Le rôle des « intellectuels serviles » dans l’arsenal idéologique érigé par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste
— Par Robert Berrouët-Oriol, linguiste-terminologue —
Dans un compte-rendu de lecture à la fois rigoureux et sobre, « L’État haïtien et ses intellectuels : socio-histoire d’un engagement politique (1801-1860) », la directrice de la FOKAL, Michèle Duvivier Pierre-Louis, offre un regard particulièrement éclairant sur le livre de Délide Joseph issu de sa thèse de doctorat soutenue en 2014 et qui a été publiée en conservant le titre original de sa recherche doctorale, « L’État haïtien et ses intellectuels / Sociohistoire d’un engagement politique 1801 – 1860 » (Imprimerie Le Natal, Port-au-Prince, 2017). L’article de Michelle Duvivier Pierre-Louis est paru dans l’excellente « Revue d’histoire haïtienne » que publie le Cidihca à Montréal (voir le dossier « La Révolution haïtienne et ses influences dans le monde Atlantique », vol. 1, no 1, 2019). En raison de sa pertinence, nous citons longuement ce texte.
« En livrant au public une version abrégée de sa thèse d’histoire soutenue en avril 2014 à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS-Paris), Délide Joseph nous ouvre un champ où peu d’historiens haïtiens s’étaient jusqu’ici engagés de manière spécifique, celui de la généalogie et du positionnement des deux premières générations d’intellectuels haïtiens. Tout en reconnaissant l’importance de la perspective littéraire et esthétisante de ses prédécesseurs parmi lesquels Hénock Trouillot, Pradel Pompilus et Raphaël Berrou, Ghislain Gouraige, Léon-François Hoffmann, il propose une approche beaucoup plus approfondie de la vie politique et intellectuelle d’Haïti, à partir du régime de Toussaint Louverture dont il fait son point d’ancrage temporel. Et sa justification est toute trouvée car, explique-t-il dès son introduction, c’est à partir de la Constitution de 1801 élaborée selon le vœu de Toussaint Louverture par des « hommes instruits » que va s’instituer le nouvel État indépendant de 1804. Le « modèle social haïtien » naitrait donc de cette conjoncture louverturienne. Il sera incarné dans la vision des élites intellectuelles de l’époque hantées par leur désir de projeter une « image avantageuse d’Haïti » basée sur la mise en œuvre de ce qu’elles ont elles-mêmes nommée une « politique de civilisation ».
« Et cette vie intellectuelle, pour Joseph, s’étendra jusqu’à 1860, année de la signature du Concordat entre le Vatican et la République d’Haïti. Il y aurait selon lui, un tournant significatif à partir de cette date dans l’histoire politique, sociale, culturelle et intellectuelle du pays.
« (…) Deux générations d’intellectuels sont passées en revue, celle issue de la période révolutionnaire dénommée par l’auteur « les créoles de Saint-Domingue ou la génération fondatrice », suivie de « la génération romantique » dont les protagonistes les plus représentatifs auront vu le jour au cours des années postindépendance. Ces derniers ne se départiront pas du modèle institué par la première génération. Au contraire, ils en feront leur propre credo en allant bien plus loin que leurs prédécesseurs, malgré quelques divergences de forme plutôt que de fond.
« À travers un échantillon de 140 intellectuels dûment identifiés puisqu’il nous donne leurs notices biographiques en annexe, Delide Joseph nous invite à suivre la trajectoire intellectuelle et politique de cette élite qui s’est donné pour mission de construire l’État haïtien. À noter qu’il s’agit de 138 hommes et seulement 2 femmes, ce que l’auteur attribue à « la violence masculine symbolique » (p. 41), puisque qu’en ces temps, la femme est non seulement dépourvue de droits civils et politiques, mais l’enseignement supérieur lui est également interdit. [Le souligné en gras est de RBO]
« (…) Ces intellectuels sont donc pour la plupart avocats, médecins, notaires, enseignants, commerçants, négociants, journalistes, et presque tous des hommes de lettres. L’étroitesse de ce milieu social sera également marquée par la géographie car l’origine port-au-princienne de ces éléments domine.
« Cette minorité sociale privilégiée va donc créer un entre-soi quasi exclusif et modeler l’État haïtien dans une relation circulaire entre savoir et pouvoir. Les préjugés et les discriminations fondées sur le genre, l’origine sociale et géographique, la couleur, constitueront les marqueurs de cette élite en formation. Certains intellectuels d’origine étrangère, des Français, Martiniquais, Guadeloupéens, Cubains, Anglais y seront accueillis et offriront une apparente diversifié de ce milieu. [Le souligné en gras est de RBO]
« (…) Dans cette atmosphère postindépendance dominée par l’idée toute neuve de la souveraineté nationale, la vie intellectuelle va très vite s’inféoder à la vie politique et la dominer presqu’entièrement. Tout se passe comme s’il s’avérait absolument impossible dans ces circonstances de créer un champ intellectuel autonome. Il n’est pas non plus étonnant que ce soit essentiellement les créoles nés dans la colonie de Saint-Domingue et parmi eux ceux fraichement revenus de France, souvent issu d’une même famille, qui accèdent aux postes de pouvoir. D’une génération à l’autre, le constat est sans appel.
« Les nouveaux dirigeants reconduisent donc la politique d’exclusion et de discrimination pratiquée envers les catégories subalternes de la population. » (page 203) » [Le souligné en gras est de RBO]
« (…) Cela n’empêchera pourtant pas les intellectuels d’un clan comme de l’autre, d’une génération à l’autre, de vouloir prétendre représenter d’une part les aspirations d’émancipation du peuple haïtien, mais d’autre part celles des peuples noirs et des populations encore colonisées. Mais nous ne sommes pas à une contradiction près. Dans l’exercice des fonctions autant présidentielles, parlementaires que judiciaires puisqu’elle va occuper tous les espaces de pouvoir, cette élite va se heurter à une réalité qui va continuellement contrarier ses ambitions de construire un État qui reflète son « idée avantageuse d’Haïti ». [Le souligné en gras est de RBO]
« (…) Le livre de Délide Joseph nous invite à mieux situer l’origine, qu’il qualifie de « sociogenèse », des premières générations d’intellectuels haïtiens. Près de cent soixante ans plus tard, vu la persistance de certains marqueurs, on peut se demander si le temps a vraiment altéré les ambigüités et remodelé les pratiques et les comportements de nos élites actuelles ».
