La Havane – Cuba a besoin de construire un « nouveau langage » qui « respecte les différences d’opinion » pour surmonter la crise qui l’a mené au bord de l’explosion sociale le 11 juillet, estime dans un entretien à l’AFP le cinéaste cubain, Fernando Pérez.
Avec « la crise sociale que traverse le pays, il ne peut y avoir qu’une explosion. Je ne sais pas jusqu’où cela ira« , confie le cinéaste de 76 ans, en pleine préparation d’un nouveau film.
Des milliers de personnes ont protesté dans plus de 40 villes cubaines les 11 et 12 juillet, aux cris de « Liberté !« , « On a faim ! » et « A bas la dictature !« . Ce soulèvement a fait un mort, plusieurs dizaines de blessés et conduit à plus d’une centaine d’arrestations.
Face à cette mobilisation inédite, le réalisateur regrette la manière dont les Cubains qui soutiennent le gouvernement agissent contre ceux qu’ils considèrent comme contre-révolutionnaires.
Il déplore l’utilisation de « la violence pour manifester » contre les voix critiques, « parce que ce sombre chapitre de notre histoire récente, que sont les actes de répudiation, est indélébile« .
A 76 ans, le réalisateur a participé aux manifestations du 27 novembre 2020 organisées par des artistes devant le ministère de la Culture pour réclamer plus de liberté d’expression. Il regrette que le dialogue ouvert avec le gouvernement grâce à cette initiative inédite ait fait long feu.
« J’ai senti que quelque chose était vraiment en train de changer dans notre réalité« , dit-il en soulignant que les 300 jeunes artistes à l’origine de cette mobilisation « demandent ce que j’appelle un nouveau langage« .
Un langage « pas seulement fait de mots, mais aussi d’attitudes, de solutions, de changements radicaux dans notre pays« , qui amènerait « la liberté d’expression, le respect des différences d’opinion et l’ouverture d’espaces indépendants, non seulement pour l’art mais aussi pour d’autres facettes de la réalité« , dit-il.
– Plaies toujours ouvertes –
Contrairement à sa génération qui a toujours agi dans « les canaux établis« , ces jeunes sont allés « au-delà des institutions« , constate-t-il.
Toutefois, après avoir tenu tête aux autorités, ils ont été « stigmatisés » dans les médias officiels. « Le reportage avait beau montrer des visages, c’était des visages sans voix, on ne savait pas ce qu’ils pensaient« , ajoute-t-il dans un geste d’impuissance.
« C’est le résultat de l’absence de ce nouveau langage, de cette nouvelle attitude, d’un pays qui doit permettre aux jeunes de participer, parce qu’ils ne sont pas l’avenir mais déjà le présent« , estime-t-il.
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