— Par Jean-Marie Nol —
Dans l’arène politique et économique, la préférence pour des résultats immédiats peut souvent obscurcir la vision des conséquences à long terme.
À l’heure où les crises économiques et les incertitudes mondiales persistent, les collectivités locales se retrouvent confrontées à un défi financier de taille : la diminution des ressources financières. Les recettes fiscales traditionnelles et les dotations de l’État, principales sources de financement des collectivités locales, sont en voie de diminution.
Les ressources financières sont déjà en voie de raréfaction, aussi nous explorerons les implications de cette tendance et les défis qu’elle pose pour les administrations locales de Guadeloupe et Martinique. En effet dans les années qui viennent la pression financière sera croissante tant au niveau des collectivités que des ménages.
Les collectivités locales dépendent largement des recettes fiscales, telles que la taxe foncière, la taxe sur les carburants, l’octroi de mer et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, pour financer leurs services et infrastructures essentiels. Cependant, avec les récentes crises économiques et les changements politiques, ces recettes sont en diminution. De plus, les dotations de l’État, qui représentent une part importante du budget des collectivités locales, sont également sujettes à des réductions budgétaires. Cette double pression financière met en péril la capacité des administrations locales à répondre aux besoins de leurs citoyens. Et tout cela entraîne des conséquences pour les services publics locaux.
La diminution des ressources financières des collectivités locales se traduit inévitablement par des répercussions sur les citoyens. Les investissements dans l’éducation, la santé, les infrastructures et d’autres domaines clés peuvent être compromis. Les projets de développement économique et social peuvent être retardés ou abandonnés, ce qui entrave la croissance et l’attractivité des régions. De plus, les collectivités locales pourraient être contraintes de réduire les effectifs et de comprimer les dépenses, ce qui impacte directement la qualité et l’accessibilité des services publics. Les décisions prises aujourd’hui peuvent avoir un impact profond sur les générations futures, et négliger cet aspect peut entraîner des conséquences désastreuses. Il existe bel et bien un danger inhérent à sous-estimer les effets du temps long, qui met en lumière les ramifications politiques et économiques de cette négligence. Ainsi dans le domaine politique, les cycles électoraux et les impératifs de court terme peuvent inciter les dirigeants à privilégier des politiques qui offrent des résultats immédiats, souvent au détriment d’une vision à long terme.
C’est le cas de la réforme institutionnelle, avec entre autres, la fusion du département et de la région en Guadeloupe. Les réformes structurelles nécessaires pour aborder les problèmes complexes comme les mutations technologiques, le changement climatique, les inégalités sociales, ou l’insécurité, sont souvent repoussées au profit de mesures plus populaires à court terme. Cette tendance crée un cercle vicieux où les défis émergents sont souvent ignorés ou minimisés jusqu’à ce qu’ils atteignent des proportions critiques à l’exemple de la question de l’immigration en France hexagonale, rendant les solutions beaucoup plus difficiles et coûteuses. De même sur le front économique, la quête de croissance à court terme au détriment de l’équilibre des comptes publics peut conduire à des politiques et à des pratiques qui sapent la stabilité financière à long terme. C’est le cas de la politique des finances publiques menée par le gouvernement français.