Pour sa part, le linguiste Hugues Saint-Fort observe de manière fort pertinente que « Dans la première partie de cette série (voir le Haitian Times du 21 au 27 avril 2010), j’ai montré que contrairement au personnage moderne de l’intellectuel occidental introduit en France avec l’affaire Dreyfus vers la fin du dix-neuvième siècle, qui a ouvert la voie à l’engagement politique des intellectuels, l’intellectuel haïtien, dès le début de la naissance de la jeune nation haïtienne, a marché la main dans la main avec les différents pouvoirs en place et les classes dominantes haïtiennes. Pour trouver une image de l’intellectuel haïtien contestataire et fortement critique du pouvoir haïtien et de la société haïtienne, il a fallu attendre les années 1930 et l’émergence de jeunes intellectuels pour la plupart formés à la réflexion marxiste, comme Jacques Roumain, Etienne Charlier, Anthony Lespès… » (Hugues Saint-Fort, « Revisiter l’intellectuel haïtien : sa nature, son rôle et sa fonction dans le corps social », Haitian Times, 5 mai 2012). [Le souligné en gras est de RBO] NOTE – Davantage qu’un « intellectuel haïtien contestataire », Jacques Roumain était un penseur rigoureux, un homme politique et un organisateur politique. Son œuvre littéraire, ses nombreux écrits scientifiques et politiques sont traversés par une forte vision, un objectif à atteindre au fil d’un combat politique : le changement radical de la société haïtienne sur les plans de la justice et de l’équité des droits citoyens (voir la monumental travail bibliographique réalisé par Léon-François Hoffmann et consigné sur le site île en île, la « Bibliographie de Jacques Roumain, par genres : poèmes ; poèmes inédits ; fictions ; traductions ; travaux scientifiques ; journalisme, politique et polémique ; correspondance ; Roumain et Guillén ». Moins bien connue que son œuvre romanesque, l’« Analyse schématique 32-34 » de Jacques Roumain publiée en juin 1934 à l’Imprimerie V. Valcin est l’œuvre d’un penseur rigoureux ; elle comprend trois articles : (1) « L’écroulement du mythe nationaliste, (2) « Préjugé de couleur et lutte des classes, (3) « Critique du Manifeste de la Réaction démocratique ».)
Parmi leurs grandes qualités analytiques, les articles de Michèle Duvivier Pierre-Louis et de Hugues Saint-Fort mettent en lumière le fait que les intellectuels haïtiens ont accompagné l’émergence et la consolidation du nouvel État post-1804, que leur vision du monde ainsi que leurs actions sont en phase avec les caractéristiques socioéconomiques et politiques de ce jeune État, bref, qu’ils ont invariablement été « du côté du pouvoir » et/ou « au service du pouvoir » et/ou les bénéficiaires directs du pouvoir politique, celui-ci état l’enjeu d’âpres luttes hégémoniques au lendemain même de l’Indépendance de 1804. Hugues Saint-Fort expose de manière fort pertinente que « l’intellectuel haïtien contestataire et fortement critique du pouvoir haïtien et de la société haïtienne, [est apparu vers] les années 1930 [avec] l’émergence de jeunes intellectuels pour la plupart formés à la réflexion marxiste comme Jacques Roumain, Etienne Charlier, Anthony Lespès… ». [Le souligné en gras est de RBO] Hugues Saint-Fort met ainsi en lumière l’apparition d’un nouveau type d’intellectuel dont les caractéristiques sont à l’opposé de la figure emblématique de l’« intellectuel servile ».
Comme on le verra plus loin dans le déroulé de cet article, les caractéristiques sociologiques et politiques de la catégorie intellectuels haïtiens décrites par Délide Joseph dans sa thèse de doctorat ont été reproduites au fil des ans, avec toutefois des tonalités particulières durant la sanglante dictature des Duvalier et au cours des douze dernières années, soit la période kleptocratique des autoproclamés « bandits légaux » du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. Ces douze dernières années ont vu s’installer, la sous la houlette d’un PHTK néo-duvaliériste glouton (« gran manjè »), la gangstérisation/criminalisation de l’État haïtien dans le contexte de la consolidation de l’action des gangs armés. (NOTE / Sur la gangstérisation/criminalisation de l’État haïtien, voir l’étude de Frédéric Thomas « Haïti : la gangstérisation de l’état se poursuit », Cetri, Université de Louvain, 7 juillet 2022 ; sur les auto-proclamés « bandits légaux » du PHTK, voir l’article de Rorome Chantal de l’Université de Moncton, « L’ONU, le PHTK et la criminalité en Haïti », AlterPresse, 25 juillet 2022 ; voir aussi l’article de Laënnec Hurbon, « Pratiques coloniales et banditisme légal en Haïti », Médiapart, 28 juin 2020 ; voir « Haïti dans tous ses états » : halte à la duvaliérisation des esprits ! », par Arnousse Beaulière, AlterPresse, 19 février 2020 ; voir également l’entrevue de Jhon Picard Byron, enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti, « Gangs et pouvoir en Haïti, histoire d’une liaison dangereuse », Radio France internationale, 23 septembre 2022 ; et « L’« État de dealers » guerroyant contre l’« État de droit » en Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Médiapart, 18 janvier 2024.)
Il est utile de rappeler qu’à travers le monde, dans différents pays, la fascination des intellectuels pour le pouvoir a emprunté diverses voies, qu’elles soient pacifiques ou violentes. Ainsi, l’on peut (re)lire la trajectoire historique de l’intellectuel haïtien sur deux registres liés :
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Premier registre / L’intellectuel est à la fois le dépositaire d’une fonction sociale, d’une fonction symbolique/sémiotique, notamment dans le champ de la culture ; il est le dépositaire et le garant du pouvoir de la langue, l’actant et l’arbitre des luttes de pouvoir ; il est le dépositaire-reproducteur d’un pouvoir symbolique reconnu et valorisé par le corps social (Bourdieu). C’est principalement sur ces registres que l’on a retracé les écrits et l’action des « intellectuels serviles » durant la dictature de Duvalier (voir plus bas). C’est également sur ces registres que l’on a retracé les écrits et l’action des « intellectuels serviles » auxquels a fait appel, ces douze dernières années, le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste. NOTE – Sur les notions ci-haut évoquées, un parcours conceptuel et définitionnel particulièrement éclairant figure dans Pierre Bourdieu, « Sur le pouvoir symbolique », revue Annales, vol. 32, no 3, 1977 ; dans « Le Sens pratique », Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1980 et dans « Ce que parler veut dire / L’économie des échanges linguistiques » Paris, Fayard, 1982.
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Deuxième registre / L’intellectuel est l’actant qui revêt les attributs de la figure tutélaire du PÈRE, qui est une figure du POUVOIR à la fois dans sa matérialité et dans sa symbolique. Sur ce registre, l’« intellectuel servile » s’est transformé en « intellectuel rentier », ardent défenseur de la « rente financière d’État » que lui garantit ses « prestations sur commande » ; il est également le fervent acteur du dispositif narratif destiné à instituer le « consentement politique » tant à l’échelle nationale qu’à l’international. À ce niveau, le « consentement politique » trouve sa légitimation dans la figure tutélaire du PÈRE, qui est une figure du POUVOIR : le PÈRE dicte la Loi, et même les pouvoirs autocrates se réclament de la Loi. C’est par exemple le rôle dévolu aux diplomates haïtiens dans les grandes capitales ces dernières années à Ottawa, à Montréal et à la représentation diplomatique d’Haïti auprès de l’Unesco à Paris. Nous reviendrons là-dessus. C’est aussi le rôle dévolu par le PHTK néo-duvaliériste à l’« intellectuel servile » dans la saga d’une surréaliste et prochaine « Conférence nationale » qui devra, dans le dispositif narratif et idéologique du « consentement politique », accoucher au forceps d’une énième tentative illégale et anticonstitutionnelle de révision de la Constitution (voir plus bas le mandat du Groupe de travail sur la constitution (GTC). Il ne s’agit pas en l’espèce d’une dérive politicienne mais plutôt d’une sorte de « grammaire interne » indispensable à la fabrique du « consentement politique » : la LOI suprême, celle qui est placée au sommet de la hiérarchie des Lois est la Constitution. Les différents régimes politiques de l’après-1987 –qui à plusieurs égards n’ont pas appliqué la Constitution de 1987–, ont en vain tenté de l’« amender », de la « réformer » ou de la remplacer par une « nouvelle Constitution » hyper présidentialiste… L’on observe que la fabrique du « consentement politique » a aussi besoin de se draper d’une « légitimité » constitutionnelle afin que l’« intellectuel servile » soit en mesure de mener à bien les missions que lui confie le PHTK néo-duvaliériste… La confiscation du vote populaire –le référendum victorieux de mars 1987 qui a accordé une ample légitimité à la Constitution de 1987–, s’avère être, dans cette optique, une véritable partie de poker-menteur à laquelle sont conviés les « experts constitutionnalistes » de tout acabit et les éternels « djobeurs » de la scène politique friands de « chèques zombis ». C’est le prix à payer pour se défaire de la première Constitution haïtienne véritablement démocratique et qui a, pour la première fois dans l’histoire nationale, co-officialisé les deux langues de notre patrimoine linguistique historique, le créole et le français.
