— Par Angélique Stastny, docteure en sciences politiques à l’Université de Melbourne—
Angélique Stastny, docteure en sciences politiques, considère dans une tribune au « Monde » que les accords successifs depuis 1988 ne respectent pas le droit à la souveraineté des Kanak.
Tribune. Sur l’archipel que certains appellent « Kanaky » et d’autres « Nouvelle-Calédonie », un référendum prévu pour le dimanche 4 novembre appelle ses habitants à se prononcer sur le devenir de ce territoire français d’outre-mer inscrit sur la liste des territoires non autonomes, c’est-à-dire non décolonisés, de l’ONU. Le référendum est présenté par les pouvoirs politiques et nombre de commentateurs comme un processus inédit de décolonisation. Cependant, une analyse plus poussée du processus politique révèle que la décolonisation telle qu’elle est menée aujourd’hui n’en est pas une.
La consultation référendaire entérine la minorisation politique du peuple kanak. Les critères pour pouvoir figurer sur la liste électorale spéciale pour la consultation (LESC) et pouvoir ainsi voter au référendum ont fait l’objet de longues discussions entre indépendantistes et loyalistes. La publication de la liste définitive et les analyses récentes montrent que, malgré les efforts du peuple kanak pour que le résultat de cette consultation reflète au mieux ses volontés, le droit à l’autodétermination prévu à l’article 3 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (2007) n’est pas respecté.
Le flou qui demeure quant à la représentativité réelle des Kanak dans ce scrutin révèle le manque de considération donné à leur droit d’autodétermination. Les estimations sur la proportion de Kanak parmi les inscrits oscillent entre 43 % selon Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique, et 63 % selon le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste). Le haussariat [haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie] estime le nombre de votants de statut coutumier à 46 % (ce qui inclut aussi ceux qui étaient de statut coutumier et ont opté depuis pour le statut de droit commun) mais ne fournit aucun chiffre précis sur la proportion de votants kanak.
A quelques heures du référendum, il semble donc, pour le moment, impossible d’évaluer le pouvoir réel des Kanak de s’autodéterminer. Trente ans d’accords [les accords de Matignon-Oudinot remontent à 1988, l’accord de Nouméa à 1998] aboutissent à une situation farcesque. L’on doit se contenter de pronostics là où la rigueur devrait prévaloir. Le résultat du référendum ne traduira pas forcément l’opinion exprimée par la majorité des Kanak. La place de ces derniers dans le référendum reste donc incertaine pour un processus qui se voudrait être de décolonisation.
Un cas d’école
Par ailleurs, le processus mené par l’État français a défini la décolonisation comme une simple question statutaire portant sur la souveraineté territoriale. Une réelle décolonisation aurait nécessité d’engager, dans le même temps, un processus qui vise à transformer les structures et les mentalités qui perpétuent un schéma colonial quelle que soit l’évolution statutaire du territoire…
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