Les bulles spéculatives, les déséquilibres commerciaux et les niveaux insoutenables d’endettement sont autant de symptômes d’une focalisation excessive sur le court terme au détriment de la durabilité économique. De même, les décisions politiques qui favorisent les intérêts à court terme des entreprises au détriment de l’intérêt public à long terme peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur la stabilité économique et sociale. Mais au-delà de la politique et de l’économie, les effets du temps long se font également sentir dans des domaines tels que la politique étrangère, la justice, l’immigration, l’éducation, la santé publique et la préservation de l’environnement. Les politiques qui négligent ces domaines au profit d’objectifs à court terme compromettent la qualité de vie des citoyens et compromettent le bien-être des générations futures. Par ailleurs,les conséquences du temps long se font ressentir particulièrement en matière des mutations technologiques sur la géopolitique. Sur ce sujet précis, nous allons examiner l’impact de l’Intelligence Artificielle sur l’immigration et les mouvements de désinvestissement de la France en Afrique francophone. Dans un monde en constante évolution, trois phénomènes émergent comme des forces majeures redéfinissant la société : les mouvements migratoires incontrôlés, les dérèglements climatiques accélérés et les progrès spectaculaires de l’intelligence artificielle. Bien que ces sujets semblent distincts, ils partagent tous un point commun : un contenu émotionnel intense qui traduit un sentiment de perte de contrôle. Parmi ces forces, l’essor de l’intelligence artificielle (IA) suscite des inquiétudes croissantes quant à son impact sur l’emploi et, par extension, sur les mouvements migratoires. En France, cette préoccupation est exacerbée par la possibilité que l’IA générative élimine progressivement les emplois moins qualifiés, créant ainsi une pression supplémentaire sur le marché du travail déjà tendu.L’automatisation alimentée par l’IA a déjà commencé à transformer divers secteurs économiques, remplaçant les tâches répétitives et prévisibles effectuées par les travailleurs humains. Les postes les moins qualifiés, souvent occupés par des immigrés, sont particulièrement vulnérables à cette transition. Les travaux de routine dans la fabrication, la logistique et le service sont progressivement remplacés par des systèmes automatisés, réduisant ainsi la demande de main-d’œuvre peu qualifiée.Cette transformation du marché du travail crée des tensions sociales et économiques, exacerbant les préoccupations existantes concernant l’immigration. Avec la montée du chômage et la concurrence accrue pour les emplois restants, certains segments de la population française peuvent tourner leurs colères et ressentiments vers les immigrants comme boucs émissaires, les accusant de prendre des emplois et de contribuer à la pression sur les services sociaux.
En conséquence, il est possible qu’une pression croissante de l’opinion publique, de plus en plus à droite, conduise à des politiques plus restrictives en matière d’immigration. Le gouvernement français pourrait être tenté de limiter l’immigration pour apaiser les tensions sociales et protéger les emplois restants pour les citoyens nationaux. En définitive, l’impact de l’IA sur les mouvements migratoires en France dépendra largement des choix politiques et sociaux que la société fera dans les années à venir. Notons que le Royaume-Uni a déjà mis en place un aller simple vers le Rwanda pour les migrants. Après des mois d’une bataille parlementaire acharnée, le projet de loi sur l’asile et l’immigration vient tout juste d’être adopté par le Parlement britannique. Les premiers vols des immigrés renvoyés d’Angleterre vers le Rwanda sont en cours au grand dam de certaines associations. Cependant, l’inaction ou les réponses répressives pourraient aggraver les tensions et compromettre la stabilité sociale et économique à long terme de l’ensemble des immigrés. Par ailleurs, plus largement est problématique le désengagement de la France de l’Afrique francophone et notamment des pays pauvres du Sahel. Et dans ce contexte, une chose est particulièrement symptomatique à savoir que les banques françaises se retirent de plus en plus du continent africain.Depuis près d’une quinzaine d’années, les banques françaises se désengagent peu à peu du continent et le mouvement s’accélère. Présente depuis plus de 100 ans en Afrique, la Société générale est la dernière après le crédit agricole et la BNP à entamer ce repli. De plus, il convient aussi de souligner que les pays riches dont particulièrement la France réduisent leur aide au développement, plongeant les nations les plus pauvres dans une crise sans précédent. Les paroles prononcées par le président kényan, William Ruto, lors du sommet sur la reconstitution du fonds de l’Association internationale de développement (AID) à Nairobi, mettent en lumière l’urgence de la situation pour les pays pauvres. Alors que la crise économique s’aggrave, les pays riches coupent dans leurs budgets d’aide au développement, laissant les 75 nations les plus pauvres décrocher. Le fonds de l’AID, principal pourvoyeur d’aide au développement pour ces nations, est confronté à une réduction de ses financements, avec une collecte attendue de 100 milliards de dollars pour les trois prochaines années, en baisse par rapport aux 93 milliards de l’année précédente.La Banque mondiale a récemment alerté sur la trajectoire inquiétante des pays les plus pauvres, marquée par un écart grandissant avec les nations les plus riches. Pour la première fois depuis le début du siècle, ces pays sont en plein décrochage économique, avec un tiers d’entre eux plus pauvres qu’en 2020 et la moitié en situation de surendettement.La situation est exacerbée par la baisse du commerce mondial et le ralentissement de la croissance économique, notamment en raison de la crise sanitaire et du réchauffement climatique. Les catastrophes naturelles deviennent également plus fréquentes et plus coûteuses, affectant gravement ces nations déjà fragilisées.Malgré cette crise croissante, les pays riches réduisent leur aide au développement. La France, par exemple, a annoncé une coupe significative de son aide publique au développement pour 2024. Cette décision est critiquée pour son impact sur la solidarité internationale, remettant en question les engagements précédents en faveur des pays les plus pauvres.