Les « intellectuels serviles » durant la dictature des Duvalier et au cours des douze années du pouvoir kleptocratique du PHTK néo-duvaliériste
La dictature de François Duvalier a eu ses « intellectuels serviles », ses « nervis en service commandé » : les frères Paul et Jules Blanchet ; l’animateur radio et propagandiste Georges Figaro, vociférateur sur les ondes du mantra duvaliérien « dife lan kay la rele ponpye » et louangeur du nazi Goebbels spécialiste de la manipulation des masses durant le règne d’Hitler ; l’idéologue raciste René Piquion (porte-étendard du noirisme et des « authentiques »), Gérard Daumec (le préfacier en 1967 du « Guide des « Œuvres essentielles » du docteur François Duvalier »), le proto-nazi Gérard de Catalogne (admirateur de Pétain et de Maurras et responsable éditorial des « Œuvres essentielles » de François Duvalier), et l’autoproclamé « historien » révisionniste Rony Gilot (laudateur de la dictature duvaliériste). À l’instar de celui de Dominique Dupuy, la « funambule vedette BCBG » du PHTK néo-duvaliériste dont il sera question plus loin dans cet article, l’itinéraire de Rony Gilot est emblématique de l’inscription de l’« intellectuel servile » dans l’histoire contemporaine d’Haïti au creux du dispositif narratif destiné à instituer le « consentement politique ». Il est nécessaire d’en fournir un éclairage approprié. Ainsi, il est utile de rappeler que le fervent tonton macoute et négationniste Rony Gilot, avant son décès en 2021, a été un « écrivain » courtisé et toléré en Haïti, en particulier par les individus et les institutions qui s’accommodent sans états d’âme d’une « amnésie historique » opportune ou d’une « myopie volontaire ». Rony Gilot est l’auteur de plusieurs ouvrages révisionnistes destinés à réhabiliter le duvaliérisme et à donner une assise « historique » à la perpétuation des idées duvaliéristes. Inculpé devant la justice haïtienne, Rony Gilot n’était pas un inconnu sur la scène politique nationale. Duvaliériste et zélé tonton macoute « en service commandé » depuis les années 1960, ancien député et ancien ministre de l’Information sous le régime de Jean-Claude Duvalier, il a cultivé durant toute sa carrière politique un passé scabreux, a été mêlé à de violents actes de répression de la dictature duvaliériste durant la grève de 1960 – 1961 de l’Union nationale des étudiants haïtiens (voir le livre collectif publié en 2010 par l’économiste et historien Leslie Péan aux Éditions Mémoire d’encrier, « Entre savoir et démocratie / Les luttes de l’Union nationale des étudiants haïtiens (UNEH) sous le gouvernement de François Duvalier »). Rony Gilot a été conseiller spécial de Michel Martelly au même titre que Nicolas Duvalier, fils de Jean-Claude Duvalier et « joker » en embuscade d’une éventuelle candidature présidentielle pour le compte du PHTK. Le tonton macoute Rony Gilot, « historien » autoproclamé, a entrepris une « œuvre » révisionniste et apologétique de réhabilitation du duvaliérisme et de la dictature duvaliériste dans ses publications. Ancien responsable du journal de propagande jeanclaudiste « L’Assaut » dans les années 1980, membre fondateur et propagandiste du Conseil national d’action jeanclaudiste, le CONAJEC, au cours des années 1970–1980 et de la Fondation François Duvalier en 2006, Rony Gilot est l’auteur notamment de « Au gré de la mémoire / François Duvalier, le mal-aimé » (Le Béréen, 2007) et de « Au gré de la mémoire, Jean-Claude Duvalier ou l’ingénuité captive » (Le Béréen, 2010), ouvrages dans lesquels il s’emploie à travestir la nature essentiellement totalitaire et kleptocrate de la dictature duvaliériste. Rony Gilot a accédé au poste de secrétaire général du Sénat haïtien en 2008 et, en 2016, il a été nommé par Jocelerme Privert, président provisoire d’Haïti, au poste de secrétaire général adjoint du Palais national… Ainsi s’exemplifie un enjeu encore actuel pour certains duvaliéristes et quelques nostalgiques de la dictature duvaliériste : en plus d’être l’éminence grise au cœur du pouvoir du Parti haïtien Tèt kale, il s’agit pour eux de perpétuer le règne de l’impunité en Haïti, règne vieux d’une trentaine d’années et au cours duquel ils n’ont pas eu à rendre compte de leurs crimes contre la nation haïtienne en dépit du procès intenté à Jean-Claude Duvalier et consorts par-devant la justice haïtienne. (Voir le livre fort bien documenté du juriste Jaccéus Joseph, « Le procès de Duvalier pour crimes contre l’humanité », Éditions du Cidihca, 2013 ; voir le texte « Procès Duvalier : une étape historique pour la lutte contre l’impunité, selon Avocats sans frontières Canada », Montréal, 20 février 2014 ; voir aussi l’article du 20 mars 2018 de la Fédération internationale pour les droits humains (la FIDH), « Les complices de Jean-Claude Duvalier doivent enfin répondre de leurs crimes devant une cour de justice haïtienne ».)
