirailleurs sénégalais qu’ils jugent inférieurs à eux et la stricte surveillance maintenue par les premiers paraît aux asiatiques d’autant plus lourde que ce sont des noirs qui l’exercent » constatait le Gouverneur. Les condamnés voyaient un signe de mépris dans ce choix des autorités et exigèrent des surveillants blancs. Les tirailleurs sénégalais firent également preuve de « répugnance » à l’égard des prisonniers. Le Gouverneur, devant ce « mouvement d’excitation collective », demanda à Paris, de toute urgence, « des sous-officiers européens blancs […] pour assurer la direction rationnelle et sans heurts de cette main d’oeuvre spéciale ». Racisme ordinaire et réalités de la politique coloniale se dévoilaient sous prétexte de Justice.

Les années passées en Guyane, dans des conditions sensiblement aussi pénibles que celles connues par le reste de la population pénale, n’entamèrent en rien la cohésion et la combativité du groupe des Indochinois. En novembre 1937, au camp de Crique Anguille, les 152 condamnés présents refusèrent le travail et entamèrent une grève de la faim. 42 d’entre eux furent conduits à Cayenne et nourris de force, sur ordre du corps médical. Ce mouvement avait été provoqué par l’annonce de la libération, avec rapatriement, de quelques-uns des condamnés pour « faits politiques ou connexes à la politique »et non la totalité d’entre eux. Ces hommes se considéraient tous comme des condamnés d’opinion et ils regardaient la mesure partielle de libération comme une injustice.

Le tribunal de Première Instance de Cayenne, en janvier 1938, condamna 97 de ces Indochinois protestataires à 6 mois de prison, 1 à 1 an de prison, 1 à 1 an de réclusion cellulaire, 24 à 18 mois de réclusion cellulaire. Aucun ne voulut dénoncer « les meneurs » de cette véritable révolte. L’enquête prouva que ces condamnés s’étaient regroupés en une « section », parfaitement structurée, qu’ils avaient des contacts avec la presse et les milieux politiques de métropole, en un mot, qu’ils étaient bien, malgré les dénégations officielles, des militants politiques, opposés à la présence française en Indochine. Un rapport d’inspection, ignoré des autorités, établi en août 1933, n’avait pas manqué de signaler ce que les événements de 1937 et 1938 confirmèrent : ces hommes étaient, dans leur majorité, « des lettrés (ex instituteurs, ex employés de banque, ex élèves de l’Ecole des Arts appliqués d’Hanoï) tous anciens membres de la cellule des sicaires (ce terme, en usage chez les autorités coloniales, traduisait de façon péjorative et impropre »garde rouge« ) du Parti Communiste indochinois ». Le rapport soulignait également leur aisance de parole et leur influence sur leurs codétenus. Il signalait, enfin, l’existence d’une correspondance clandestine régulière entre eux et le Secours Rouge International

L’organisation administrative des Etablissements Pénitentiaires Spéciaux s’inspira des structures de l’Administration pénitentiaire ; elle comprenait un bureau à Cayenne et deux camps : Crique-Anguille, mis en place à partir d’août 1931, et La Forestière, créé à partir de septembre de la même année mais remplacé par Saut-Tigre, en octobre 1934, car jugé trop proche des camps de l’Administration pénitentiaire au Maroni. Crique-Anguille fut déclaré chef lieu de « la circonscription du centre » par arrêté du 19 septembre 1931. Les 3/5 des Indochinois y furent envoyés. Ils devaient assurer le percement des pistes vers les placers d’or. En septembre 1936, cependant, aucune piste n’avait été créée.

Un service médical spécial fut mis en place. Les médecins ne purent que constater les méfaits provoqués par la nourriture fournie : les légumes secs, chez ces condamnés accoutumés à la consommation de riz, provoquèrent des « coliques » sérieuses ; il fallut des mois d’hésitations pour que les condamnés fussent autorisés à pêcher, le poisson étant la base de leur alimentation et nécessaire à la fabrication du nuoc-mam ; le riz rouge venu d’Indochine s’étant avarié, il fallut en acheter au Surinam. Sur ce fond de malnutrition, se greffèrent les maladies endémiques locales : paludisme, tuberculose. De 1934 à 1936, vingt hommes moururent de « fièvre bilieuse hémoglobinurique ». Plusieurs condamnés se suicidèrent.