Les conséquences de cette réduction sont désastreuses pour les pays pauvres, qui voient leurs capacités de remboursement de la dette fortement diminuées. Le remboursement de la dette absorbe une part importante de leurs recettes, laissant peu de marge de manœuvre pour les dépenses essentielles telles que la santé et l’éducation.Face à cette crise, les pays pauvres se retrouvent dans une impasse, contraints de choisir entre le paiement de leur dette et la satisfaction des besoins fondamentaux de leur population. Cette situation met en lumière les défis auxquels sont confrontées les nations les plus pauvres et souligne l’urgence d’une action concertée de la part de la communauté internationale pour répondre à leurs besoins en matière de développement.Alors que la situation économique mondiale montre de légers signes de reprise, il est impératif que les pays riches renouvellent leur engagement envers les nations les plus pauvres et augmentent leur aide au développement. La solidarité internationale est plus que jamais nécessaire pour faire face aux défis mondiaux et garantir un avenir meilleur pour tous, mais quid alors de la nouvelle configuration de la géopolitique avec l’accélération phénoménale de l’intelligence artificielle qui est en passe de bouleverser l’ordre du monde. Ainsi, le développement de l’intelligence artificielle permet l’ouverture d’un champ des possibles presque infini. Dans le mesure où elle est régulée, elle peut se mettre au service de l’humanité. Dans le cas contraire, elle peut devenir une menace.
L’actuelle révolution numérique et de l’intelligence artificielle va bouleverser nos conditions de vie autant que les rapports de force internationaux.Pour Pascal Boniface, fondateur de l’Iris, auteur de Géopolitique de l’intelligence artificielle, « cette révolution est plus importante que la révolution industrielle du XIXème siècle », et pour d’autres la course engagée pour créer une machine qui surpassera l’homme bouleverse la géopolitique, le travail, la santé, l’art, etc…, aussi cette révolution est bien plus importante que l’invention d’Internet. En définitive et sans préjuger de l’avenir, tout pays souhaitant exister sur l’échiquier mondial doit pouvoir investir des centaines de milliards de dollars et maîtriser l’intelligence artificielle. Cette nouvelle donne va s’avérer incontournable, aussi il devient impératif de mettre en place en Guadeloupe et Martinique un observatoire stratégique de veille prospective pour reconnaître et maîtriser les évolutions. De même aussi il devient urgent de prendre en compte les effets du temps long dans la formulation des politiques publiques et des décisions économiques. Cela nécessite une vision à long terme et un engagement envers la durabilité, même lorsque cela implique des sacrifices à court terme. Les dirigeants politiques et économiques doivent être prêts à relever ce défi, en adoptant des politiques de type prospective qui favorisent le bien-être à long terme des citoyens et des générations futures plutôt que des gains immédiats. En fin de compte, privilégier le présentisme et ignorer les leçons du temps long est un jeu dangereux qui peut entraîner des conséquences désastreuses pour la société dans son ensemble.
» Pli ta, plis triss «
– traduction littérale : plus tard, plus triste
– moralité : la roue tourne !