Dans le contexte politique des douze dernières années en Haïti, le cartel politico-mafieux du PHTK a mobilisé quelques universitaires djobeurs et « intellectuels serviles » auxquels une mission précise a été confiée : (1) à l’échelle nationale, apporter une caution universitaire (ou une « notoriété » universitaire présumée, avérée ou fantasmée) à un pouvoir politique illégal et inconstitutionnel amplement contesté au pays, (2) contribuer à consolider –à l’aune du dispositif narratif destiné à instituer le « consentement politique »–, la reproduction d’une gouvernance d’État kleptocratique-monopoliste garante de la captation de la « rente financière d’État » dans le contexte du démantèlement des institutions républicaines par le PHTK néo-duvaliériste. Et sur la scène internationale, (3) contribuer à juguler le relatif isolement d’Haïti et plaider pour le maintien d’une manne financière appelée « coopération » bilatérale ou multilatérale aussi inefficace qu’aveugle sur les causes et les acteurs du « chaos haïtien » actuel. Le cartel politico-mafieux du PHTK a ainsi « missionné » plusieurs « intellectuels serviles », des « croisés » et zélés « cascadeurs de la pensée », notamment Fritz Dorvillier (sociologue, consul général « démissionné » d’Haïti à Montréal) ; Louis Naud Pierre (sociologue-politologue, principal rédacteur de la très décriée et non votée « Constitution » de 2021 de Jovenel Moïse et propagandiste « appointé » dans la presse haïtienne) ; Bochitt Edmond (licencié en droit de l’Université d’État d’Haïti et détenteur d’une maîtrise en relations internationales de Oxford University, ambassadeur révoqué d’Haïti aux États-Unis impliqué dans un obscur trafic de passeports) ; Weibert Arthus (sociologue, ancien enseignant, actuel ambassadeur d’Haïti au Canada) ; Dore Guichard (idéologue et propagandiste de terrain) ; Rudy Hérivaux, Renald Lubérice… La nomination-récompense de Fritz Dorvillier, Bochitt Edmond et Weibert Arthus à des postes diplomatiques, typique de « l’entre-soi » du discriminant ascenseur social qui fascine nombre d’intellectuels haïtiens, est tout à fait illégale et inconstitutionnelle puisqu’elle n’a pas été ratifiée par le Parlement haïtien comme l’exige l’article 141 de la Constitution de 1987. Nommés de manière illégale et inconstitutionnelle, ces « nervis de service » ne se sont pas embarrassés de critères éthiques dans leur rôle d’« intellectuels serviles », de « porte-plume » et de « porte-voix » du cartel politico-mafieux du PHTK : ils ont opérationnalisé sans états d’âme leur « myopie volontaire », soutenu avec ardeur un régime qu’ils savent être profondément corrompu et kleptocratique, n’hésitant pas à psalmodier la chansonnette démagogique et mystificatrice du « je sers mon pays, je ne sers pas un gouvernement »… même si c’est ce gouvernement-là qui les ont nommés et dont ils reçoivent les ordres…
L’itinéraire politique et diplomatique de Fritz Dorvillier, Bochitt Edmond Weibert Arthus, Dore Guichard, Rudy Hérivaux et Renald Lubérice est symptomatique de la fascination/attraction qu’exerce « l’ascenseur de la promotion sociale » dans l’itinéraire des « intellectuels serviles » qui ont choisi en connaissance de cause d’être « missionnés » par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste.
L’on observe que les « intellectuels serviles » sont, sur le mode d’une courroie de transmission, les dépositaires-reproducteurs d’un pouvoir symbolique reconnu et valorisé par un corps social auquel ils n’appartiennent pourtant pas et auquel ils aspirent ardemment appartenir –celui des représentants–lieutenants de la bourgeoisie compradore traditionnelle aujourd’hui concurrencée par la lumpen-bourgeoisie ordonnatrice et principale bénéficiaire du trafic de drogue et du commerce des armes en lien avec les gangs armés. Le cercle très fermé des représentants–lieutenants de la bourgeoisie compradore traditionnelle et de la lumpen-bourgeoisie a ses rites et ses rituels, ses patronymes de vieille lignée, ses arrogants fantasmes phénotypiques–cutaniques-épidermiques attachés au préjugé de couleur, ses précieux et très sélectifs carnets d’adresse où à priori ne figurent pas les « intellectuels serviles » qui, la plupart du temps, sont d’origine sociale modeste et tentent –au prix d’une laborieuse trajectoire et au périmètre d’études universitaires ardues–, de se hisser au sommet du pouvoir à la fois symbolique et politique. Dans la grammaire du pouvoir détenu par le PHTK pendant douze ans, la fonction symbolique/sémiotique dévolue à l’« intellectuel servile » est aussi celle d’être le garant du pouvoir de la langue et des représentations idéelles et sociales de la langue. Le territoire préfabriqué où se déploient ces représentations idéelles et sociales de la langue –le lieudit de l’idéologie identitaire–, est celui de LA culture et des représentations idéalisées/idéologisées de LA culture dans un pays fantasmé que l’on prétend être « un pays de poètes et de peintres » et dont la dernière « cartouche culturelle » dans le combat pour sa survie est, nous dit-on, LA culture. Comme on le verra plus loin dans le déroulé de cet article par la réflexion sur le parcours diplomatique de la « Diva funambule BCBG » du PHTK Dominique Dupuy, il s’agit de LA culture exotisée, folklorisée, réduite aux clichés muséologiques du regard de l’Autre, LA culture « soup joumou », LA culture « kasav mannyòk », LA culture konpa… qui, toutes, préfèrent ignorer la culture qui, dans ses diverses et riches expressions populaires et savantes, fédère un peuple dans les deux langues de son patrimoine linguistique historique, le créole et le français.
Le phénomène de « l’ascenseur de la promotion sociale » n’est pas nouveau en Haïti. Ce qui est nouveau, c’est qu’il a été modélisé sous les assauts mystificateurs du discours néo-nationaliste et pseudo « technique » du PHTK néo-duvaliériste –« Ayibobo pou zansèt nou yo », « Haiti is open for business »–, discours qui a par ailleurs vu refleurir le mortifère préjugé de couleur, l’arrogance perverse d’un nombre indéterminé de mulâtres placés au sommet du PHTK. Le ticket d’accès au « capital symbolique » de la pourvoyeuse « rente financière d’État » dont le PHTK a fait sa spécialité étant devenu plus onéreux, les « intellectuels serviles » sont sommés de redoubler d’efforts dans l’expression de leur fidélité et de leur loyauté au PHTK. C’est de la sorte que s’éclaire la campagne menée en 2021 dans la presse en Haïti par le sociologue-politologue-idéologue Louis Naud Pierre, principal rédacteur de la morte-née « Constitution » de Jovenel Moïse. L’on observe que « l’ascenseur de la promotion sociale » n’a pas disparu avec l’abrupt déchoukaj par le Département d’État américain, début novembre 2024, de Gary Conille, néo-duvaliériste de longue date et fidèle apparatchik du PHTK. La fascination de « l’ascenseur de la promotion sociale » est encore présente et elle s’est manifestée, avant novembre 2024, par le retour aux affaires du sociologue-politologue-idéologue Louis Naud Pierre : il est le secrétaire exécutif de la Conférence nationale et membre du GTC, le « Groupe de travail sur la Constitution » dont le Conseil présidentiel semble paradoxalement ne pas avoir le contrôle. En effet, « Le Conseil présidentiel de transition a officiellement installé les membres du comité de pilotage de la Conférence nationale, ce vendredi 23 août 2024 à la Villa d’Accueil. La cérémonie s’est déroulée en présence du ministre de la Justice et de la sécurité publique, Me Carlos Hercule, ainsi que de diverses personnalités de la vie nationale. Lors de son intervention, le Président du Conseil, M. Edgard Leblanc Fils, a souligné l’importance de la Conférence nationale dans le processus de stabilisation du pays. Il a précisé que cette conférence aura pour mission d’adopter des résolutions clés pour guider l’élaboration de textes normatifs et l’orientation de trois chantiers essentiels, la révision de la Constitution, la définition d’un nouveau projet de société pour la refondation d’Haïti, et la refonte des relations entre l’État et la société » (voir l’article « Installation du comité de pilotage de la Conférence nationale », Le National, 24 août 2024). L’on observe également que « Depuis sa mise en place conformément au décret du 17 juillet 2024 portant création, organisation et fonctionnement de la conférence nationale, le Groupe de travail sur la constitution (GTC) a effectué sa première sortie publique, ce mardi 12 novembre 2024, lors d’un point de presse, à l’hôtel Karibe. Placé sous la tutelle du Comité de pilotage de la conférence nationale, le GTC a pour mission de proposer une révision constitutionnelle en tenant compte des observations des secteurs organisés du pays » (« Haïti-Le comité de pilotage de la conférence nationale a lancé officiellement les assises », Gazette Haiti News, 12 novembre 2024).
