— Par Laurent Etre —
Avec leur ouvrage Main basse sur la culture, les journalistes Michaël Moreau et Raphaël Porier
nous entraînent dans les arcanes de la marchandisation de la culture.
Voici un livre qui tombe à point nommé, alors que l’inauguration de la Fondation Louis-Vuitton par Bernard Arnault, le week-end dernier, a suscité un emballement médiatique sans doute au-delà des espérances du PDG de l’entreprise de luxe LVMH. Certes, pour une part, l’enthousiasme concernait la prouesse architecturale de Frank Gehry, le concepteur du bâtiment de verre. Mais cela ne fera pas oublier l’opération de communication menée par Bernard Arnault. Évoquant le personnage, les auteurs de Main basse sur la culture rappellent qu’il a « bâti son empire sur les décombres de l’usine de textiles Boussac, rachetée en 1984 parce que l’entreprise détenait la pépite Christian Dior ». « Lorsque je l’ai rencontré, il venait de prendre la présidence de LVMH et, dans les médias, son image était assez négative », raconte à Michaël Moreau et Raphaël Porier, un proche conseiller du PDG, Jean-Paul Claverie. Qui parle, par ailleurs, de l’investissement de LVMH dans le mécénat culturel en termes de « décision stratégique majeure » et de constitution d’un « vecteur de communication spécifique ». Tout un poème… Pour déclarer sa flamme insistante et dangereuse au monde de la culture, celui de l’argent ne recule devant rien. Même de grands théâtres parisiens ont fini par baisser la garde, à l’instar du plus prestigieux d’entre eux : la Comédie-Française. « Les pièces et tournées de l’illustre troupe se retrouvent ainsi financées par Total, le groupe de conseil financier Grant Thornton, dont le slogan est “l’instinct de croissance”, le maroquinier Longchamp, les voitures Renault ou les pneus Michelin ! » pointent les deux journalistes d’investigation. Main basse sur la culture passe au crible tous les secteurs, de la musique au cinéma en passant par la télévision, qui subit désormais la concurrence du service de vidéo à la demande sur Internet, Netflix, dont le siège européen est au Luxembourg. L’attrait des géants américains, Google en tête, pour les paradis fiscaux est abondamment analysé, chiffres à l’appui. L’ensemble fournit un bon état des lieux de la culture en France et des rapports de forces qui la traversent.
Main basse sur la culture, Éditions La Découverte, 2014, 19,50 euros.
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