Malgré cela, en 1936, le Gouverneur affirmait l’essai concluant : il avait permis, selon lui, d’ouvrir l’Inini à la colonisation et au progrès. De plus, il déclarait les conditions de vie imposées aux condamnés supérieures à celles du paysan moyen de l’Indochine. La déportation, sous sa plume, prenait des airs de bienfait.

En octobre 1933, 518 condamnés Indochinois se trouvaient sur le territoire de l’Inini. Le Gouverneur de la Guyane demandait alors avec insistance la reprise des convois d’Indochinois, car, déclarait-il, « Il faut peupler à tout prix d’une façon stable ces colonies qui se meurent lentement ». En 1934, l’attribution de concessions fut envisagée et une somme de 50.000 francs fut inscrite au budget, dans le but de couvrir les frais de voyage des familles asiatiques qui désireraient rejoindre un condamné. Ceci pouvant « être l’amorce d’une immigration dirigée dont il ne fait aucun doute, écrivait le Gouverneur, que les Indochinois, avec leur qualité de travail et d’intelligence, seraient des auxiliaires précieux pour la mise en valeur de l’Inini ».

Les qualités de ces Indochinois étaient si goûtées du Gouverneur qu’il en employait lui-même 11 dans son palais, sans qu’il lui en coûtât un sou. Paris finit par trouver le procédé abusif, ces hommes devant consacrer leurs forces, selon le Ministre, à la construction des pistes et non à l’entretien des planchers de la résidence officielle et au service de table de la famille. En 1937, 7 concessionnaires Indochinois étaient installés à Crique Anguille, 4 à Saut Tigre ; un Indochinois travaillait sur les chantiers aurifères de la Société Nouvelle de Saint-Élie et 4 autres étaient employés dans des exploitations d’agriculture et de pêche. Ces hommes, comme tous les libérés présents en Guyane, étaient soumis à des limitations de circulation qui entravaient leurs possibilités d’approvisionnement et, surtout, avaient un effet moral particulièrement négatif.

La longue route ou l’incertain retour

L’élection du Front Populaire, en 1936, déboucha sur une relative clémence des autorités à l’égard des condamnés toujours présents en Indochine. Le Gouverneur Général de cette colonie, devant un mouvement de grâce qu’il jugeait trop généreux, crut devoir rappeler à Paris le danger présenté par ces libérations anticipées, les libérés retournant à leurs activités politiques subversives dès le seuil des camps et prisons franchis.

Les condamnés transportés en Guyane, pour leur part, fondèrent de grands espoirs sur le nouveau gouvernement et se montrèrent déçus en apprenant que seuls 19 d’entre eux, déclarés subitement officiellement « condamnés politiques », étaient graciés et autorisés au retour [Décret du 29 septembre 1936].

Finalement, ce fut un groupe de 15 hommes, les autres ayant disparu, morts ou évadés, qui transita par Saint-Nazaire et Marseille en route pour l’Indochine. Une surveillance attentive fut mise en place autour d’eux en métropole. Cette véritable escorte avait pour mission de « les accompagner, […] les guider et les conseiller » ; dans les faits, elle surveilla et entrava la libre circulation des Indochinois. Cependant, à peine parvenus en métropole, où ils furent pris en charge par le Comité de Rassemblement des Indochinois de France, ces libérés demandèrent la libération de leurs compagnons restés en Guyane. Parallèlement, ils demandaient que des instructions fussent données en Indochine afin de n’avoir pas à subir de mesures contraignantes dans leur pays d’origine.

En 1938, les Cambodgiens furent à leur tour rapatriés : le Ministère découvrait, tardivement, que l’obligation à résidence ne pouvait légalement leur être opposée.