NOTE – Le régime de Jean-Bertrand Aristide a eu lui aussi son lot d’« intellectuels serviles ». Ils ont fonctionné au creux d’un système lourdement kleptocratique, celui de la « Corruption et [du] populisme comme base du pouvoir ». Le plus emblématique des « intellectuels serviles » lavalassiens est indiscutablement le géographe Georges Anglade, ministre des Travaux publics durant la première présidence d’Aristide et auteur en 1990 du manifeste lavalassien « La chance qui passe ». L’un des meilleurs analystes de cette période, Laurent Jalabert, note de manière fort éclairante que « Fort de cet encadrement de la société, le Président Aristide s’est rapidement converti à la tentation du « président–dictateur ». Au sommet de l’État, il contrôle la belle machinerie qu’il a lui-même créée, contribuant à nourrir sa fortune personnelle. La corruption devient le principal mode de fonctionnement du pouvoir. Selon, les Nations unies, Haïti est l’un des trois pays au monde les plus corrompus. Personne ne s’étonnera de trouver dans la résidence du Président sortant des milliers de dollars en petites coupures, rongés par l’humidité et inutilisables… Le trafic international de la drogue est au cœur de ce système si l’on en croit les récentes accusations venues des É tats-Unis et largement relayées sur de nombreux sites Internet ».
« (…) Parallèlement, et afin de maintenir sa popularité, Aristide abuse de discours démagogiques. Il ravive ainsi les antagonismes « socio-raciaux », opposant les bourgeoisies mulâtres et le petit peuple des bidonvilles, dont il rappelle les origines noires africaines. De même, son programme de « restitution des dédommagements de l’indépendance et de réparation pour l’esclavage demandées à la France » est un pur symbole de l’hypocrisie politique. Il réclame 21 milliards de dollars, pour chaque milliard correspond un nouveau programme en 21 points qui était censé permettre le redressement du pays dans les 10 ans à venir. Pour Laennec Hurbon, Aristide lance une « bataille imaginaire » : la France, par souvenir de la colonisation est désignée comme une « entité maléfique qui serait responsable du manque d’eau etc. ». La démagogie fonctionne à plein. Enfin, dernier exemple de cette volonté de flatter le peuple, son admiration pour le vaudou. En proclamant le vaudou religion officielle, il cherche à s’attirer la sympathie des masses. Le régime vit du clientélisme, de la corruption, et des violences quotidiennes (voir l’article « Un populisme de la misère : Haïti sous la présidence Aristide (1990-2004) », par Laurent Jalabert, paru dans Amnis, Revue d’étude des sociétés et cultures contemporaines Europe-Amérique, 5/2005). Il faut nuancer ce propos : les meilleurs analystes de cette période de l’histoire nationale d’Haïti ont mis en lumière les effets économiques dommageables de la rançon de l’Indépendance extorquée à Haïti par la France en vue de « reconnaître » cette indépendance. En réalité il a été surtout question pour l’ancienne puissance coloniale de dédommager les colons chassés d’Haïti par la révolution de 1804 (voir « Thomas Piketty, Haïti et la dette d’Indépendance », Madinin’Art, 16 juillet 2020).
Un itinéraire particulièrement significatif de l’« intellectuel servile » : celui de Dominique Dupuy, la « funambule vedette BCBG » du PHTK néo-duvaliériste
Le dispositif narratif de l’« intellectuel servile » met en scène la production du sens dans une « société du paraître », mais pas n’importe quel sens : il doit inspirer, encadrer et donner lieu au « consentement politique » en vue de l’adhésion publique, à l’échelle nationale et internationale, à l’action du PHTK néo-duvaliériste. Sur ce double registre, l’action des diplomates est une action de premier plan.
L’on observe que l’action diplomatique joue un rôle central dans la « fabrique du consentement politique » : les discours et l’action de Dominique Dupuy, la « funambule vedette BCBG » du PHTK néo-duvaliériste, en témoignent de manière documentée. Il serait naïf de croire que Dominique Dupuy aurait aluni au miséricordieux Jardin des « bandits légaux » du PHTK sur un coup de dés, « comme par hasard » ou selon une vertueuse volonté de « servir son pays »… Les universitaires haïtiens interrogés ces dernières semaines sont unanimes : DOMINIQUE DUPUY EST AU CŒUR MÊME DU DISPOSITIF IDÉOLOGIQUE DU « CONSENTEMENT POLITIQUE » ÉCHAFAUDÉ PAR LE PHTK NÉO-DUVALIÉRISTE. Elle y joue le trémolo de la partition musicale qui lui a été dictée par les « caïds idéologues » du PHTK néo-duvaliériste avec une apparente candeur qui peut séduire bien des cœurs sensibles… La récente envolée lyrique, le délirant « cocorico identitaire », sorte de mantra identitariste de la « Diva funambule BCBG » à propos de la « soup joumou » en est l’évidente illustration (voir Le Nouvelliste du 17 décembre 2021). En voici un extrait : « « L’UNESCO a fait entrer dans le patrimoine culturel immatériel de l’humanité, le jeudi 16 décembre 2021, lors de la 16e session intergouvernementale, la soupe joumou. Une bonne nouvelle pour tous les fils et filles d’Haïti, quel que soit l’endroit où ils se trouvent. Par cette grande décision [sic] au niveau de la plus haute sphère des Nations unies, notre soupe joumou, une fierté nationale [sic] jouit désormais d’une reconnaissance mondiale [sic] ». L’objectif stratégique de l’« opération soup joumou » est amplement repérable dans la séquence suivante : « Cette inscription de la soup joumou, à ce sombre moment de notre parcours de peuple, à la clôture d’une année des plus éprouvantes, est un nouveau flambeau [sic] qui saura raviver nos élans solidaires, et notre foi dans des lendemains meilleurs »… L’on observe en Haïti que l’« opération soup joumou » est destinée à installer à l’échelle internationale un regard consensuel préfabriqué et affabulatoire sur une Haïti dirigée par des « bandits légaux » au cœur même de la criminalisation/gangstérisation du pouvoir d’État, une Haïti où les néo-macoutes du PHTK ont « démantibulé » les institutions régaliennes de l’État, une Haïti livrée à la fureur des gangs armés réputés liés au cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste… Mais tout cela Dominique Dupuy, la « Diva funambule BCBG », le savait avant d’occuper les postes de représentante d’Haïti auprès de l’UNESCO et celui de ministre des Affaires étrangères d’Haïti sur recommandation insistante de deux poids lourds du PHTK néo-duvaliériste, les « caïds à cravate » Laurent Lamothe et Claude Joseph…
L’« opération soup joumou » est destinée à installer à l’échelle internationale un regard consensuel préfabriqué et affabulatoire sur Haïti à l’aune de la « fabrique du consentement politique ». L’on observe toutefois que l’« opération soup joumou » participe d’un phénomène socio-économique et politique beaucoup plus large, celui d’un système de gouvernance de l’État haïtien selon le « modèle » promu par les auto-proclamés « bandits légaux » du PHTK : la corruption et la vassalisation de l’ensemble des institutions de l’État et la banalisation de cette corruption invisibiliée. À cet égard, il faut prendre toute la mesure que la configuration structurelle de l’État haïtien s’est considérablement modifiée depuis une douzaine d’années –« l’État patrimonial et rentier » devenant de plus en plus, au fil des ans, un « État gangstérisé », un « État en voie de somalisation » comportant plusieurs pôles en lutte pour l’hégémonie politique : « les micro-États des gangs armés » en concurrence avec des reliquats structurels de l’« l’État central patrimonial et rentier ». Mais tout cela, Dominique Dupuy le savait déjà au moment où elle a choisi de mettre sa présumée « expertise » en promotion du patrimoine culturel haïtien au service de la propagande du cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste… (NOTE – Sur la gangstérisation/criminalisation de l’État haïtien, voir l’étude de Frédéric Thomas « Haïti : la gangstérisation de l’état se poursuit », Cetri, Université de Louvain, 7 juillet 2022 ; sur les auto-proclamés « bandits légaux » du PHTK, voir l’article de Rorome Chantal de l’Université de Moncton, « L’ONU, le PHTK et la criminalité en Haïti », AlterPresse, 25 juillet 2022 ; voir aussi l’article de Laënnec Hurbon, « Pratiques coloniales et banditisme légal en Haïti », Médiapart, 28 juin 2020 ; voir « Haïti dans tous ses états » : halte à la duvaliérisation des esprits ! », par Arnousse Beaulière, AlterPresse, 19 février 2020 ; voir également l’entrevue de Jhon Picard Byron, enseignant-chercheur à l’Université d’État d’Haïti, « Gangs et pouvoir en Haïti, histoire d’une liaison dangereuse », Radio France internationale, 23 septembre 2022 ; et « L’« État de dealers » guerroyant contre l’« État de droit » en Haïti », par Robert Berrouët-Oriol, Médiapart, 18 janvier 2024. Sur la « somalisation d’Haïti », voir l’entrevue de Laurent Giacobbi, enseignant à l’Université des Antilles et chercheur associé à l’IRIS, l’Institut de relations internationales et stratégiques, « Haïti, un an après… encore un an ? », IRIS-France, 14 octobre 2024.)
Au moment où Dominique Dupuy, ex-ambassadrice d’Haïti auprès de l’UNESCO et ex-ministre des Affaires étrangères d’Haïti, entonnait un surréaliste et démagogique « cocorico identitaire » à propos de la « soup joumou » frauduleusement qualifiée de « soupe de l’Indépendance » d’Haïti –la « soup joumou » est un nouveau flambeau [sic] qui saura raviver nos élans solidaires et notre foi dans des lendemains meilleurs »–, la presse en Haïti exposait une situation tout à fait différente.
Ainsi, en Haïti, le site en ligne AlterPresse, connu pour le professionnalisme de ses journalistes, informait que « La dégradation du climat sécuritaire en Haïti, notamment dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, a provoqué la fermeture brutale de plus d’un millier d’établissements publics et privés, alerte la Coalition de la jeunesse haïtienne pour l’intégration (Cojhit), dans une enquête dont les données ont été transmises à l’agence en ligne AlterPresse » (source : « Crise / Fermeture de plus d’un millier d’écoles en Haïti, à cause de la terreur des gangs, alerte la Cojhit », AlterPresse, 1er février 2024).
Pour sa part, le site ONUinfo informait que « La recrudescence de la violence armée en Haïti a déclenché une profonde crise humanitaire et, dans son sillage, une hausse du nombre d’enfants déplacés à l’intérieur du pays, qui s’élève désormais à 170 000, a averti le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en début de semaine. En Haïti, les enfants et les familles subissent des vagues incessantes d’extrême violence, chaque jour apportant son lot d’horreurs telles que la perte d’êtres chers ou l’incendie de leur maison. La peur est omniprésente », a déclaré Bruno Maes, Représentant de l’UNICEF en Haïti, qui a visité trois sites d’accueil pour personnes déplacées dans le centre de Port-au-Prince.
« Les derniers chiffres de l’ONU, qui s’appuient sur une étude conjointe de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de la Direction générale de la Protection civile (DGPC) haïtienne, datant de janvier 2024, révèlent que près de 314 000 personnes ont été contraintes de fuir leur domicile pour se réfugier ailleurs dans le pays, principalement à Port-au-Prince et dans le département de l’Artibonite » (source : ONUinfo , « Haïti : au moins 310 000 déplacés par la violence des gangs, plus de la moitié sont des enfants », 31 janvier 2024).
Dans l’article « La « soup joumou » dotée du statut chimérique de « soupe de l’Indépendance » ou l’histoire d’une frauduleuse affabulation dénuée de fondements historiques » (le 17 novembre 2024) nous avons fait la démonstration –à propos de la « soup joumou », frauduleusement dotée du statut chimérique de « soupe de l’Indépendance » d’Haïti–, que la fabrication de cette « fable mythologisée » en dehors de travaux de recherche scientifiques attestant la véracité d’une telle affabulation/mythologisation identitaire, a bénéficié de « la caution universitaire aveugle, fallacieuse, frauduleuse et démagogique de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique et de l’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval…
La caution académique aveugle, fantaisiste et erratique de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique et de l’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval a servi —en dehors du moindre travail de recherche scientifique ciblant spécifiquement la « soup joumou » pseudo « soupe de l’Indépendance » d’Haïti–-, à l’instrumentalisation politique d’une frauduleuse demande auprès de l’UNESCO. La caution académique aveugle d’institutions universitaires canadiennes pourtant réputées, jusqu’ici, pour la rigueur de leurs travaux scientifiques et leur rectitude éthique a ainsi servi à l’inscription de la « soup joumou » pseudo « soupe de l’Indépendance » d’Haïti sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité pour Haïti. En l’espèce, nous sommes bien en présence d’une arnaque diplomatique, d’une fraude académique et intellectuelle qui n’a rien à voir avec la riche culture populaire et savante élaborée par les Haïtiens depuis deux siècles.
L’inscription de la « soup joumou », pseudo « soupe de l’Indépendance » d’Haïti, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO a été politiquement instrumentalisée sous la direction de la « Diva funambule BCBG » Dominique Dupuy, ex-ambassadrice d’Haïti auprès de l’UNESCO et ex-ministre des Affaires étrangères d’Haïti. Nommée par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste qui a été au pouvoir en Haïti ces douze dernières années, Dominique Dupuy a instrumentalisé la caution académique aveugle d’institutions universitaires canadiennes dans le contexte où Haïti faisait face à sa plus cauchemardesque crise sécuritaire et politique alimentée par les gangs criminels réputés proches du PHTK néo-duvaliériste.