La France, malgré des remises de peine et des mesures de grâce faites sous la pression de l’opinion publique et l’intervention de la Ligue des Droits de l’Homme, n’avait pas renoncé pour autant à son projet initial de colonisation par ces condamnés d’Extrême-Orient : un arrêté du 18 septembre 1936 fixait la surface et les conditions d’attribution des concessions aux Indochinois de l’Inini ; le 11 avril 1938, le Gouverneur revenait sur le sujet, ce qui tendrait à prouver que le rapatriement des condamnés issus de notre colonie d’Asie n’était pas inscrit à l’ordre du jour, ceci contre l’attente d’une partie de la classe politique française et des intéressés eux-mêmes. En Guyane, la seconde guerre mondiale fut assortie de restrictions alimentaires drastiques et la population pénale, toutes origines confondues, fut la première à en souffrir. Le ralliement à la France Libre, le 16 mars 1943, apporta un personnel administratif nouveau et engendra des modifications dans la gestion de l’ensemble de l’élément pénal. « Dans le cadre général de simplification et de réorganisation du bagne » en attendant sa « liquidation », ordonnée par Alger le 4 mai 1944, les condamnés des camps spéciaux de l’Inini furent regroupés dans les camps généraux de l’Administration pénitentiaire [décision du 6 décembre 1944] c’est à dire dans les camps du « bagne ». Comme cela avait toujours été le cas, les autorités veillèrent cependant à ce que ces condamnés ne soient pas mêlés au reste des détenus.

Les anciens transportés de droit commun, issus du « bagne » colonial général, quittèrent la Guyane à partir de juillet 1946. Les derniers hommes en cours de peine, avec les services de l’Administration pénitentiaire, regagnèrent la France en août 1953. Le « bagne » colonial avait vécu. Le rapatriement des anciens condamnés de l’Inini, pour sa part, ne commença qu’en 1954 et se termina en 1963. L’Indochine était indépendante depuis 1954.

Au début de l’année 2000, il restait en Guyane française au moins un ancien condamné arrivé dans la Colonie avec le convoi de 1931. Il avait fondé une famille, et, malgré son grand âge, témoignait encore sur cette page déshonorante de l’histoire de la France colonisatrice. Il rappelait les violences de son arrestation puis de sa condamnation en Indochine ; il disait sa désespérance de la déportation et du travail forcé ; il soulignait la présence de condamnés de droit commun parmi les politiques ; il décrivait son labeur harassant sur les placers, sa libération venue, puis ses attaches avec la Guyane, devenue son pays.

En Guyane, aujourd’hui encore, les méthodes de pèche introduites par les condamnés d’Indochine sont toujours utilisées. Peut-on pour autant conclure, comme le faisait un des responsables de la Guyane en 1938, que « l’expérience » de l’Inini, avec le déracinement de condamnés politiques, a été « positive » ? Nous pouvons, quoi qu’il en soit, affirmer que ce point spécifique de l’histoire du « bagne » de Guyane constitue, à double titre, un moment de l’histoire coloniale de la France. Haut de page Bibliographie Archives Centre des Archives d’Outre-Mer (Aix-en-Provence) Série H Bibliographie BARBANÇON Louis-José : L’Archipel des forçats, histoire du bagne de Nouvelle-Calédonie, Lille, Presse Universitaires du Septentrion, 2003.

DONET-VINCENT Danielle : « les bagnes des Indochinois en Guyane », Outre-Mer, Revue d’Histoire, Paris, Société Française d’Histoire d’Outre-Mer, 2001, p. 209-223. (Article repris dans : De soleil et de silences : histoire des bagnes de Guyane, Paris, La Boutique de l’Histoire Eds., 2003)

Photographies

Remerciements à Thomas Sagnimorte pour l’illustration de cet article.

Construction du Bagne

Cellule du Bagne – Photo de 1996

Danielle Donet-Vincent, docteure en Histoire, est spécialiste de l’histoire de la transportation coloniale. Elle a été membre du groupe de recherche sur l’histoire des prisons de la troisième République, dans le cadre du séminaire dirigé par Robert Badinter et Michelle Perrot à l’EHESS. Elle a notamment publié La fin du bagne 1923-1953 (Rennes, Ouest-France, 1992) et De soleil et de silences : histoire des bagnes de Guyane (Paris, la Boutique de l’histoire, 2003).

Articles du même auteur