Œuvrer à l’inscription de la « soup joumou » au patrimoine immatériel de l’UNESCO, comme l’a fait la diplomate Dominique Dupuy avec autant d’amateurisme et d’incompétence, est manifestement une délétère contribution à la réitération d’une obscure affabulation destinée à alimenter, sur la culture populaire, un discours identitaire aussi rachitique que mystificateur d’une part. C’est surtout, d’autre part, un lourd déficit de perspective historique et une myopie caractérisée quant aux urgences repérables dans le riche domaine de la culture haïtienne.
Sur le registre de l’appropriation et de l’instrumentalisation de la culture populaire haïtienne par certaines fractions de la petite bourgeoisie urbaine, il est indispensable de (re)lire l’un des ouvrages majeurs du sociologue Laënnec Hurbon, « Culture et dictature en Haïti / L’imaginaire sous contrôle » (Éditions Karthala, 1979). Laënnec Hurbon est docteur en sociologie (Sorbonne), directeur de recherche au CNRS et professeur à l’Université Quisqueya en Haïti. Dans cet ouvrage, Laënnec Hurbon présente une rigoureuse analyse critique des idées contenues dans le livre de Jean-Jacques Honorat, « Enquête sur le développement » (Éditions Fardin, 1974). Duvaliériste notoire, Jean-Jacques Honorat a été nommé Premier ministre par le Président provisoire Joseph Nérette, homme de paille des militaires qui ont réalisé le coup d’État contre Jean-Bertrand Aristide en 1991.
Avec rigueur et hauteur de vue Laënnec Hurbon nous enseigne, au chapitre « Indigénisme et négritude » de son livre, que « Dans le premier cas, il s’agit essentiellement de la littérature dite de l’indigénisme et de la négritude qui s’est donnée pour tâche depuis 1928 la réhabilitation de la culture populaire en Haïti. Ce thème de la culture semble renvoyer finalement (…) au désir d’hégémonie d’une fraction de la petite bourgeoisie intellectuelle noire qui, sur la base même d’une appropriation littéraire de la culture populaire, cherche à renforcer sa distance vis-à-vis des classes populaires. En réaction contre la longue domination occidentale, cette fraction de la petite bourgeoisie situe la culture populaire du côté de « la pureté », de « l’authenticité », et la constitue en « survivance » à sauver coûte que coûte. Pour cela, elle la fait accéder à l’état d’objet favori d’étude, de thème littéraire, maintenant que sa disparition est assurée. La culture populaire haïtienne subit ainsi une métamorphose : elle est décrétée belle : belle de « la beauté de la mort ». « En quêtant une littérature ou une culture populaire, la curiosité scientifique ne sait plus qu’elle répète ses origines et qu’elle cherche ainsi à ne pas connaître le peuple ».
« Idéaliser à ce point la culture haïtienne, en l’imaginant transcendante aux différentes classes qui s’affrontent, c’est reprendre telle quelle la perspective même de l’impérialisme culturel qui se porte bien partout où les luttes de classes sont dissimulées. Pour Honorat, tout se passe comme si le simple fait de se reconnaître de la même culture mettrait Noirs et Mulâtres, citadins et ruraux, bourgeois et prolétaires, ensemble dans la même voie du travail pour le développement. Nationalisme culturel ou idéologie de l’unité (factice) de la Nation pour mieux maintenir un contrôle des classes dominées ? ».
La réflexion de Laënnec Hurbon éclaire sur plusieurs registres notre interrogation sur l’accession de la « soup joumou » au statut chimérique de marqueur de l’identité haïtienne et de soi-disant « soupe de l’Indépendance » : elle est une affabulation, une mythologisation identitaire en quête de repères… La qualification de la « soup joumou », élevée au statut de « soupe de l’Indépendance », est de l’ordre du charlatanisme historique et de la fraude intellectuelle. De Bayyinah Bello, idéologue de l’exotisation de la culture haïtienne, à la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique et à l’Institut du patrimoine culturel de l’Université Laval, le charlatanisme historique et la fraude intellectuelle n’ont généré que des sous-produits dénués de la moindre valeur scientifique : l’affabulation et la mythologisation identitaire.
La vision exoticisante et folklorisante de la culture populaire haïtienne véhiculée par la « vedette funambule BCBG » du PHTK, Dominique Dupuy, participe d’un corps d’idées issues de la pensée racialiste de Lorimer Denis et François Duvalier. Cette parenté idéologique entre Dominique Dupuy et Lorimer Denis / François Duvalier est repérable dans un article très peu connu paru dans le Bulletin du Bureau d’ethnologie et dont le titre est « L’évolution spatiale du vodou » (numéro 3, février 1944, pages 9 à 32).
En voici un extrait :
« Introduction à l’étude comparée des données historico-culturelles de la culture populaire et des origines ethniques du peuple haïtien.
La tâche que nous nous sommes proposée en élaborant cette étude est d’amorcer une synthèse de la religion des masses haïtiennes : le VODOU. Mais le Vodou est à la fois un fait religieux et polico-social, qui se trouve conditionné par de multiples facteurs. Donc, pour le saisir dans la complexité de ses modalités cultuelles, il importe de s’évertuer à rétablir les concepts métaphysiques qui lui ont servi de substrat et d’essayer d’évoquer les circonstances historiques qui ont présidé à son évolution. Circonstances dont cette religion demeurera la plus haute spiritualisation. Au point qu’il n’est pas osé d’affirmer que plus on en pénètrera les mystères, mieux l’histoire d’Haïti nous livrera ses secrets. Aussi allons-nous faire précéder ce travail de quelques brefs aperçus sur la formation ethnique du peuple haïtien. C’est simplement logique si au cours de notre développement nous considérons avec plus d’ampleur le groupe de peuples dont les cultures ont particulièrement contribué à !’élaboration de notre Vodou. Et la meilleure technique à suivre dans notre tentative d’appréhender les différentes composantes raciales de l’ethnie haïtienne est de !es détecter dans I’ordre stadial de leur intégration historique.
1) Composantes raciales de l’ethnie haïtienne et base ethnique de la culture populaire.
2 ) Éléments eurpoïdes. »
Dans cet hallucinant article qui emprunte l’allure d’un texte « scientifique », le terme « race est employé 13 fois. En voici quelques exemples :
–« Enfin ce sont ces races multiples qui ayant mélangé leur sang avec celui des Nagos, des lbos etc., ont engendré l’Haïtien, produit métissé du blanc et du noir » (page 11).
–« Et si maintenant I’on replace l’Haïtien dans le cadre colonial, véritable creuset ou de multiples variétés de races se sont fondues pour le générer, vous vous représenterez la bataille que ces sangs divers et ces tendances antagoniques se livrent clans sa biologie, autant que dans le champ de sa conscience morale. Et vous saisirez enfin le sens du drame
social que confronte cette petite communauté de nègres perdus dans le bassin des Caraïbes » (page 13).
–« En cette Guinée si riche en réalisations de grandeur, si féconde en unités humaines, ces noirs de !’antique Juda, plus encore que les Fons, les Mahis ou les Mines, semblaient cristalliser dans leur demarche politique et morale, la potentialité créatrice de la race » (page 19).
–« Si, depuis la terre africaine, il n’existait pas de nation, puisqu’ aucun principe de solidarité ne servait de ciment entre les royaumes, voire même entre les tribus qui les formaient puisque !es croyances se présentaient si diverses dans leurs modalités, quels comportements vont affecter ces transplantés devant l’ennemi de leur race, le colon de St-Domingue ? Où vont-ils puiser le principe de ralliement en vue d’une action commune ? » (page 22).
–« Suprême facteur de !’unité haïtienne, en vue de l’indépendance nationale, le Vodou se devait aussi de cristalliser, dans le dynamisme de ses manifestations culturelles, le passé de I’ Africain sur le sol natal, son martyre dans Ia · géhenne coloniale, l’héroïsme des preux pour réaliser le miracle de 1804. Et comme cette religion est une création constante, elle sublimise, en la perpétuant à travers les générations, la tragédie d’une classe d’hommes dépositaires pourtant des traditions authentiques de la race : les masses haïtiennes » (page 23).
–« Mais ce que le Vodou perpétue par-dessus tout, c’est le sentiment de la race. L’Haïtien des faubourgs et de nos montagnes affirme, lui, sa solidarité biologique, spirituelle avec son ascendance guinéenne » (page 30).
Dans sa thèse de doctorat soutenue à l’Université de Montréal en 2022, « Tout [n’]était pas si négatif que ça : les mémoires contestées du duvaliérisme au sein de la diaspora haïtienne de Montréal, 1964-2014 », l’historienne Virginie Bélony évoque le concept de « nationalisme ethnique » pendant la période des Duvalier. Dans le deuxième chapitre de sa thèse, elle présente le dispositif idéel/idéologique de Gérard Daumec, auteur privilégié du giron duvaliériste, qui évoque un « facteur raciologique » à la culture haïtienne dans son ouvrage « Guide des Œuvres essentielles » (1967). En raison de sa haute pertinence, nous citons ce passage de la thèse de Virginie Bélony.
« Le Guide des Œuvres Essentielles (1967) par Gérard Daumec en accomplit peu pour réellement présenter le contenu des quatre tomes, et ne fait que remémorer le génie du président Duvalier et la lutte acharnée qu’il mène pour porter Haïti vers son destin. Aussi, après une brève introduction, le lecteur est confronté à divers textes écrits par Duvalier pendant les années 1930 et 1940 (formule reprise dans le premier tome des « Œuvres essentielles ») et notamment à un extrait de l’ouvrage apparemment très célèbre et apprécié dans les cercles du régime, soit « Le problème des classes à travers l’histoire d’Haïti » (1948). Daumec positionne le fondement idéologique du duvaliérisme dans l’école des Griots, « ce mouvement libérateur » qui, à une certaine époque, préconisait « la rupture avec les vieux clichés romantiques ». Corroborant les propos de René Piquion qui, lui, voyait dans les Griots une manifestation d’un effort plus large afin de « rétablir avec les armes de la science l’élément nègre » de la culture haïtienne (« sans pour autant, » ajoute l’auteur, « éliminer le facteur blanc »), Daumec situe la riposte des Griots dans une visée sensible « aux éléments bio-psychologiques de l’homme haïtien ». L’essentialisme avec lequel la culture haïtienne est décrite ici effleure d’une part ce qui est devenu coutume de tout effort de justification duvaliériste, c’est-à-dire évoquer comment Duvalier mobilise à travers sa politique ses longues années d’études, et d’autre part réitère cet intérêt jamais réellement démenti (mais parfois atténué dans certains discours du président) pour « la valorisation de ce facteur « raciologique » cet élément ou caractère « racial » requérant une gouvernance particulière pour Haïti » (Virginie Belony, op. cit., pages 130-131).
Enfin en ce qui a trait à l’imbrication structurelle entre le « nationalisme identitaire », le « facteur raciologique » du racisme noiriste duvalierien et le dispositif idéel/idéologique situé en structure profonde du narratif dans lequel s’insère la falsification historique de la « soup joumou » alias « soupe de l’Indépendance, il y a lieu de (re)lire un article du théologien/historien David Nicholls, intitulé « Embryo-Politics in Haiti » (1971), qui mérite la meilleure attention. Dans cet article, David Nicholls explore les diverses formes de nationalisme qui ont émergé en Haïti pendant l’occupation américaine (1915-1934). Il évoque des figures de proue, entre autres celle de Jean Magloire qui, dans les années 1930, ont glorifié des personnalités telles que Mussolini et Hitler au nom du nationalisme. Selon David Nicholls, le duvaliériste Jean Magloire a par la suite intégré un poste ministériel sous le gouvernement de François Duvalier (1957-1971).
La saga de la « soup joumou » alias « soupe de l’Indépendance », concoctée et mise en scène par la « vedette funambule BCBG » du PHTK, Dominique Dupuy, n’est ni un fait anodin ni un quelconque « accident de parcours ». En toute rigueur, cette saga interpelle plusieurs facteurs liés : (1) les fonctions idéologiques de la langue et (2) une vaste entreprise de fabrication du « consentement politique » élaborée par le PHTK. Ce deuxième facteur a amplement été abordé dans le déroulé analytique du présent article.
En ce qui a trait au premier facteur et sous réserve d’un approfondissement analytique ultérieur, nous pouvons déjà donner accès à une référence documentaire de premier plan de Claude Raffestin, « Pour une géographie du pouvoir ». Cet ouvrage a été édité par Anne-Laure Amilhat Szary et Yann Calbérac : Paris, éd. LITEC, 1980 [ENS Éditions, 2019].
Cet ouvrage expose que « Henri Gobard procède à une analyse tétra-glossique (…). Il a été amené « à distinguer pour une aire culturelle donnée, quatre types de langage, quelle que soit la langue utilisée » :
-
un langage vernaculaire, local, parlé spontanément, moins fait pour communiquer que pour communier…,
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un langage véhiculaire, national ou régional, appris par nécessité destiné aux communications à l’échelle des villes,
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un langage référentiaire, lié aux traditions culturelles, orales ou écrites, assurant la continuité des valeurs par une référence systématique aux œuvres du passé,
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un langage mythique qui fonctionne comme ultime recours, magie verbale dont on comprend l’incompréhensibilité comme preuve irréfutable du sacré…
La saga de la « soup joumou » alias « soupe de l’Indépendance » –bricolée et mise en scène par la « vedette funambule BCBG » du PHTK, Dominique Dupuy-–, est révélatrice d’un état de fait : la société haïtienne n’a toujours pas effectué sa déduvaliérisation et les idées duvaliériennes, qui ont profondément investi l’imaginaire et l’inconscient collectif haïtiens, sont encore prégnantes dans toute la société haïtienne que certains analystes ont baptisée « société du paraître ». La saga de la « soup joumou » alias « soupe de l’Indépendance » procède manifestement du langage référentiaire et du langage mythique au creux du dispositif narratif destiné à instituer le « consentement politique » privilégié par le cartel politico-mafieux du PHTK néo-duvaliériste ces douze dernières années. C’est dans cet environnement langagier, socio-économique et politique que les « intellectuels serviles » ont inscrit leurs idées, leurs prestations, leurs fantasmes identitaires et leurs multiples manipulations de la culture populaire haïtienne.
Montréal, le 22 novembre 2024